L'autorité revisitée

Comment s’exerce le pouvoir dans une entreprise libérée

Il multiplie les interventions dans les médias depuis trois ans. Le CEO de Loyco à Genève (externalisation de prestations RH, finances, assurances et marketing), Christophe Barman explique ici comment il met en pratique son leadership dans une entreprise libérée.

La fondation de Loyco est née de sa rencontre avec le capitalisme sauvage. Christophe Barman dirigeait la société Uniriscgroup, dont la majorité fut acquise par la compagnie financière Edmond de Rotschild en 2013. Cette expérience fut douloureuse, confie-t-il volontiers lors de ses conférences publiques. Il décide donc – avec une poignée de collègues – de créer un nouveau modèle d’entreprise dont l’impact sur son environnement serait plus favorable. Pour y arriver, ils se basent sur le modèle du développement durable PPP (People, Planet, Profit) et le cadre de référence développé par B-Corp. Ces engagements guideront toutes leurs décisions. Trois ans plus tard, Loyco compte 80 collaborateurs et génère un chiffre d’affaires de 10,5 millions de francs. Pour HR Today, Christophe Barman revient ici sur les enjeux majeurs du pouvoir dans une entreprise libérée.

Le rôle du patron

«Je me considère comme un catalyseur de talents, mon rôle est d’amener les gens là où ils doivent aller. Nous souhaitions créer une organisation où les gens viendraient travailler avec passion et plaisir. De là est né notre volonté de créer une entreprise avec très peu de hiérarchie et beaucoup d’autonomie laissée aux collaborateurs. Je suis aussi le garant des valeurs de Loyco. Car les valeurs sont le vrai liant de l’organisation. Chez nous, ces valeurs sont: intelligence collective, plaisir, plasticité et innovation. Au moment de crises, c’est également à moi de prendre les devants. L’absence de hiérarchie et la forte autonomisation de chaque collaborateur amène parfois des situations conflictuelles. Cela peut être en raison d’un manque de clarté dans les rôles de chacun ou dans le surmenage qui est souvent associé à une forte autonomie. J’interviens dans ces situations et propose des coaching ou du mentoring pour accompagner nos collaborateurs. »

Le pouvoir et l’autorité

«La notion de pouvoir et d’autorité se décline différemment dans une entreprise libérée. Chez nous, c’est le talent qui attire le rôle, de manière organique. Ainsi, nous sommes très attentifs aux compétences de chacun et nous attribuons aux personnes compétentes les rôles qu’ils seront le mieux à même de tenir.

Notre croissance marquée de ces premières années couplée à l’absence de hiérarchie ont immanquablement générés des défauts de coordination. Il nous paraît aujourd’hui indispensable de structurer la prise de décision et l’attribution des rôles. Nous avons ainsi démarré un projet pilote de «holacracy» au sein d’ une équipe de 15 personnes, dont les premiers résultats sont très concluants. Plusieurs leaders naturels ont émergé et l’équipe, dont la responsabilité était préalablement confiée à une personne, dispose désormais de plusieurs locomotives. Je suis persuadé que chacun doit pouvoir jouer le rôle qui lui sied le mieux dans l’organisation. Le mien est de donner à chacun les moyens d’atteindre ses objectifs.

Les équipes qui ne sont pas encore structurées en «holacracy» sont très peu hiérarchisées. Nous estimons que la hiérarchie tue la créativité et qu’elle coûte passablement d’énergie en termes de contrôle. Une hiérarchie forte est un système très infantilisant. Une entreprise libérée exige en revanche beaucoup de coordination. La mise en place de la stratégie est centrale et elle doit être largement communiquée et comprise. Car quand vous favorisez le participatif, le risque est de voir les initiatives individuelles partir dans tous les sens.»

Les limites

«Je vois deux limites majeures aux modèles d’entreprise libérée. La première est la tyrannie du collectif. Si vous donner beaucoup d’autonomie et de responsabilités aux collaborateurs, en cas d’erreur ou de dysfonctionnement, tout le monde à tendance à monter au front pour fustiger le fautif. Un gros travail sur le feed-back bienveillant envers ses pairs doit ainsi être effectué. Il y a aussi un risque non-négligeable de burnout. Car on constate que les collaborateurs prennent leurs rôles très à cœur et on tendance à redoubler d’effort dans la tâche. Avec tous les risques que l’on connaît pour la santé des collaborateurs et l’atmosphère générale dans le groupe.»

Le leadership selon Christophe Barman

Lundi, 30 octobre 2017, Av. Industrielle 4, Carouge (chez Loyco).

Pionnier du management participatif, Christophe Barman partagera son expérience et échangera avec le public. Entrée libre, inscription obligatoire par mail à mb@hrtoday.ch

 

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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