Conseils pratiques

Le leadership se métamorphose du hiérarchique au systémique

La quatrième révolution industrielle et plusieurs changement sociétaux sont en train de transformer les tâches et la posture du manager. Analyse.

Nombreuses sont les organisations qui doivent être en danger aujourd’hui, puisque nous entendons de toutes parts qu’il faut les libérer! Et si le débat était en réalité ailleurs? Faisons un pas de côté: il ne s’agit pas tant de libérer les entreprises que de permettre à chacune des personnes qui les constituent d’y utiliser pleinement leur potentiel. Il conviendrait donc plutôt de venir en aide à l’ensemble des collaborateurs et collaboratrices.

Une révolution sociétale

Dans notre monde, une transformation de plus en plus rapide est à l’œuvre, portée par cinq tendances de fond interconnectées:

  • Complexité accrue induisant de nouvelles logiques de pensée et d’action;
  • Individualisation se traduisant par des aspirations profondes et l’affirmation de revendications telles que devenir l’acteur / l’actrice de sa vie;
  • Incertitude grandissante générant une quête de sens;
  • Généralisation de l’interdépendance entre individus, entre entreprises et entre nations, impliquant une nécessité vitale de coopération;
  • Digitalisation de l’économie qui sous-tend des transformations profondes des métiers (et des compétences) et expose à la fois à des opportunités colossales en termes d’innovations, ainsi qu’à des risques majeurs qu’il faut prendre en considération.

Dans ce contexte, la place des managers est centrale pour faire émerger l’entreprise sociale décrite dans le dernier rapport de Deloitte. Clairement, il est impensable de continuer à répondre aux enjeux de la 4ème révolution industrielle avec les modes d’organisation et les principes managériaux hérités de la 2ème. Il est grand temps de définir de nouvelles logiques d’action venant métamorphoser le rôle et la posture des managers.

Managers ou leaders?

Et d’ailleurs, est-il pertinent de parler de manager, ou doit-on parler de leader? Les termes «management» et «leadership» entretiennent ce que l’on appelle en linguistique une relation d’énantiosémie, c’est-à-dire qu’ils appartiennent à une catégorie assez singulière de mots qui sont, suivant le contexte, soit synonymes, soit antonymes.

Dans les expressions «styles de management», «styles de leadership», «styles de commandement», etc., ils sont synonymes. Employés seuls, ou sous la forme «manager» et «leader», ce sont des antonymes que pratiquement tous les auteurs opposent dans la littérature.

La cause profonde de cette énantiosémie réside dans le fait que ces concepts recouvrent des dimensions multiples et sont souvent employés indifféremment l’un pour l’autre. Pour mieux comprendre cette complexité, il est important de bien définir ces deux notions.

Pour Katz & Kotter, le management implique de planifier, d’organiser, de coordonner et de suivre l’activité d’un groupe de personnes. Northouse synthétise et complète cette définition en parlant d’un processus dans lequel des objectifs clairement définis sont atteints en utilisant au mieux les ressources à disposition.

De son côté, le leadership a été décrit comme un comportement, une compétence, une responsabilité... et une fonction du management. Autant dire que cette notion a beaucoup inspiré les auteurs tout en créant de la confusion. Néanmoins, la majorité des définitions se concentrent sur deux aspects critiques: processus d’influence d’un groupe pour atteindre un objectif; développement d’une vision stratégique.

Kotter ajoute une idée intéressante à la vision dichotomique de l’ensemble de la littérature: «Le leadership n’est pas meilleur que le management. Leadership et management sont deux activités distinctes et complémentaires. Les deux sont nécessaires pour être performant dans un environnement toujours plus complexe et volatil».

Cette approche illustre en effet la nécessité de ne pas se perdre dans un clivage inutile et déconnecté de la réalité de ce que vivent les femmes et les hommes au sein de leur organisation. Ainsi, de notre point de vue, leadership et management sont les deux faces d’une même pièce! Aujourd’hui, dépasser ce clivage théorique pour répondre aux enjeux actuels et futurs est indispensable. La question n’est plus de savoir si nous avons besoin de managers ou de leaders, mais plutôt de discerner quelles composantes de l’un et de l’autre vont permettre d’accompagner les équipes vers le succès.

Vers un nouveau modèle

En croisant les enseignements des modèles théoriques les plus pertinents avec les études actuelles et notre expérience, nous avons modélisé les trois missions clefs des managers:

Adopter un positionnement stratégique

  • Définir et mettre à jour la stratégie ainsi que les fondamentaux nécessaires à sa mise en œuvre;
  • Construire et déployer une culture d’accompagnement du changement permanent favorisant l’innovation.

Organiser le travail

  • Transmettre à chaque collaborateur ses missions et ses objectifs en les connectant avec la stratégie globale;
  • Structurer et développer les capacités d’action individuelle et collective afin de mobiliser l’intelligence systémique.

Piloter la performance

  • Mobiliser l’ensemble des ressources de chaque personne pour lui permettre d’atteindre ses objectifs et ceux de l’équipe;
  • Inspirer, encourager et influencer chaque individu en utilisant le levier de la motivation (individuelle) au service de la performance (collective).

Ces missions s’imbriquent elles-mêmes dans des paradoxes que les managers auront à résoudre comme des énigmes, voire à transcender en trouvant des solutions jusque-là inexplorées. Que l’on ne s’y trompe pas, «la capacité à naviguer à travers les paradoxes constitue la prochaine vague dans l’évolution de l’efficacité managériale», selon Dave Ulrich, professeur à l’Université du Michigan.

Pour accomplir ces missions dans un contexte aux injonctions souvent paradoxales, reste à déterminer quel pourrait être le dénominateur commun en termes de posture et de compétences. Là encore, de nombreuses études nous procurent des informations capitales. La plus poussée d’entre elles consiste en l’analyse de 100000 360°, corrélée avec les indicateurs de performance des équipes managées.

Cette méta-analyse fait ressortir 16 traits
caractéristiques, dont certains sont en réalité des missions du manager alors que d’autres constituent des compétences clefs.

En parallèle, nous avons réalisé plusieurs ateliers d’une demi-journée avec 10 à 15 managers venant d’entreprises différentes et occupant des postes allant de chef d’équipe à directeur d’une PME. Enfin, nous avons comparé ces résultats avec les compétences que nos clients nous demandent d’évaluer en assessment ou de transmettre lors de parcours mixtes (formation et coaching). Peu ou prou, ce sont toujours les mêmes éléments qui ressortent, venant confirmer l’analyse américaine.

Demain, trois postures complémentaires nécessitant chacune quatre compétences fondamentales seront ainsi au cœur du succès des managers. En les combinant, ces derniers pourront alors répondre aux enjeux de la 4ème révolution industrielle tout en mobilisant les talents de toutes les personnes qui constituent leur équipe!

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Après une formation en GRH, Nicolas Quoëx a travaillé 14 ans dans des organisations de tailles et secteurs variés en qualité de responsable des ressources humaines. En 2012, il est devenu indépendant puis a cofondé Skillspotting fin 2014. skillspotting.com

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