Conseils pratiques

Le salaire en cas d’empêchement de travailler en raison d’une maladie

Comment se règle la question de la rémunération en cas d’empêchement de travailler. Tour d’horizon des cas de figures et du cadre législatif.

Dans un contrat de travail, l’absence de prestations du travailleur devrait avoir pour conséquence l’absence de rémunération par l’employeur. Le droit du travail autorise le travailleur à se prévaloir, à certaines conditions, du maintien de sa rémunération en cas d’empêchement non fautif de travailler pour des raisons inhérentes à sa personne, telles que la maladie.

L’employeur et le collaborateur peuvent convenir de différentes solutions pour maintenir la rémunération, soit le régime légal de base sans assurance, un régime complémentaire ou un régime conventionnel dérogatoire; ces différentes possibilités sont examinées ci-dessous après un rappel de quelques règles.

Cette contribution se confine d’une part à l’empêchement de travailler pour maladie, à l’exclusion de toute autre cause (accident; grossesse; service militaire; etc.) et d’autre part aux dispositions légales, en faisant abstraction des conventions collectives de travail et des contrats type de travail.

Conditions

Pour bénéficier d’une rémunération en cas d’incapacité de travail pour cause de maladie, un certain nombre de conditions doivent être réunies.

a. Cause de l’empêchement.

Le travailleur est protégé si l’empêchement est subjectif, c’est-à-dire inhérent à sa personne; il ne peut donc en principe pas s’agir d’une cause externe, comme une impossibilité de reprendre son travail après les vacances en raison de l’annulation d’un vol. L’incapacité, totale ou partielle de fournir le travail, est prise en compte quelle que soit son ampleur, sans seuil minimum.

b. Caractère non fautif de l’empêchement.

L’obligation de l’employeur de verser le salaire en cas d’empêchement de travailler disparaît lorsque l’empêchement est lié à une faute du travailleur (par exemple empêchement de travailler consécutif à la consommation d’alcool, automutilation, peine privative de liberté, etc.). Les tribunaux font preuve de retenue lorsqu’ils analysent la question de la responsabilité du travailleur dans la survenance de l’incapacité de travail.

c. Durée minimale des rapports de travail.

L’obligation de payer le salaire en cas d’incapacité de travail existe dans la mesure où les rapports de travail ont duré plus de trois mois (contrat de durée indéterminée) ou ont été conclus pour plus de trois mois (contrat de durée déterminée). Le collaborateur lié par un contrat de durée indéterminée avec un délai de congé égal ou inférieur à trois mois, qui devient incapable de travailler au cours des trois premiers mois, n’a pas droit à son salaire avant le premier jour du quatrième mois des relations de travail.

Régime de base légal, sans assurance

Conformément à l’art. 324a al. 1 CO, si le collaborateur est empêché de travailler sans faute de sa part pour des causes inhérentes à sa personne, notamment maladie, l’employeur lui verse le salaire pour un temps limité, y compris une indemnité équitable pour le salaire en nature perdu, dans la mesure où les rapports de travail ont duré plus de trois mois ou ont été conclus pour plus de trois mois. Il n’est pas possible de déroger au détriment du travailleur au régime légal de base. C’est le seuil minimal de protection.

La notion de temps limité n’est pas définie avec précision par le CO, mais les tribunaux appliquent des barèmes de référence pour déterminer le droit du travailleur. L’échelle bernoise est fréquemment utilisée. Il s’agit d’un crédit unique pour chaque année d’activité (et non pas civile), englobant l’ensemble des empêchements non fautifs de travailler couverts par l’art 324a CO.

Régime complémentaire

Les parties peuvent convenir d’améliorer la protection du travailleur, sans cependant déroger au régime légal de base, par exemple en prolongeant la période pendant laquelle le salaire est dû. Il s’agit du régime complémentaire qui n’est soumis à aucune forme particulière.

Régime conventionnel dérogatoire

Généralités

L’art. 324a al. 4 CO permet de déroger au régime de base légal si les conditions suivantes sont respectées:

a. Équivalence.

L’équivalence est reconnue si les prestations sont inférieures, mais servies sur une plus longue période. La jurisprudence admet l’équivalence lorsqu’une assurance alloue 80 % du salaire durant 720 jours, après un délai d’attente de trois jours au maximum et que l’employeur paie au moins la moitié des primes.

b. Forme.

La dérogation au système légal de base doit être passée en la forme écrite, signée par les deux parties, indiquant les points essentiels du régime dérogatoire, soit:

  • le pour cent du salaire assuré • les risques couverts
  • les restrictions de couverture • la durée des prestations
  • les modalités de financement des primes • la durée du délai d’attente

L’exigence de forme est satisfaite lorsque le contrat de travail signé par les parties ne comporte pas les points essentiels du régime d’assurance, mais renvoie à un document qui en contient le détail et qui offre au collaborateur la possibilité de prendre connaissance des conditions générales d’assurance (TF 4A_228/2017).

Effet libératoire

Si l’employeur a souscrit une assurance satisfaisant aux règles mentionnées ci-dessus et qu’il a rempli toutes ses obligations envers l’assureur (paiement des primes et annonce du sinistre en temps utile):

  • il est libéré de toute obligation de payer le salaire envers le travailleur malade;
  • lorsque l’assureur refuse de verser des indemnités parce qu’il conteste le bien-fondé de l’incapacité, il appartient en principe au travailleur de s’adresser aux juridictions compétentes car il dispose d’un droit direct d’action contre l’assureur;
  • lorsque le travailleur a épuisé le droit aux prestations de l’assurance et que son incapacité se poursuit, le droit au salaire en cas d’incapacité de travail ne renaît pas et l’employeur n’aura plus d’obligation de verser le salaire à l’égard du travailleur dont l’incapacité de travail se poursuit.

Information et responsabilité de l’employeur

Conclure une assurance maladie perte de gain déroge au système légal de base. Ceci impose à l’employeur un devoir accru d’information (art. 331 al. 4 CO). En cas de violation de cette obligation, l’employeur court le risque de devoir se substituer à l’assurance, ce qui peut entraîner des coûts très élevés.

Fin des rapports de travail

Libre passage, perte de gain, maladie

La couverture d’assurance s’éteint lorsque les rapports de travail prennent fin. Les assurances ­maladie perte de gain peuvent être soumises à la LAMal ou à la LCA, ce qui a en particulier une incidence très importante si l’incapacité se poursuit au­-delà de la fin des rap­ ports de travail.

• LAMal

Si l’incapacité se poursuit au­-delà de la fin des rapports de travail, le travail­ leur doit s’affilier à titre individuel auprès de l’assureur maladie collectif de l’employeur pour continuer à percevoir les prestations pour un cas en cours. Il est toutefois possible que les conditions générales d’assurance prévoient d’autres règles.

• LCA

Si les conditions d’assurance ne contiennent pas de règles contraires, le travailleur dont l’incapacité se poursuit au­-delà de la fin des rapports de travail continue à recevoir les prestations, au maximum pour la durée prévue par le contrat d’assurance.

• Obligation d’informer

L’art. 71 al. 2 LAMal impose à l’assureur l’obligation de renseigner par écrit l’assuré sur son droit de libre passage et le délai pour le faire valoir, tandis que la LCA est muette sur cette question, ce qui a pour conséquence que cette obli­gation est à charge de l’employeur.

Le Tribunal fédéral (TF 4A_186/2010) a condamné un employeur à payer à son ex-­collaborateur un montant égal aux indemnités journalières non perçues, car il n’avait pas indiqué le délai dans lequel il avait la possibilité de s’assurer à titre individuel pour la perte de gain en cas de maladie.

Le délai dans lequel le collaborateur doit demander à bénéficier du libre-passage est fixé par la LAMal (Art. 71 al. 2 LAMal); en revanche, il peut varier pour les contrats d’assurance soumis à la LCA tant quant à la manière d’exprimer le délai (jour – mois), la durée (30 jours – 3 mois) que du jour à partir duquel le délai commence à courir (fin des rapports de travail – date à laquelle le collaborateur a été infor­mé de son droit). L’employeur se référera donc aux règles spécifiques des conditions générales d’assurance pour informer ses collaborateurs.

 

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Pierre Matile, avocat, dirige depuis sa création en 1997 CJE Sàrl, Avocats, Conseillers d'Entreprises, spécialiste dans le conseil aux employeurs et le réglement des différends en travail du travail. Lien: www.cje.ch

 

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