Droit et travail

Salarié ou indépendant?

Afin de déterminer qui paiera les cotisations sociales, il faut clarifier si l’activité de votre cocontractant est considérée comme salariée ou indépendante.

La délimitation entre activité salariée et activité indé­pendante est délicate. Un tribunal du travail londonien a récemment reconnu Uber comme étant l’employeur de ses chauffeurs. Que dire des contrats de consultant? Selon les circonstances, ils peuvent se révéler être un contrat de travail. Enfin, le portage salarial permet à des professionnels qualifiés («portés») de rendre des services à leurs clients, tout en dé­léguant les charges administratives à une société de portage; les caisses de compensation examinent au cas par cas si le porté exerce une activité dépendante ou indépendante.

Alors que l’indépendant paie seul ses cotisations sociales (AVS/AI/APG), le salarié et son employeur paient chacun la moitié de celles-­ci. Il est donc important de savoir si la personne avec qui vous concluez un contrat sera votre em­ployée ou, au contraire, une personne indépendante de
votre entreprise. Si l’activité n’est finalement pas reconnue comme indépendante, l’employeur risque de devoir rattra­per les cotisations sociales paritaires, ainsi que les créances découlant du contrat de travail (vacances, salaire en cas de maladie, etc.).

Quels sont les critères de délimitation?

Les circonstances économiques sont déterminantes. Ni l’intitulé du contrat ni la nature juridique des rapports entre les parties ne le sont; le texte du contrat peut tout au plus servir d’indice. Il n’appartient en effet pas aux parties de décider si l’activité convenue est une activité salariée ou indépendante. Les situations économiques étant très variées, il est souvent difficile de déterminer s’il s’agit d’une activité salariée ou in­ dépendante. On tranchera selon les éléments prédominants dans le cas considéré.

Il faut savoir qu’une personne peut exercer à la fois une activité salariée et une activité indépendante, quelle que soit leur importance (l’une peut être principale et l’autre accessoire ou inversement).

De manière générale, l’indépendant assume le risque éco­nomique, il fait des investissements; il organise son travail seul (quantité, horaire, lieu de travail), il n’est pas intégré à l’orga­nisation d’une entreprise ni subordonné aux instructions de son cocontractant; il peut engager du personnel (il n’est donc pas obligé d’exécuter lui­-même la prestation de travail), il tra­vaille en général pour plusieurs entreprises et peut choisir ses clients, il ne se fait pas rembourser ses frais, etc. A l’inverse, est un salarié celui qui dépend économiquement de son em­ployeur, est intégré dans l’entreprise, reçoit des instructions, peut être soumis à une clause de prohibition de concurrence, etc.

Les personnes qui exécutent des missions pour leur ancien employeur restent généralement ses salariées. Si elles ont fondé une société de capitaux (SA, Sàrl, société coopérative, société en commandite par actions), elles seront salariées de cette société, mais non plus de leur ancien employeur.

S’agissant des agents, la jurisprudence précise qu’ils doivent avoir leurs propres locaux commerciaux, employer effectivement du personnel (il ne suffit pas qu’ils aient seule­ ment la possibilité d’en engager) et supporter eux­mêmes l’es­sentiel des coûts de leur activité, afin de pouvoir être reconnus comme indépendants.

Exemples:

  • Un livreur de journaux auquel les horaires et le parcours de ses tournées sont imposés a une liberté organisationnelle si limitée qu’il ne peut pas être qualifié d’indépendant. 

  • Le titulaire d’une fiduciaire en raison indivi­duelle, qui se met à travailler à environ 50% pour une société en tant que comptable, laquelle lui verse CHF 4500.– par mois et met à sa dispo­sition l’infrastructure nécessaire, exerce une ac­tivité salariée pour cette société, quand bien même il continue d’honorer des mandats en tant qu’indépendant dans d’autres domaines. 

  • Une coiffeuse indépendante, qui annonce une activité accessoire de transfert de fonds pour laquelle elle utilise le système informatique de la société dont elle est l’agente, sans prendre de risque économique lié à cette activité de trans­fert de fonds (l’aménagement de sa place de travail dans son salon de coiffure, dont l’achat d’un ordinateur, ne suffisant pas à justifier une activité indépendante), tout en étant inté­grée dans l’organisation de ladite société, ne peut pas être reconnue comme exerçant une activité indépendante de transfert de fonds. Elle est donc à la fois coiffeuse indépendante et agente salariée dans le domaine du transfert de fonds.


En conclusion, lorsqu’une relation contractuelle ne paraît pas d’emblée être un contrat de travail, nous recommandons aux entreprises de deman­der à leur cocontractant de leur fournir une attestation d’indépendant (attestation qui pré­cise le domaine reconnu comme tel) et, en cas de doute sur la nature de l’activité convenue, de soumettre le contrat à leur caisse de com­pensation (ou à la SUVA dans ses domaines de compétence).

Qualification impérative du contrat de travail

Le contrat de travail se caractérise par une prestation de travail effectuée personnellement par le salarié, la mise à disposition de son temps par le travailleur pour une durée déterminée ou indéterminée, un rapport de subordination et un salaire.


Si ces critères sont réunis, il s’agit obligatoirement d’un contrat de travail. La dénomination autre que les parties auraient donnée à leur relation contractuelle est sans importance.
L’élément le plus caractéristique du contrat de travail est la subordination: le travailleur reçoit des instructions de son employeur, il est assujetti à sa surveillance et intégré dans l’organisation du travail.


Le critère de la subordination doit être relativisé s’agissant d’activités typiquement libérales ou de fonctions dirigeantes. Dans ces cas, plaident notamment en faveur du contrat de travail la rémunération périodique, la mise à disposition d’une place de travail et des outils de travail,
ainsi que la prise en charge par l’employeur du risque de l’entreprise.

 

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Geneviève Ordolli, docteur en droit, est juriste au Service d’assistance juridique et conseils (SAJEC) de la Fédération des entreprises romandes, Genève.

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