23.10.2014

Egalité des salaires: Les boîtes de plus de 50 personnes devront montrer patte blanche

Le Conseil fédéral envisage des mesures pour contrer les discriminations salariales à l'encontre des femmes. Pas question cependant de créer une police des salaires. Le dispositif prévu ne veut pas brusquer les entreprises: il mise sur une analyse régulière des rémunérations uniquement dans les boîtes de plus de 50 employés.

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Berne (ats) Après avoir longtemps rechigné à intervenir, le gouvernement est arrivé à la "conclusion que miser sur la bonne volonté des employeurs ne suffira pas pour réaliser l'objectif constitutionnel".

L'égalité entre hommes et femmes figure depuis 33 ans dans la constitution fédérale et l'interdiction de la discrimination salariale depuis 18 ans dans la loi, a rappelé la ministre de la justice Simonetta Sommaruga devant la presse.

Malgré tout, l'écart salarial entre les femmes et les hommes atteignait 18,9% ou environ 677 francs par mois en 2012. Si une partie de la différence, qui correspond à 7,7 milliards par an, s'explique par des questions de formation ou de niveau de responsabilité, environ 9% relèvent de la pure discrimination.

Pas de sanctions directes

Après avoir tenté vainement la voie du dialogue avec les employeurs, le Conseil fédéral a décidé d'empoigner des mesures. Il a écarté d'emblée l'idée de sanctionner directement les entreprises discriminant les travailleuses.

Le gouvernement souhaite un système qui ne soit pas disproportionné, qui produise une charge administrative limitée et fasse la part belle à la responsabilité individuelle, selon Mme Sommaruga.

Contrôles réguliers

Le projet prévoit d'obliger les patrons employant au moins 50 personnes (soit environ 10'000 firmes) à procéder régulièrement à une analyse des salaires dans leur entreprise et à faire contrôler son exécution par des tiers. Cet examen pourrait être confié aux partenaires sociaux, à un organe de révision ou à une organisation reconnue par l'Etat. Les employeurs pourront choisir leur organisme préféré.

Le résultat du contrôle sera mentionné dans le rapport annuel. Il sera par exemple précisé si une discrimination conséquente a été constatée (on parle d'une différence d'au moins 5%) et si des mesures ont été prises ou sont envisagées pour corriger le tir, a précisé le vice-directeur de l'Office de la justice Luzius Mader.

Procès

Mais l'ampleur d'un éventuel écart salarial existant entre les hommes et les femmes ne devra pas être publiée. Si l'employeur ne prend pas de mesures pour éliminer une discrimination, le fardeau restera aux mains des employées concernées qui devront réclamer l'égalité salariale devant les tribunaux.

En 33 ans, plus de 300 procès ont été intentés pour discrimination salariale, avec une nette prépondérance en Suisse alémanique, a précisé M. Mader. La tendance à la plainte pourrait progresser avec la nouvelle législation, puisque les intéressées auront des éléments concrets à faire valoir devant les juges.

Obligation d'annoncer

Le Conseil fédéral s'interroge aussi sur une autre mesure de rétorsion à l'encontre des employeurs peu enclins à respecter l'égalité salariale. Il examine la possibilité d'une obligation, pour les organes de révision contrôlant les salaires, d'annoncer les entreprises qui ne suivent pas les recommandations.

Ce genre de système fonctionne très bien pour le blanchiment d'argent, par exemple, d'après Mme Sommaruga. Mais le dispositif, qui risque de susciter une levée de boucliers, doit encore être précisé.

Le Département fédéral de justice et police a été chargé d'élaborer un projet de loi, en collaboration avec les Départements de l'intérieur et de l'économie. La mouture devrait être mise en consultation d'ici à l'été 2015.

Propositions accueillies avec scepticisme

Le patronat ne saute pas de joie après les propositions du Conseil fédéral. Pour les syndicats en revanche, c'est un premier pas dans la bonne direction et une nette amélioration de la situation actuelle, mais le but n'est pas encore atteint.

Des analyses salariales régulières dans les entreprises correspondent à une exigence des syndicats, rappelle Travail.Suisse. De l'avis de l'organisation, la différence de salaire existante devrait obligatoirement être publiée.

Les conséquences en cas d'écart sont jugées vagues pour l'heure. Pour Travail.Suisse, la discrimination salariale est une infraction à la loi qui doit pouvoir être punie. Il manque des sanctions contre les entreprises fautives et des mesures efficaces pour supprimer l'inégalité salariale.

Alliance F et les Femmes socialistes saluent également les mesures annoncées, "mais la route est encore longue" écrivent ces dernières dans un communiqué. Selon Cesla Amarelle, leur vice-présidente et conseillère nationale vaudoise, des mesures et outils supplémentaires sont incontournables.

Les propositions du Conseil fédéral ne font "pas bondir de joie" l'Union patronale suisse, admet Daniella Lützelschwab, membre du comité directeur. L'organisation se demande si ces mesures sont bien nécessaires. Une obligation d'annoncer n'est de toute façon pas la bonne voie.

En attendant d'examiner les détails lors de la consultation, l'Union patronale juge tout de même positif qu'un seuil minimal de 50 employés soit prévu, qui pourrait toutefois s'avérer trop bas. De même, elle salue la proposition de ne pas devoir publier l'éventuel écart de salaire.

Même son de cloche auprès de l'Union suisse des arts et métiers (usam), qui qualifie les mesures proposées d'ingérence bureaucratique qui n'entraîne que des surcoûts.

Au lieu de revoir les objectifs du dialogue salarial volontaire, le Conseil fédéral le déclare en échec. Et ceci alors que les PME ont rempli leur part du contrat, fait remarquer leur organisation faîtière. De plus, il n'existe pas, aux yeux de l'usam, de méthode fiable définissant la discrimination salariale.