28.03.2017

Frontaliers: La justice jurassienne interdit le paiement des salaires en euros

Les salaires des travailleurs frontaliers employés par VonRoll dans le canton du Jura ne peuvent pas être payés en euros. Le Tribunal cantonal jurassien a confirmé cette interdiction, contre laquelle avait fait appel l'entreprise de fonderie.

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(ats) En juin 2011, VonRoll a informé ses employés que les salaires des travailleurs résidant dans la zone euro allaient être payés en euros à partir du 1er janvier 2012. Ceci afin d'amortir les effets du cours du change suite à la baisse de l'euro et au renforcement du franc suisse.

Une des clauses des contrats signés stipulait que si le cours du franc suisse descend en-dessous de 1,30 franc ou augmente en-dessus de 1,60 franc en moyenne pendant trois mois consécutifs par rapport à l'euro, le salaire en francs suisses sera converti au taux de 1,30 respectivement 1,60 et versé sur un compte euro en Suisse.

Arriérés réclamés

Un frontalier français travaillant sur le site de Choindez (JU) a porté plainte en 2016 et demandé plus de 19'000 francs d'arriérés de salaire auxquels il prétend avoir droit suite au paiement de son salaire en euros depuis le 1er janvier 2012. Soit la différence entre le salaire versé selon le taux fixe 1 euro égale 1,30 franc et le salaire tel qu'il aurait été versé au taux réel.

Le Conseil des prud'hommes lui a donné raison en juin 2016, condamnant VonRoll a payer 18'800 francs à titre de différence de salaire pour celui payé en euros avec un taux de change de 1,30
franc. VonRoll a fait appel de cette décision, mais vient d'être déboutée par le Tribunal cantonal, qui confirme la décision de première instance.

Le Tribunal cantonal considère que le versement des salaires en euros aux travailleurs résidant dans la zone euro entraîne pour ceux-ci une diminution de salaire substantielle par rapport aux salaires versés en francs suisses aux travailleurs résidant en Suisse. Ceci dès lors que le contrat de travail des frontaliers prévoit un taux de conversion de 1,30 franc pour 1 euro, soit un taux nettement supérieur au taux réel de l'euro.

Discrimination

Cette différence de traitement est une discrimination interdite par l'accord sur la libre circulation des personnes passé entre la Suisse et l'Union européenne.

Contrairement à ce que soutient VonRoll, le coût de la vie en France, et donc le pouvoir d'achat des salariés frontaliers prétendument supérieur à celui des salariés domiciliés en Suisse, ne constitue pas une circonstance permettant de nier l'existence d'une discrimination.

En effet, le seul critère de comparaison pertinent pour apprécier le caractère discriminatoire d'un traitement salarial différent réside dans la prestation de travail, à savoir salaire égal pour un travail de valeur égale. A la connaissance du président de la Cour civile du Tribunal cantonal Jean Moritz, c'est la première fois que la justice se prononce sur un tel cas en Suisse romande.

Sauver des emplois

Pour justifier sa pratique, VonRoll a fait valoir que, sans le paiement des salaires suisses en euros pour ses collaborateurs frontaliers, ses comptes annuels pour 2012-2013 auraient été catastrophiques et que des licenciements auraient été rendus nécessaires. Grâce aux salaires en euros, elle a pu limiter ses pertes.

Von Roll a calculé que si elle devait être condamnée à payer la somme réclamée par, cela reviendrait à verser plus de 2,2 millions de francs à ses employés frontaliers, montant calculé sur une période de juin 2012 à mai 2016.

Une dizaine de plaintes d'employés de VonRoll sont pendantes devant la Cour de prud'hommes, a-t-elle indiqué à l'ats.