Interview

«Cet élan de solidarité est une magnifique réponse à la crise sanitaire»

Ancien DRH de l’Hospice général, aujourd’hui Directeur adjoint au Département de la cohésion sociale et de la solidarité de la Ville de Genève, Serge Mimouni a piloté la distribution alimentaire de la patinoire des Vernets.

Serge Mimouni, vous êtes le pilote de la distribution alimentaire de la patinoire des Vernets dont les images ont fait le tour de la Sussie. Quel a été le rôle de l'Etat dans cette action?
Serge Mimouni: Quinze jours après les premières mesures du Conseil fédéral visant à lutter contre le Coronavirus, les associations d'aide sociale nous ont alerté sur la situation financière extrêmement préoccupante de personnes qui n'avaient plus d'emploi, ni accès au chômage ou aux aides sociales. Nous avons alors réunit la Caravane De Solidarité, les Colis du Cœur, Partage, les associations d'aide sociale et les HUG afin de définir ensemble quelles seraient les mesures à prendre pour fournir une aide alimentaire aux personnes dans le besoin. 

Quel fut le rôle de la Ville de Genève?
La Ville de Genève a décidé non seulement de déployer les distributions alimentaires à la patinoire des Vernets, mais également d'installer sur site un dispositif de prise en charge socio-sanitaire. Le volet social permet aux bénéficiaires de s’enregistrer auprès des Colis du cœur pour recevoir chaque semaine un bon alimentaire et, d’autre part, de bénéficier de l’information sociale mise à disposition par le Service social de la Ville de Genève, en collaboration avec l’EPER et le Centre social protestant. Le volet sanitaire est aussi déployé sur place avec les HUG qui proposent des tests Covid-19 gratuits et fournissent des conseils santé en collaboration Médecins sans Frontières; tandis que le Groupe sida Genève et le Planning familial proposent des stands de prévention.
 
Vous avez monté une cellule de crise pour répondre à l'urgence de la situation. Comment gère-t-on un groupe de personnes d'horizons si différents? 
Il est vrai que j'ai constitué une cellule de crise qui réunit des personnes aux compétences multiples: santé, social, alimentation, humanitaire, logistique. Pour bien gérer un tel collectif, il faut que l'objectif soit clair pour tous. Ensuite, j'ai décidé de déployer une organisation du travail par pôle de compétences. Chacun a pu trouver sa place dans cette organisation, qui voulait valoriser les contributions individuelles mais aussi célébrer les résultats collectifs. Ainsi, les samedis, au terme de chaque distribution, lorsque le dernier bénéficiaire a quitté la patinoire des Vernets, nous partageons un moment de reconnaissance: un applaudissement collectif et spontané des bénévoles et des professionnels sur site. Un bel instant d'émotion partagée.

Cette action a mis à jour l'agilité de la Ville de Genève et sa capacité à travailler de manière transversale avec plusieurs départements. Cela vous a-t-il surpris?
La crise du Covid 19 a généré une urgence sanitaire mais aussi une urgence sociale. Les services ont répondu présent, le personnel des différents départements s'est mobilisé pour soutenir les personnes dans le besoin. L'engagement de tous est à la hauteur des enjeux sociaux auxquels nous faisons face.

En quoi la puissance de l'Etat rend-elle service dans des situations d'urgence?
Il faut savoir qu'à l'instar de la Confédération, les cantons et les communes ont un dispositif de gestion de crise. Cela permet de réduire les délais de décision et de réquisitionner les ressources nécessaires aux opérations. Dès le début du Covid-19, nous avons par exemple profondément réorganisé l’action sociale en Ville de Genève. Le dispositif d’urgence sociale a été relocalisé dans des lieux permettant le respect des directives de l’OFSP et assurer ainsi des conditions d’accueil adaptées à plus de 300 personnes dans le besoin.
 
Avec quelles conséquences sur le déploiement du personnel?
Afin d’avoir les forces en suffisance, cinquante collaborateurs de l’administration municipale ont été réaffectés dans les différents lieux de prise en charge des bénéficiaires (p.ex. gardien de piscines, huissiers de musées, etc.). De plus, nous avons ouverts deux lignes téléphoniques, l’une pour les 65 et plus, l’autre pour les personnes en situation de précarité, afin d’atteindre ceux qui sont confinés chez eux.

Il s'agit d'un partenariat public privé inédit. Voyez-vous là une occasion de renforcer de tels partenariats dans le futur?
Oui. La mobilisation de tous est remarquable. 200 bénévoles sont sur le pont chaque week-end, à la patinoire des Vernets, pour distribuer de la nourriture. 1'500 donateurs, personnes, familles, fondations, communes, entreprises, maraîchers, livrent des denrées alimentaires. Ces dons proviennent non seulement de Genève mais de toute la Suisse. Cet élan de solidarité est une magnifique réponse à la crise sanitaire. De tels partenariats font sens aujourd'hui et trouveront leur place – je l'espère – après le Covid-19.

A titre personnel, quelles compétences de votre passé de DRH avez-vous le plus mises à contribution ces dernières semaines?
En premier lieu, la capacité à gérer des crises et à décider rapidement. Il faut ensuite avoir des qualités de communication pour fédérer des équipes qui travaillent à distance compte tenu du confinement. Enfin, résilience et optimisme sont nécessaires pour faire face aux écueils et prendre les bonnes décisions.

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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