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Executive Education: le grand boom des boosters de carrière

Qui n’a jamais entendu parler du MBA, ce formidable booster de carrière, proposé à l’origine par l’Université de Harvard qui le créa en 1908 et qui est désormais proposé par bon nombre de Business Schools et universités dans le monde entier?

Dans sa forme initiale du «full-time», il s’agit d’une formation généraliste essentiellement destinée aux scientifiques tels que les médecins, pharmaciens et ingénieurs en recherche d’un «vernis managérial» avant une prise de poste d’encadrement. En effet, leurs cursus universitaires étant essentiellement focalisés sur l’acquisition de compétences techniques, celles liées à la gestion, au management, aux ressources humaines, au marketing, au droit et à la stratégie ont trop souvent été superficiellement abordées, car elles ne font pas partie du «socle de compétences» de leur métier. Une «double compétence» de technicien et de gestionnaire devient donc incontournable pour la prise de responsabilités, d’où l’engouement pour les MBA ces dernières décennies.

Une version «Executive» du MBA – (EMBA) – apparaît en 1943 à l’Université de Chicago. Elle a pour cible les séniors, cadres supérieurs ou dirigeants, bénéficiant d’une expérience professionnelle significative de 8 à 15 ans et qui souhaitent, soit intégrer un Comité de direction, soit se réorienter (volontairement ou involontairement parfois), soit débuter une seconde vie professionnelle en qualité de consultant en capitalisant sur leur expérience et leur expertise accumulées durant la période précédant l’entrée dans le cursus. Ces dernières, ainsi que la position hiérarchique occupée, demeurent un atout considérable pour pouvoir avoir la chance d’être accepté dans ces formations de haut niveau où chacun vient apporter «sa pierre à l’édifice». Mais chacun doit pouvoir également y trouver une source de création de valeur, un retour sur investissement, un ROI formation en quelque sorte.

Le EMBA, une mise à niveau et un co-investissement

Un mauvais recrutement a pour risque la création d’un déséquilibre dans les échanges, et pourrait donc être fatal pour un programme dont les coûts peuvent atteindre les CHF 120 000 dans des établissements les plus prestigieux comme la London Business School, l’ESCP Europe, l’IMD – Lausanne et HEC – Paris pour ne citer que les «européennes». Mais ce prix est souvent justifié compte tenu des professeurs et des moyens mis à disposition des étudiants. Par ailleurs, «ces diplômes garantissent de belles progressions de salaire dans les trois années» précise Christine Piédalu et les frais d’écolage sont très souvent «négociés» (totalement ou partiellement) avec la DRH constituant, dans certains cas, un réel contrat moral entre l’entreprise et le salarié. Ce dernier peut en effet être amené à signer une clause lui demandant de rester dans l’entreprise pour quelques années en échange de la prise en charge financière qui ne se limite pas aux seuls coûts pédagogiques facturés par l’établissement. Il faut également intégrer les dépenses liées à la restauration, à l’hébergement et aux transports (souvent des voyages d’études à l’étranger au sein d’universités partenaires), sans oublier le coût du salarié qui pourra être absent une ou deux journées par semaine, selon le rythme du «part-time» choisi.

En contrepartie, l’investissement du salarié est conséquent car, pour aboutir à la soutenance/défense d’un mémoire ou d’un business plan qui pourra porter sur une problématique de son entreprise, les samedis sacrifiés pour la rédaction, les lectures, les études de cas à rendre et le rattrapage des dossiers professionnels au cours des 16 ou 24 mois que dure généralement le EMBA peuvent avoir des conséquences sur la vie professionnelle mais également personnelle. Le choix d’intégrer un tel cursus doit donc être une décision prise avec l’accord de son conjoint, car les impacts sont beaucoup plus fréquents que l’on ne le pense.

L’entreprise, de son côté, si elle agit intelligemment, a également tout à gagner à envoyer ses «hauts-potentiels» une fois identifiés, dans ce type de formations. Les apports des intervenants, souvent conseils de renom en parallèle de leurs activités d’enseignement ainsi que les échanges de «best practices» avec les autres auditeurs sont autant de sources de motivation et de création de valeur ajoutée pour l’Executive student et l’entreprise qui l’emploie. Cependant, gare à une mauvaise gestion à son retour de formation, car les exigences, qu’elles soient salariales ou en matière de responsabilité, vont croître. Aussi, il appartient à l’entreprise de veiller à employer «à sa juste valeur» le nouveau diplômé au risque de le voir partir à la concurrence, la clause énoncée précédemment ayant très peu de chance d’être retenue par les instances juridiques compétentes.

L’Executive DBA, modéliser son expérience et penser différemment

Réservé essentiellement aux dirigeants d’entreprise titulaires d’un MBA ou diplôme jugé équivalent et désireux de formaliser et modéliser leur expérience professionnelle tout en respectant les canons académiques, le EDBA est obtenu à l’issue d’une Thesis soutenue devant un jury composé d’académiques et de professionnels. Cette dernière doit répondre à une problématique managériale très précise et reposer sur un travail scientifique éprouvé. A ce titre, un encadrement particulier est mis en place afin de guider et accompagner le DBA student dans ses publications (articles, ouvrages, tribunes, ...) sur son thème de prédilection et bien entendu dans la rédaction de sa Thesis. Ce cursus doctoral qui dure généralement trois années doit permettre à celui qui choisit de l’intégrer d’aborder des disciplines telles que l’épistémologie, l’analyse de données et la méthodologie de la recherche agrémentées de nombreux ateliers thématiques dans les domaines de la stratégie, du marketing, du management, de l’innovation, des ressources humaines, assurés par des universitaires ou des experts reconnus.

La réussite du EDBA permet d’obtenir un titre d’«Executive Doctor» et atteste donc d’une capacité à mener des études scientifiques de type «doctoral» conférant à son détenteur une expertise particulière sur un sujet spécifique et par conséquent une reconnaissance scientifique et professionnelle évidente. Attention cependant à ne pas confondre le EDBA avec le PhD. ou le Doctorat de l’Université qui ont pour vocation de former des enseignants et des chercheurs, même si le EDBA ouvre les portes de l’enseignement pour les professionnels.

La hausse de salaire pour les détenteurs du EDBA est beaucoup moins flagrante que pour le EMBA. La motivation pour suivre ce long cursus réside, en réalité, beaucoup plus dans une recherche de sens et dans le développement de nouveaux schémas de pensée que dans l’acquisition de nouvelles connaissances comme cela est le cas en EMBA. Pour un EDBA, il faut compter entre CHF 15 000 et CHF 40 000.

Accréditations et réseau, deux critères incontournables

Il faut cependant être vigilant sur les programmes proposés car EMBA et EDBA, dans la mesure où ils ne sont pas des «titres déposés», peuvent être délivrés par toute Institution de formation, les meilleures comme les pires. Aussi, avant de s’engager dans des études coûteuses financièrement et sur le plan personnel, il est nécessaire de s’assurer de certains points. Le premier est celui des accréditations dont dispose l’établissement qui diplômera. Il existe, outre la reconnaissance par la Confédération, des labels américains (AMBA et ACCSB), européens (Equis ou Epas délivrés par l’EFMD). Pour celles qui n’auraient pas (encore) ces reconnaissances, le candidat doit vérifier les associations académiques desquelles l’Ecole ou l’Université privée sélectionnée est membre (Registre Suisse des Ecoles Privées, IACBE, ACBSP...) et l’existence d’une démarche qualité reconnue en Suisse sur le plan national ou international (Eduqua ou EFQM). Enfin, avant toute inscription, il faut également vérifier les partenariats effectifs avec d’autres Institutions et valider le ranking de ces dernières car des voyages d’étude pouvant être proposés, ils n’ont pas le même effet s’il s’agit d’un top 10 ou d’une université en fin de classement.

Dernier point d’importance capitale avant de signer: le profil des enseignants et des autres auditeurs, et la présence d’Alumni, car ce sont là les seuls outils de mesure tangibles de la qualité du réseau qui sera mobilisable durant la formation et de nombreuses années après avoir été diplômé.

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Le Prof. Dr Richard Delaye-Habermacher est directeur académique de l’International Management School Geneva (IMSG) et chercheur en RH et sciences humaines et sociales. Ses axes de recherche portent sur les dimensions du sacré dans les organisations ainsi que sur les questions liées aux liens intergénérationnels. – www.imsgeneva.ch

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