Débat

Faut-il parler de ses échecs en public?

Parler de ses échecs et de ses erreurs permet de grandir, estime le coach Marc Bürgi. Cristian Hofmann, coach lui-aussi, ne partage pas cet avis: «Dans un environnement très compétitif, avouer ses fautes est un signe de faiblesse.» Pour lui, évoquer ses fragilités en public serait donc contre-productif.

Pour: Marc Bürgi

Imaginez qu’un collègue vous parle d’un échec professionnel et vous raconte comment il en a tiré une leçon pour franchir une nouvelle étape dans sa carrière. Comment réagiriez-vous? Et quelles sont les chances que cette confidence vous influence positivement?

 

Constat: nous vivons dans une société où l’apparence et la compétitivité sont des valeurs fortes. A en croire les nouvelles stars des réseaux sociaux, de l’industrie des loisirs et du marketing, l’idéal à atteindre dans une vie serait la beauté esthétique, la notoriété et la réussite. Mais comment diable font-ils, ces autres, pour avoir tant de succès? Et que fais-je de faux?

 

Cette surenchère de la comparaison est source de doute et de mal-être. Car vous trouverez toujours quelqu’un qui semble mieux réussir que vous. Peu importe si cet autre ne joue qu’un rôle, vous ressentirez de l’anxiété, le doute et l’incompétence. Comment donc réagir devant cette surenchère permanente? Y a-t-il d’autres stratégies à mettre en oeuvre?

 

Au lieu de parler d’échec, nous pourrions par exemple utiliser la formule «objectifs non atteints». Alors qu’échec insinue un combat perdu face à un concurrent, un objectif non atteint évoque un processus d’apprentissage individuel, où les ralentissements sont permis. Dans le coaching, nous essayons toujours de mettre en valeur les forces du candidat, de clarifier ses objectifs et de lui indiquer des pistes pour se rapprocher de cet déal. En contextualisant nos objectifs avec la réalité qui nous entoure, nous gagnons en clarté. Un vrai défi professionnel devrait toujours vous donner un sentiment un peu désagréable car il vous oblige à quitter votre zone de confiance et comporte ainsi une part de risque, l’échec étant une issue possible.

 

Celui ou celle qui tente d’atteindre ce genre d’objectifs sera en mesure de vous parler des pierres d’achoppements qu’il ou elle a dû surmonter. Et si vous n’atteignez pas votre but la première fois, vous serez en mesure de demander du feedback, ce qui renforcera vos relations aux autres et vous permettra d’apprendre de vos erreurs. Ces discussions sur les causes de l’échec vous permettront également d’identifier les formations, les compétences et les contacts personnels dont vous aurez besoin pour réussir la prochaine fois. En parlant de nos échecs, nous faisons preuve d’authenticité et d’humilité, ce qui réduira la pression dans nos vies professionnelles et privées.

 

Par la même occasion, nous apprenons de nos erreurs puisque nous cherchons des feed-backs afin de trouver des nouvelles pistes pour avancer.

Cela dit, inutile non plus de vous épancher sur vos déconvenues à tout va. Faites-le avec soin et circonspection. En parlant de vos échecs professionnels, cherchez à être plus authentique et à renforcer vos relations. En acceptant nos vulnérabilités, nous devenons plus accessibles, plus humains et plus forts.

 

Contre: Cristian Hofmann

Les échecs font partie de la vie. Cela dit, imaginez que vous partagiez toutes vos difficultés dans vos posts sur LinkedIn et dans une rubrique à part sur votre CV. Les gens ont-ils vraiment besoin de savoir? Seront-ils plus impressionnés quand nous arriverons à l’entretien? Dans nos contrées, parler de nos échecs est tabou. Car nous sommes avant tout définis par nos succès. Nous serons par contre jugés et moqués par nos déconvenues.

Lors de mes coachings, mes clients me disent très souvent qu’un échec leur a permis d’entamer un processus de changement en profondeur. Une difficulté mène donc très souvent vers quelque chose de positif. Pourquoi donc les vivons-nous si mal?



Les psychologues diront qu’un échec est majoritairement causé par trop d’attentes. Echouer fait mal! Vous aviez des objectifs et des plans d’action et vous voilà à terre en train de panser vos plaies. Vous doutez de vous et avez un peu honte. Mais ce que vous craignez par dessus tout sont les réactions de vos collègues, de votre hiérarchie et les sourires moqueurs de votre entourage. Et même si vous êtes en mesure d’expliquer les raisons de vos échecs, ce sera très difficile pour les autres de se mettre à votre place et de les comprendre. Un échec est donc souvent suivi d’incompréhension.

Voilà pourquoi il est contre-productif de trop vous étendre sur vos difficultés. Votre réputation et votre image sont construites par les représentations que les autres ont de vous. Il s’agit donc d’un construit social sur lequel vous n’avez pas d’emprise. Tant que la société associe l’erreur à l’échec, vos difficultés augmenteront si vous avouez vos faiblesses en public. Cette attitude sans pitié devant les échecs est le produit de notre société de compétition et de nos cultures d’entreprise. Que nous le souhaitions ou non, tout est mesuré en relation au succès – aucun job n’est garanti à vie. Il y a très peu de métiers où l’évocation des vulnérabilités est recommandée. Et même dans ces rares cas, avouer ses fautes est souvent fait de manière anonyme.

J’ai discuté récemment avec des pilotes de ligne sur leur manière de parler des dysfonctionnements dans un cockpit. Eux-aussi échangent ouvertement sur les difficultés de leur métier. Et utilisent ces échanges pour améliorer leur savoir-faire et éviter les catastrophes. Cette attitude est donc salvatrice et stimule le développement personnel. Leur diagnostic est très clair: les erreurs font partie du quotidien. Parvenir à en parler est souvent la clé d’un succès futur. Celui qui sait gérer un échec, sera plus fort lors de la prochaine crise. Cette attitude leur permettra aussi d’évoluer dans leur carrière. A tel point que ces apprentissages deviennent ensuite des success storys! Mais tant que notre image en société sera imprégnée par la compétitivité et le tabou autour de l’échec, il ne sert à rien de déballer vos mésaventures en public. Cela suffit d’en parler, de manière ouverte et sincère, avec les personnes concernées.

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Marc Bürgi est coach et spécialiste du développement per­sonnel. Il accompagne des managers et des organisations et les aide à renforcer leur personnalité, à mieux communiquer et à atteindre leurs objec­tifs.

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Cristian Hofmann est consultant et coach en leadership et transformation organisationnelle. Il conseille des grandes entreprises internationales, des décideurs et des équipes projet pour stimuler leur performance.

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