Diversité

La diversité, une pratique à l’affût des RH européennes

Arrivée des Etats-Unis, la diversité dans la gestion des ressources humaines frappe à la porte de l’Europe. Répondant à plusieurs préoccupations: liberté dans le choix des collaborateurs, image de l’entreprise et source de créativité, le concept reste cependant délicat à appliquer. Historique et avenir possible d’un nouveau projet RH.

Le thème est d’actualité. Que ce soit dans le Traité de constitution européenne ou les débats en France autour des CV anonymes, la diversité apparaît comme une valeur clé des sociétés occidentales. Aujourd’hui, elle est en passe de s’ériger en véritable principe de gestion. D’où vient cette idée? Qu’est-ce que la diversité? Que penser de ce phénomène en tant que gestionnaire?

L’idée est née aux Etats-Unis dans les années 1960 avec les politiques de discriminations positives. Ces politiques visaient essentiellement la communauté noire qui était alors victime de sévères discriminations. Par une politique de quotas, l’état américain souhaitait faciliter l’entrée des personnes noires dans le monde du travail. Critiquées sous Reagan pour leur inefficacité et leurs effets pervers, ces actions ont tout de même rendu la place de travail américaine plus diverse en terme de race.

A la fin des années 1980, plusieurs études démographiques américaines ont souligné, que les minorités noires, hispaniques et asiatiques représenteraient dans les années à venir quasiment la moitié de la population totale américaine. La capacité des entreprises à gérer cette nouvelle donne est alors considérée comme un facteur clé du succès. La notion de diversité en tant que telle apparaît dans les entreprises. Elle renvoie à une valorisation quasi systématique de la différence au travail et recouvre un très vaste champ de différences (visibles et invisibles) qui s’étend des traits de personnalité aux différences démographiques, en passant par le statut social ou les différences culturelles. Plusieurs arguments soutiennent cette conception:

  • Une question d’image: avoir une politique de diversité, c’est s’assurer de respecter la loi et d’être une entreprise socialement responsable.
  • Une question de ressource: la diversité des personnes est une source intarissable de créativité, particulièrement utile dans le cadre de travail en projet ou en équipe.
  • Une question de ressources humaines: la diversité, parce qu’elle valorise le travail de chacun à sa juste valeur, sans idée préconçue, permet d’attirer et de conserver les meilleurs.
  • Une question commerciale: c’est une stratégie pour mieux répondre au besoin des consommateurs, eux-mêmes étant de plus en plus différents. Les entreprises doivent ressembler aux sociétés dans lesquelles elles évoluent. Les segmentations traditionnelles en marketing laissent place à des segmentations nouvelles (marketing ethnique).

Aujourd’hui, la diversité dans l’entreprise n’est donc ni une question philanthropique ni une question juridique, mais bien une question de bon sens. Contrairement à la notion de discrimination positive, cette conception de la différence au travail trouve un écho important dans les entreprises européennes depuis quelques années. A cela plusieurs raisons. Au-delà du phénomène de mode, le brassage ethnique et culturel est déjà une réalité en Europe. Notamment à cause du départ à la retraite des baby boomers (en Suisse dès 2010), la main d’œuvre qualifiée se fait rare. Les entreprises européennes devront donc composer avec une main d’œuvre de plus en plus diverse. Par ailleurs, les phénomènes de discrimination existent et ils coûtent cher, tant en terme d’image que de ressources. Sans parler de la notion de responsabilité sociale, si chère aux entreprises du Vieux Continent.

En Suisse, en 2002, déjà plus de la moitié des entreprises avaient intégré dans leurs discours l’idée de diversité. Adecco, Novartis et UBS sont sans doute parmi les firmes les plus prolixes dans le domaine. Il est intéressant de remarquer que les entreprises devancent parfois l’action du gouvernement et constituent une force de proposition en la matière.
Mais la diversité ne doit pas être perçue comme une solution clé en main. Les pratiques nord-américaines ne sont pas transposables dans les différents pays européens. Le principe d’équité profondément ancré dans la société américaine s’oppose frontalement au principe d’égalité propre à la République française par exemple. Ce décalage explique sans doute pourquoi la diversité reste essentiellement au niveau du discours d’intention en Europe.

Elle a d’autant plus de mal à prendre la forme d’actions concrètes, que sa définition demeure beaucoup trop générale. Il n’est pas forcément bon de traiter tous les problèmes de discrimination, peu importe le groupe d’appartenance, avec une même politique. Certains groupes ou certains problèmes méritent peut-être plus d’attention que les autres. Si la discrimination à l’entrée se base souvent sur des différences visibles, la discrimination sur le lieu de travail peut être éminemment plus complexe et se baser sur des identités propres à l’organisation.

En conclusion: oui à la diversité mais à condition que la politique de l’entreprise soit adaptée et pas superficielle. Au risque de rompre l’équilibre social de l’organisation.

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Erwan Bellard est collaborateur scientifique pour le Groupe Ressources Humaines à l'Université de Genève et gérant d'entreprise.

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