Marché du travail

Les employés de l'industrie inégaux en matière de dumping salarial

Moins de 3000 francs bruts par mois, c'est ce que touchent certains employés actifs dans l'industrie. La sous-enchère salariale concerne tout particulièrement la sous-traitance, l'installation de machines et l'horlogerie.

(ats) Les secteurs les plus touchés sont ceux qui ne possèdent pas de salaires minimaux comme l'installation et la maintenance de machines, explique à l'ats Daniel Lampart, économiste en chef auprès de l'Union syndicale suisse (USS). Le canton de Zurich veut, d'ailleurs, mettre en place des revenus minimaux dans ce domaine.

Les sociétés de sous-traitance et celles qui sont exposées à la concurrence des entreprises étrangères actives en Europe peuvent aussi être touchées par la sous-enchère salariale, indique Nicolas Aune, secrétaire général de l'Union industrielle genevoise (UIG).

Moins de 3000 francs

Pour Pierluigi Fedele, responsable de l'horlogerie chez Unia, un quart des entreprises horlogères ne sont pas soumises à la convention collective de travail (CCT) de la branche. Dans ces sociétés, on trouve potentiellement plus de dumping.

Le phénomène touche tout particulièrement les régions frontalières et horlogères constituées par les cantons de Neuchâtel, du Jura et de Vaud (avec la Vallée de Joux).

Dans le cadre de son travail, Pierluigi Fedele a vu des firmes qui proposaient des salaires de moins de 3000 francs bruts par mois à un taux d'activité de 100%.

"Au niveau de l'industrie des machines, les salaires sont également de plus en plus mis sous pression, sous l'effet notamment de la libre circulation", poursuit-il. Face à ce problème, Genève a, d'ailleurs, pris le taureau par les cornes en mettant sur pied un contrat type de travail pour ce secteur.

Pas de force obligatoire

Tous domaines industriels confondus, l'UIG n'a pas constaté de hausse de la sous-enchère en 2016. "Ce phénomène reste faible. En outre, nous ne constatons pas de pression particulière sur les salaires, malgré la crise du franc fort qui pénalise le secteur très orienté sur les marchés mondiaux et d'exportation", souligne Nicolas Aune.

Même son de cloche du côté de l'USS qui affirme que, malgré la forte pression sur le franc, les rémunérations du domaine industriel n'ont pas diminué mais stagné.

Tout n'est pas rose pour autant, selon Pierluigi Fedele. Le secrétaire régional d'Unia Transjurane pointe du doigt l'absence de CCT avec force obligatoire. L'industrie des machines, des équipements électriques et des métaux (MEM) dispose certes d'une convention, mais qui n'est pas obligatoire, d'où le risque renforcé de dumping.

Salaires minimaux insuffisants

CCT ou pas, pour Diego Frieden, secrétaire central du syndicat Syna, l'absence d'instruments paritaires efficaces de contrôle des rémunérations rend l'application des salaires minimaux plus difficile.

"L'industrie connaît un grand nombre de CCT d'entreprise, contrairement à d'autres domaines comme la sécurité et l'hôtellerie-restauration qui ont davantage recours aux CCT de branche, la plupart déclarées de force obligatoire, et qui vu leur envergure ont plus de moyens pour mettre en place des instruments de surveillance des salaires", précise-t-il.

Selon Diego Frieden, l'introduction de salaires minimaux ne constitue d'ailleurs pas la panacée: ceux-ci servent de rémunération de référence, où l'on admet encore 15 à 20% d'écart, avant de considérer cela comme du dumping.

"Donc, si le salaire minimal est trop bas et représente presque déjà une forme de dumping, une rémunération encore plus basse est encore possible et acceptée, malgré son niveau presque scandaleux", poursuit-il. Selon lui, les salaires minimaux doivent être réadaptés en conséquence.

"Les entreprises restent toutefois à la recherche de profils qualifiés, voire hautement qualifiés, d'ingénieurs et de postes de dirigeants. La Suisse et Genève en particulier est en situation de pénurie pour de tels profils. Le marché maintient par conséquent une offre salariale plutôt attractive pour les conserver ou les attirer", conclut Nicolas Aune.

Faibles augmentations de salaires pour les employés de l'industrie

Les salariés de l'industrie pourront compter cette année sur des hausses de salaires d'environ 0,5%. En matière de rémunérations, les employeurs feront preuve de prudence.

"Les premières indications des négociations salariales qui ont déjà eu lieu ne sont pas très réjouissantes avec environ 0,5% d'augmentation", explique Diego Frieden, secrétaire central du syndicat Syna.

Selon Ivo Zimmermann, responsable de la communication et membre de la direction auprès de Swissmem, l'association faîtière de l'industrie des machines, des équipements électriques et des métaux, des adaptations salariales restent toujours possibles. Elles dépendront toutefois de la situation individuelle dans les entreprises.

Pour Nicolas Aune, secrétaire général de l'Union industrielle genevoise (UIG), le franc fort ainsi que les incertitudes liées à la loi d'application de la mise en oeuvre de l'initiative contre l'immigration de masse et la votation sur la troisième réforme de l'imposition des entreprises (RIE III) sont les trois axes qui menacent le plus les perspectives de l'année. Et cela en termes de niveaux de commandes et donc d'emploi.

"Il existe, par ailleurs, un risque particulièrement accru de délocalisations de certaines activités", ajoute Nicolas Aune.

Au-delà de la consommation intérieure qui reste solide et soutient la croissance économique, les événements mondiaux à l'évolution plutôt incertaine auront une forte influence sur les exportations suisses et sur le secteur industriel. "Les branches moins sensibles aux variations de prix, à l'instar de la chimie et de la pharmacie, maintiendront toutefois une bonne croissance", pronostique Diego Frieden.

 

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