Diversité

"Pour réussir, le management doit être convaincu"

Depuis l’an 2000, le géant pharmaceutique bâlois Novartis pratique une politique de diversité dans la gestion de ses ressources humaines. La stratégie vise avant tout des objectifs commerciaux. Katharina Amacker, responsable du programme, revient pour HR Today sur les enjeux d’une stratégie de diversité.

HR Today: Pourquoi Novartis s’est-elle lancée dans la diversité?

Katharina Amacker: Pour nous, le succès commercial est la motivation principale. Ceci pour trois raisons. D’abord, nous cherchons à être un employeur plus attractif. Sur le marché du travail mondial, nous essayons de rentrer en contact avec une large palette de talents, ce qui garantit plus de liberté au moment du recrutement. La deuxième raison, c’est que Novartis vit grâce à la recherche. Et des études ont démontré que des équipes diversifiées sont plus innovantes. Le troisième point concerne nos clients. Notre clientèle est très diversifiée, et représenter cette diversité au sein même de l’entreprise nous permet de mieux s’identifier à eux, peu importe leur origine. Ce sont donc bien des raisons liées à des objectifs commerciaux, nous ne prétendons pas combattre les discriminations ou faire preuve par là de gentillesse.

Novartis s’engage également pour que l’âge ne soit pas un facteur discriminant, pourquoi?

Ce que nous avons constaté, c’est que les jeunes et les personnes d’âge mûr – ne serait-ce simplement par la manière dont ils se perçoivent –, sont très différents. Leur rôle dans l’entreprise et leur perspective personnelle varient sensiblement. Je dirais même que de traiter les jeunes et les anciens de la même manière serait discriminant. Bien sûr, la formation continue doit être accessible à tous, mais l’expérience doit être récompensée, d’une manière ou d’une autre.

Après combien de temps peut-on espérer obtenir des retombées positives d’une politique de diversité?

Pour moi, cela dure toujours trop longtemps. Mais je répondrais de la manière suivante: quand les cadres supérieurs soutiennent le projet, les choses avancent sensiblement plus vite. Si vous établissez des objectifs clairs, les choses avancent encore plus rapidement. Et si vous récompensez la réussite de tels programmes par des bonus sur les salaires, c’est encore mieux. Mais la rapidité seule n’est pas synonyme de succès. Notre objectif est de sensibiliser le management. Il doit être acquis au concept. Cela prend du temps, mais c’est une garantie de succès.

Le management de Novartis est-il convaincu?

Oui. Un exemple: sur le plan suisse, en 2000, nous avions 14 pour cent de femmes dans le management. Aujourd’hui, ce chiffre dépasse les 23 pour cent.

Peut-on chiffrer le coût d’une telle stratégie RH?

Nous n’avons pas de budget séparé pour la diversité. Notre action WIN (Woman Into Industry, un programme qui aide des diplômées en fin de cycle à mieux connaître l’industrie pharmaceutique, ndlr), nous coûte 120000 francs par année. Pour le reste, nous savons à combien revient mon salaire et ceux de mes collaborateurs. Les bénéfices sont par contre difficilement chiffrables. L’application d’une politique de diversité peut concerner des domaines très vastes et elle n’est pas toujours sûre de réussir. Combiner plusieurs nationalités fonctionne bien sur le papier mais cela peut aussi provoquer des tensions. Il faut absolument prendre des mesures d’intégration au sein de l’entreprise, mais aussi à l’extérieur. Ces situations doivent se régler en aval, avant l’arrivée des conflits.

Concrètement, est-ce que Novartis recourt à un système de quotas?

Non. Les quotas sont, à notre avis, contre-productifs. L’essentiel est de convaincre le management que le changement en vaut la peine. Les quotas agiraient dans le sens contraire, car ils obligent à un certain résultat.

La diversité s’applique-t-elle aussi aux cadres supérieurs de Novartis?

Oui. Ces dernières années, la moyenne d’âge de notre management a clairement baissé. Du point de vue des nationalités, l’évolution est également très nette. Il y a 7 ou 8 ans le top management était quasiment uniquement composé de Suisses. Aujourd’hui, ils ne sont plus qu’un bon tiers. Les femmes représentent 11 pour cent des cadres supérieurs et 8 pour cent du conseil d’administration.

Quels conseils donneriez-vous à une entreprise suisse qui voudrait lancer une politique de diversité?

Je sais par expérience que la diversité est souvent confondue avec l’égalité des sexes. Ceci provoque parfois des ressentiments ou des jugements négatifs. Il faut par conséquent toujours parler du concept d’une manière très large. Cela concerne aussi les personnes handicapées, les homosexuels, les cultures différentes. A part ça, je pense qu’il est très important d’intégrer les responsables de la diversité dans l’équipe de management. Et de ne pas en faire des « électrons libres» de l’entreprise, sans véritable influence.

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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