Nouveaux modèles de rémunérations

Quatre enjeux qui vont impacter les rémunérations de demain

Une démographie en pleins bouleversements, toujours plus de compétitivité, une volatilité économique exacerbée, et la révolution des technologies de l’information vont changer le monde de la rémunération. Analyses et explications.
 

Commençons par le boom démographique. Un seul chiffre officiel de l’Union Européenne permet de saisir l’ampleur du phénomène: en 2012, il subsiste encore 1 personne retraitée pour 4 personnes actives. Ce ratio passera de 1 à 2 en 2060. L’élément salarial au centre de la tourmente sera bien sûr le système de retraite. Couplé avec l’augmentation de l’espérance de vie, la conséquence est déjà prévisible: le financement des systèmes AVS et LPP est, aujourd’hui déjà, impossible à garantir. Aujourd’hui? Vraiment? L’exemple récent le plus flagrant est la décision de recapitaliser la caisse de pension de l’Etat de Vaud à hauteur de 1,1 milliard de francs, à mettre en rapport avec des recettes fiscales annuelles de 5 milliards «uniquement»! Jusqu’à quand allons-nous continuer à courir tête baissée dans le mur?

Et pourtant des pistes de solutions existent déjà: les caisses Bel-Etage. Ces fonds de prévoyance offrent beaucoup plus de flexibilité que les solutions traditionnelles: avec différents niveaux de couverture risque invalidité et décès en fonction des besoins; un taux d’épargne flexible et adapté par catégorie d’employés; la maîtrise du risque de longévité, et donc pas de problèmes liés aux taux de couverture; des rendements des capitaux retraite intégralement reversés aux assurés (6 pour cent et plus en 2012) et les risques étant réassurés, on peut créer une fondation à partir de 1 employé déjà.

Les enjeux sont colossaux, et nous ne pouvons qu’encourager toute entreprise à être proactive sur ce sujet, au risque de mettre en péril sa stabilité économique, à l’instar de General Motors, mis en faillite en 2006 déjà pour ces raisons.

Plus de compétitivité, plus de retours sur investissement

Actuellement, toute entreprise, administration publique inclue, cherche à valoriser ses ressources de manière plus efficiente. Lorsque l’on sait que les coûts du personnel varient typiquement entre 50 et 70 pour cent du total des coûts, on en imagine l’impact sur la profitabilité. Toutes dépenses, surtout les salaires, devront donc désormais se soumettre à la règle impitoyable du retour sur investissement. Quelles en sont les conséquences?

• «Performance First». Il existe encore un bon nombre de systèmes basés sur l’ancienneté, avec des augmentations annuelles automatiques, indépendantes de la prestation délivrée par le collaborateur. Il en résulte une double problématique: devoir augmenter la masse salariale sur des critères purement démographiques, sans lien économique, et favoriser un type de médiocratie, en étant peu ou pas capable de récompenser les personnes les plus productives.

Un tel système n’est plus compatible avec les impératifs de productivité qui nous attendent. Le salaire ne peut plus être envisagé comme une dépense, mais comme un investissement productif.

Là également, des pistes exploratoires existent. Une administration cantonale peut-elle nous montrer le chemin? L’Etat du Valais fait office de pionnier, lui qui a introduit des augmentations de salaire et des bonus purement basés sur la performance. Il y existe même un bonus/malus collectif en fonction des résultats financiers du canton. Conséquence? Cette administration est classée première de l’étude Bilan sur les meilleurs employeurs publics et parapublics. Le facteur le plus déterminant pour cette 1ère place? Précisément: le système de rémunération.

• «La réduction des coûts non-contingents à la performance». En ligne de mire les Benefits, qui représentent 15 pour cent et plus de la masse salariale d’une entreprise suisse. Par définition, ces éléments de rémunération ne sont pas liés à la performance. Le retour sur investissement est donc faible car ces programmes sont très peu visibles et méconnus de la plupart des employés. Voire même absurdes: que dire d’un système qui impose une rente complète de veuve/veuf et orphelin à un célibataire, ce qui est automatiquement le cas pour la plupart des assurés LPP?

Pour remédier à cette problématique, en plus des solutions Bel-Etage, un programme en particulier devrait gagner fortement en importance: les Avantages Flexibles (ou plans cafétéria). Plutôt que de distribuer les même prestations à tout le monde, indépendamment des besoins, l’entreprise procure à l’employé une enveloppe forfaitaire, et c’est à lui de décider quels sont les compléments salariaux les plus pertinents pour lui (jours de vacances, épargne retraite, risque invalidité, voiture, crèche...). Les sommes engagées sont ainsi réellement investies, avec un impact positif démontré.

Volatilité économique et flexibilité des salaires

La volatilité économique actuelle est une composante à intégrer dans toute politique de rémunération. Pourquoi? Car il est impensable de s’imposer une masse de coûts fixes réduisant toute marge de manœuvre en cas de retournement de la conjoncture. La rigidité typique des masses salariales n’est donc plus compatible avec les nécessités du futur. Quelles solutions peut-on alors envisager?

1. Introduire/Renforcer les plans de salaire variable Outre la nécessité de mettre en valeur la performance, comme évoqué ci-dessus, les systèmes de bonus ont surtout l’avantage de flexibiliser une partie de cette masse salariale. Toute entreprise, administration publique comprise, devra disposer d’un volant de rémunération variable, notamment basé sur la performance des équipes ou de l’entreprise, qui est un trend actuellement très porteur, au détriment de la performance individuelle.

2. La Performance à long terme
En raison de la volatilité des résultats financiers, beaucoup d’entreprises se retrouvent dans l’obligation de payer des sommes de bonus basées sur une performance mesurée annuellement, alors que quelques mois plus tard, cette performance peut apparaître rétrospectivement beaucoup moins positive. On se rappelle que l’UBS a versé plus de 10 milliards de bonus à ses employés en 2006, dont 26 millions à Marcel Ospel, avant de s’écrouler en 2007. L’horizon permettant de juger d’une performance aura donc, paradoxalement, besoin d’être augmenté.

Cette même UBS nous offre ici matière à réflexion sur le futur des bonus. Poussée il est vrai par la FINMA, la direction de la banque perçoit aujourd’hui uniquement 20 pour cent du bonus annuel en cash. Les 80 pour cent restants sont différés entre 3 et 5 ans, et payés en fonction de la performance de l’établissement sur cette longue période. Pour les cadres, c’est pareil, avec 60 pour cent de bonus différé.

3. «Phantom Stocks»
Les variations erratiques des cours en bourse ont précipité, ces quatre dernières années, la majorité des plans d’actionnariat/stock-options des employés dans le rouge. La tendance est clairement de remplacer ces programmes par des plans fantômes, dont les actions «artificielles» ou synthétiques varient en fonction de métriques décidées et maîtrisées par l’entreprise. Ceci a entre autres l’avantage d’éviter la volatilité des cours, mais également de maîtriser le phénomène de dilution et de droits associés (p. ex. le paiement de dividendes). De plus, ces plans d’incentives à long terme sont désormais à la portée de n’importe quelle entreprise, même non-cotée.

La transparence d’Internet révolutionne le rapport au salaire

Les nouvelles technologies vont révolutionner la manière de gérer la rémunération. Voici un petit avant-goût de ce changement de paradigme: aux Etats-Unis, le site web «salary.com» compile déjà les informations salariales de plus de 29 millions d’employés dans plus de 16'000 entreprises. Toutes ces informations sont ainsi disponibles en libre accès ou moyennant une somme modique. En Suisse également, des comparaisons salariales commencent à être disponibles, par exemple sur le site de la Confédération «salarium.ch».

En conséquence, candidats et employés seront de plus en plus au fait de leur valeur de marché. Ce phénomène, couplé avec l’arrivée des nouvelles générations, pour lesquelles le salaire n’est plus un tabou, va pousser toute entreprise à 1. Simplifier fondamentalement ses systèmes salariaux, à l’instar de cette entreprise multinationale basée à Lausanne, qui a mis en place une hiérarchie des postes basée uniquement sur les valeurs de marché (sans évaluation de fonctions). 2. Etre significativement plus transparente sur les critères de rémunération et les différences salariales (équité interne) et enfin 3. Etre beaucoup plus attentive aux pratiques du marché, et pouvoir à tout moment se positionner par rapport à ses variations (équité externe).

Comme on le voit, le domaine de la rémunération est pétri de défis particulièrement passionnants. Si bien anticipés, notre fonction RH aura là une occasion unique de se positionner comme un vrai «business partner», à savoir une fonction qui contribue substantiellement à la profitabilité de l’entreprise.

Alain Salamin

Spécialiste des rémunérations et chargé de cours à HEC Lausanne, Alain Salamin dirige la société de conseils en ressources humaines AS-HR consulting.

www.as-hrconsulting.ch

 

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