Conseils pratiques

Santé et sécurité: responsabilités civile et pénale de l’employeur

En quoi consistent exactement les devoirs et responsabilités d’un employeur en matière de protection de la personnalité? A quelles conséquences s’expose-­t-­il s’il néglige son devoir de protection?

L’une des obligations essentielles d’un employeur con­siste à protéger la personnalité de ses collaborateurs. Nombreuses sont les dispositions légales qui mentionnent ex­pressément cette obligation de protection. Il en va notamment des articles 328 et 328b du Code des Obligations (CO), de l’ar­ticle 6 de la Loi sur le travail (LTr) ou encore de l’article 82 de la Loi sur l’assurance­-accidents (LAA). L’employeur qui ne respecte pas ces dispositions engage sa responsabilité civile et, dans le pire des scénarios, sa responsabilité pénale également.

Obligations de l’employeur

En vertu de l’article 328 alinéa 1 CO, l’employeur est tenu de protéger et respecter la personnalité de ses collaborateurs. Il manifeste les égards voulus pour préserver leur santé et veille en particulier à ce qu’ils ne soient pas harcelés sexuellement.

L’article 6 LTr précise en outre qu’il doit prendre toutes les mesures nécessaires afin de préserver leur santé physique et psychique. La prévention des accidents et maladies profession­nels fait également partie des devoirs de l’employeur, confor­mément à l’article 82 LAA.

Durée de la protection

Le collaborateur est protégé contre les atteintes à sa personna­lité à partir de son entretien d’embauche. Il l’est également pendant toute la durée des relations contractuelles ainsi qu’après la fin des rapports de travail.

Personnalité du collaborateur

Par «personnalité», il faut entendre l’ensemble des valeurs es­sentielles de la personne humaine, soit la santé psychique, l’intégrité physique, l’intégrité morale, la réputation profes­sionnelle et économique ainsi que la sphère privée.

Ainsi, les collaborateurs sont particulièrement protégés contre:

  • Le harcèlement sexuel: L’article 4 de la Loi sur l’égalité entre femmes et hommes (LEg) définit le harcèlement sexuel comme un «comportement importun de caractère sexuel ou tout autre comporte­ ment fondé sur l’appartenance sexuelle, qui porte atteinte à la dignité de la personne sur son lieu de travail [...]».
  • Le harcèlement psychologique: Le Tribunal fédéral définit le harcèlement psychologique comme «un enchaînement de propos et/ou d’agissements hostiles, répétés fréquemment pendant une période assez longue, par lesquels une ou plusieurs personnes cherchent à isoler, à marginaliser, voire à exclure une personne sur son lieu de travail».
  • Le stress et/ou surmenage (burn out): Le stress, le surmenage et le burn out sont considérés comme étant des cas de troubles psychosociaux susceptibles d’en­ traîner des dysfonctionnements physiques et une dégradation de la santé.

Prévention des accidents

L’article 82 LAA impose à l’employeur de prendre toutes les mesures utiles permettant d’éviter la survenance d’accidents au travail. Celui-­ci doit alors mettre en place une politique de sécurité au travail et s’assurer que l’ensemble de ses collabora­teurs participe à son application effective.
Concrètement, l’employeur doit:


  • mettre à disposition des équipements de protection indivi­duelle adaptés et en parfait état d’utilisation;

  • édicter des directives concernant l’utilisation des infrastruc­tures de l’entreprise;

  • informer et instruire de manière claire et précise les collabo­rateurs sur les risques liés à l’exercice de leur activité.

Protection des données personnelles

Le traitement des données personnelles du collaborateur constitue une atteinte à sa personnalité, à moins qu’il ne re­pose sur un motif justificatif. L’article 328b CO énumère deux catégories de données personnelles que l’employeur est autorisé à traiter. Ainsi, celui­-ci n’est autorisé à traiter les données personnelles du collaborateur que lorsque celles-­ci:

  • portent sur les aptitudes du travailleur à remplir sa fonction; soit les données relatives au cursus d’études et professionnel, di­plômes et certificats de travail, connaissances linguistiques, autorisations d’exercer (professions réglementées) ou encore les allergies à certaines substances; ou
  • sont nécessaires à l’établissement du contrat de travail; telles que l’état civil, la date de naissance, la nationalité, le numéro AVS, le domicile, le nombre d’enfants à charge, les références bancaires, etc.

Mesures de prévention

L’employeur organise les activités de l’entreprise et édicte une politique d’information efficace des risques pour la santé encourus par ses collabora­teurs dans l’exercice de leur fonction. En prin­cipe, il établit à cette fin une directive ou un règle­ment d’entreprise par lequel il fixe les modalités relatives à la protection de la personnalité de ses collaborateurs. De tels règlements sont obliga­toires pour les entreprises industrielles.

Avertissement

Lorsque l’employeur constate que les mesures de sécurité ne sont pas appliquées par les collabora­teurs, il doit prendre les mesures qui s’imposent. Pour ce faire, il peut adresser un avertissement aux personnes concernées afin de rappeler que tout manquement aux règles de sécurité consti­tue une violation du devoir de diligence et de fidé­lité susceptible dans certains cas de fonder un li­cenciement immédiat.

Responsabilité de l’employeur

Lorsqu’un collaborateur informe son employeur du fait qu’il est victime d’une atteinte à sa person­nalité, l’employeur doit agir immédiatement afin de faire cesser l’atteinte. A défaut de réaction, sa responsabilité contractuelle est engagée. Le colla­borateur victime de l’atteinte pourra alors récla­mer la réparation du dommage subi ainsi qu’une éventuelle réparation pour tort moral.

La violation par l’employeur des dispositions de prévention des accidents et maladies profes­sionnels constitue un délit d’omission et peut notamment entraîner des conséquences pénales pour ce dernier. En effet, l’article 125 du Code pénal (lésions corporelles par négligence) ré­prime le comportement de celui qui, par négli­gence, aura fait subir à une personne une atteinte à l’intégrité corporelle ou à la santé.

Jurisprudence

Le Tribunal fédéral s’est prononcé dans diverses situations sur la responsabilité de l’employeur en cas d’atteinte à la personnalité d’un collaborateur.

Il a notamment octroyé au collaborateur les indemnités pour tort moral ci­-après:


  • CHF 50’000.– pour une employée de maison atteinte à la tête par un coup de feu parti d’une arme exposée au mur du salon de l’employeur, souffrant d’une incapacité définitive de travail et d’une perte de la vue à 80 %;
  • CHF 20’000.– pour un travailleur victime d’un état dépressif entraînant plusieurs mois d’incapacité de travail, après avoir été sou­ mis pendant des années au harcèlement de son employeur (conditions de travail et de salaire inacceptables, tâches subalternes, lo­caux insalubres, reproches infondés), cela dans le but d’amener le travailleur à résilier un contrat de durée déterminée avant son échéance;
  • CHF 15’000.– pour un ouvrier blessé à la co­lonne vertébrale lors du déplacement d’une pompe à injection, montant cependant réduit à CHF 6’000.– en raison d’une faute de l’ouvrier qui avait mal monté la pompe;
  • CHF 10’000.­ à charge d’un employeur qui a donné des renseignements erronés et défavo­rables sur le compte de son ancien travailleur entravant ainsi son retour à l’emploi durant plus de deux ans;
  • CHF 5’000.– pour une employée qui avait été harcelée psychologiquement pendant des mois par un cadre de l’entreprise qui tenait des pro­pos injurieux et dégradants, cela au vu et au su de l’employeur qui n’a pas réagi.
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Marianne Favre Moreillon, spécialisée en droit du travail, est Directrice et Fondatrice du cabinet juridique DroitActif à Lausanne. 

Lien: www.droitactif.ch

 
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