La voie de l'apprentissage

Un contrat d’apprentissage sur cinq est résilié

Phénomène important et constant depuis une vingtaine d’années, les résiliations de contrat d’apprentissage, ou arrêts prématurés, représentent un risque majeur pour les jeunes de rester sans diplôme post-obligatoire. Une étude en deux volets menée à l’IFFP a cherché à en savoir plus.

Depuis peu, la Suisse dispose de chiffres uniformisés relatifs au taux de résiliation de contrat d’apprentissage sur le plan national. Ce taux dépend très peu de la durée de formation et se situe entre 20% et 22%. Plus de la moitié de ces résiliations a lieu durant la première année de formation. D’importantes variations sont à noter suivant la région ou le secteur d’activité. Ainsi, le Tessin et la Suisse romande connaissent les taux les plus élevés, respectivement 30% et 29%, alors qu’ils sont inférieurs à la moyenne à Zurich et en Suisse centrale. Par ailleurs, si dans l’esthétique et la coiffure, l’hôtellerie et la restauration, les taux dépassent les 30%, dans le commerce et l’administration ou le travail social, ils sont inférieurs à 15%. Les risques d’arrêts sont également influencés par la nationalité, le milieu social d’origine ou encore le parcours scolaire antérieur.

Afin d’affiner la compréhension du phénomène et de ses répercussions, c’est une approche qualitative qui a été choisie dans l’étude. Plus de quarante jeunes ayant interrompu prématurément leur apprentissage dans le canton de Vaud ont été interviewés à deux reprises: au moment de leur arrêt, puis quatre ans après.

«Pour moi, à 16 ans, c’est pas l’âge où on peut savoir ce qu’on veut dans la vie. Même 17 ans, pour moi c’est trop tôt ...», Virginie (prénom fictif), 17 ans, ex-apprentie employée de commerce.

Cinq raisons principales

Cinq raisons de résiliation de contrat ont été identifiées par l’étude: les conditions d’apprentissage (performances scolaires et conditions de formation), les relations au travail (relation interindividuelle, ambiance de travail, mobbing, harcèlement sexuel), les conditions de travail (pénibilité, horaires, santé), les questions liées à la transition école-travail (orientation, choix «par défaut», changement de rythme et de contexte d’apprentissage) et les contingences externes (facteurs indépendants de l’école ou de l’entreprise). La pluralité des facteurs est un élément à souligner. Il est en effet rare qu’un contrat soit résilié pour une unique raison.

Quatre ans après une interruption, un bilan plutôt positif de la situation des jeunes a pu être fait: une majorité est en formation, l’a terminée ou occupe un emploi. Une résiliation de contrat ne signifie donc pas nécessairement une rupture avec le système de formation, ce que viennent confirmer les taux de réentrée en formation (de 60%à 83%) au niveau national. Cependant, la durée entre l’arrêt et la reprise d’une formation peut être considérable, de 6 à 18 mois chez les jeunes de l’étude. Cela n’est pas sans risque et peut être vécu comme une véritable épreuve.

Il faut «les bonnes personnes derrière vous [ ... ] Parce que sans elles, je serais pas devenue grand-chose! Ouais, ça aurait pu tourner mal.» Virginie, ex-apprentie employée de commerce, en formation de gestionnaire de vente.

Eviter les choix «par défaut»

Le phénomène est complexe et nécessite une lecture plurielle. Les mesures pour le prévenir et l’accompagner doivent donc être variées. En termes de prévention, il s’agit de préparer les jeunes à l’entrée en apprentissage: accompagnement dans le choix de la profession et de l’entreprise, sensibilisation à la réalité du travail, stages longs. Du côté des entreprises formatrices, une identification des choix «par défaut» permet d’aider les jeunes à donner du sens. Il s’agit aussi d’offrir des conditions favorables à l’apprentissage: allocation de temps aux personnes en charge des apprentis, organisation du travail facilitant le passage de l’école au monde du travail. De plus, une culture du dialogue permettrait d’éviter ou de réduire les problèmes relationnels, et surtout d’éviter les situations d’arrêt «subies» pour privilégier la négociation. En cas d’arrêt, il s’agit d’offrir soutien et dialogue non seulement aux jeunes, mais aussi aux personnes formatrices.

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Nadia Lamamra est docteure en sciences sociales et professeure à l’Institut fédéral des hautes études en formation professionnelle IFFP. Elle est responsable du champ de recherche «Processus d’intégration et d’exclusion».

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Barbara Duc est docteure en sciences de l’éducation et Senior Researcher à l’Institut fédéral des hautes études en formation professionnelle IFFP. Elle travaille au sein du champ de recherche «Processus d’intégration et d’exclusion».

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