Conduire le changement

Des projets RH qui réussissent? Oui, ça existe! Mais pourquoi?

Comme Michael Porter le dit si bien : «Le changement ne réussit qu’en alignant les personnes (c’est-à-dire leur rôle, leurs compétences et leur volonté), les processus et les systèmes à la stratégie. De ces trois, l’alignement des personnes est le plus lent et le plus difficile».

Les projets RH n’échappent pas à cette règle. Qui dit projet RH dit changement basé sur un plan stratégique établi. On pense par exemple au remaniement de la gestion de la performance, de la rémunération, d’un changement de référentiels de compétences, de la classification, etc.

Ces projets affectent potentiellement tous les collaborateurs, leur perception et sensibilité propre, voire le sentiment de justice et d’équité, car ils touchent immanquablement des facteurs d’hygiène ou de motivation. Il n’est donc pas étonnant de rencontrer de sérieuses résistances à tout niveau, du cadre supérieur au collaborateur lambda.

Les causes principales d’échec ou de lenteurs de projets RH sont:

1. Manque de clarté dans la justification du projet (business case)

2. Manque de communication – et d’implication – avant, pendant et après le projet

3. Manque de flexibilité dans l’implémentation

4. Manque de leadership de projet

Le point 1 est souvent négligé car il n’est pas facile de créer un business case avec des justificatifs ou indicateurs objectifs, parlants, accessibles et relevants qui convainquent ses interlocuteurs.

En effet, il faut pouvoir justifier les raisons stratégiques qui se cachent derrière un projet RH à l’aide d’analyse de données et de faits. Des données et des faits qui, par des relations de cause à effet, justifient un changement pour obtenir un résultat, lui-même estimé par un modèle de prédiction adapté à la situation.

Cette modélisation semble abstraite mais est essentielle pour justifier et convaincre les interlocuteurs du bien-fondé du projet. Les indicateurs sont ensuite utilisés pendant la réalisation du projet et surtout après, lors de la mise en œuvre du changement. Ils permettent ainsi de continuer à communiquer non seulement le bien-fondé du changement, mais aussi ses effets concrets et positifs sur l’organisation.

Ceci rejoint le point 2, car ces indicateurs pourront être communiqués à l’aide d’un tableau de bord ou de rapports appropriés. Il faut cependant bien expliquer ces indicateurs et ce qu’ils démontrent : c’est l’art du « story-telling », ou comment raconter une histoire plutôt que de présenter uniquement des chiffres qui peuvent paraître « barbares » pour certains.

Le point 3 est important car il faut toujours adapter son chemin afin d’atteindre son but. Même si l’objectif stratégique reste en ligne de mire, il faut pouvoir changer de méthode pour y arriver. Soit parce que quelque chose d’imprévu se passe, soit pour s’aligner à la culture à laquelle on fait face, soit parce que la méthode définie initialement est inadaptée, ou encore pour des raisons juridiques éventuelles.

Les raisons peuvent être multiples et justifient donc que le « pouls » soit mesuré régulièrement pendant l’exécution du projet pour pouvoir s’adapter le cas échéant.

Réussir son projet RH est à la portée de chacun. Il faut se donner les moyens d’une approche scientifique similaire à ce que le marketing, la production ou la finance font. Des chiffres et données concrets basés sur des faits et qui justifient les investissements prévus et les décisions prises. La crédibilité de la fonction RH n’en sera que renforcée et les projets seront plus facilement acceptés.

L'exemple de Google

Prenons le cas de Google. Son CEO dit : « Toutes les décisions RH chez Google sont basées sur des données analysées (People Analytics) ». Au début des années 2000, Google a souffert du manque d’innovation. Une étude interne intégrant analyse statistique, modélisation descriptive (le passé) et prédictive (le futur) a démontré que l’innovation était fonction de trois facteurs clés chez Google : 1. apprentissage 2. collaboration, 3. fun.

L’équipe de projet a proposé, entre autre, de modifier l’environnement de travail pour maximiser ces trois facteurs : endroits conviviaux pour la pause et pour se rencontrer, baby-foot et jeux, canapés, bibliothèque, etc. Le business case mettait en relation l’investissement nécessaire avec le nombre d’innovations potentielles liées à ce changement, la valeur de celles-ci avec un degré de probabilité de succès. Il fut accepté par la direction et l’implémentation de ce changement fut naturellement bien reçue par les collaborateurs.

Des indicateurs de changement étaient déterminants pour prouver le business case. Tout a été mesuré : le degré de fun, le temps passé à la cafétéria et les idées générées, les échanges avec des collègues d’autres services... Grâce au modèle de prédiction, le tout était mis en lien avec le degré d’innovation et la valeur marché et financière des innovations. Ce projet (et d’autres en parallèle) a transformé Google en une culture de l’innovation. De plus, effet collatéral, l’environnement de travail de Google contribue fortement à l’attractivité et la compétitivité de l’entreprise en tant qu’employeur de choix.

 

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Laurent Jaquenoud est associé chez Optimis (www.optimis.ch) et bénéficie de plus de vingt ans d’expérience dans des structures internationales. Sur la base de diagnostiques analytiques RH, il conseille les organisations sur les stratégies, structures, processus et systèmes RH à mettre en place afin d’optimiser la performance organisationnelle. Il forme par ailleurs les cadres pour leur mise en application.

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