Conseils pratiques

Entrer en médiation: mode d’emploi

La médiation est souvent recommandée quand toutes les tentatives de résolution du conflit ont échoué. De quoi s’agit-il et quelles sont les attentes envers chaque partie?

Il existe plusieurs modes de résolution de conflit. Pour les principaux, citons la justice, la conciliation, l’arbitrage et bien-sûr la médiation. Chacun répondant à des logiques différentes en fonction des situations et des enjeux. Seule la médiation propose aux parties prenantes, individuellement ou en groupe, un espace permettant une résolution de leur différend de manière participative et autonome. Elles deviennent ainsi co-créatrice de leur propre solution. Voici comment la médiation – lorsque son indication est posée – permet de répondre au besoin de changement que nous suggère l’émergence du conflit en entreprise.

La médiation: un cadre à discuter

La demande de médiation des employeurs, manager, service RH arrive souvent parce que tout a déjà été tenté sans succès (réunions d’équipe, séances de réconciliation, arbitrages...). Il convient au préalable de poser clairement l’indication. La médiation n’est pas un rêve ou un alibi. C’est un processus qui engage la responsabilité des personnes qui acceptent de construire ensemble. Dans une 1ère étape, au cours de l’entretien avec le responsable, c’est ce qu’il faudra cadrer explicitement, en s’appuyant sur les principes déontologiques de confidentialité, neutralité, impartialité et indépendance. La médiation commence déjà lors de cette étape où l’on coconstruit le dispositif qui sera proposé. S’en suivront généralement 2 ou 3 séances de 1h30-2h00 pour voir l’émergence d’un accord.

La médiation: une question de confiance

Alors même que le conflit est une crise de confiance dans les relations, demander une médiation dans sa propre entreprise soulève la question de la confiance: la confiance en soi, la confiance dans l’intervention d’un tiers externe, le médiateur, qui pourra prendre connaissance du potentiel dysfonctionnement, la confiance dans l’organisation de sa propre entreprise pour pouvoir se permettre de la remettre en question. De cette question de confiance sous-tend celle de la nécessité du cadre infaillible de la médiation, permettant une prise de risque pour faire l’expérience de la reprise de confiance, chacun dans son besoin de sécurité et celle du courage du prescripteur.

La médiation: un espace de co-construction

Les incompréhensions et les malentendus nourrissent le conflit et creusent la perte de repères dans un monde professionnel en mouvement permanent. C’est pourquoi la médiation en entreprise doit intégrer une dimension centrale: le travail. Par la restauration du dialogue, la médiation offre la possibilité de faire émerger l’intérêt commun et permettre à ce que chacun puisse partager le sens qu’il donne à son travail. L’espace de médiation devient un espace sécurisé où l’on prend le temps. On prend le temps d’échanger, le temps de dire et d’écouter, le temps de comprendre l’autre, d’aller à sa rencontre, le temps de l’expression de l’émotion. Ce temps permet de décloisonner les différentes organisations et structures de l’entreprise et de co-construire un sens commun du travail. C’est dans cet esprit qu’il peut s’avérer utile parfois de faire intervenir aussi les personnes qui ne sont pas directement concernées par le conflit. Grace à cette lecture systémique, elles peuvent jouer un rôle dans la compréhension, voire dans l’orientation de solutions.

Au terme de la médiation, qu’il y ait accord ou pas ne signifie pas qu’il n’y a pas eu de changement. Entrer sur la voie de la médiation, que ce soit l’entreprise qui propose la médiation ou les parties qui l’acceptent, est en soi déjà un changement et doit être considéré comme un indicateur positif d’amélioration de la qualité de vie relationnelle au travail. C’est dans ce sens que la médiation devient un mode innovant de prévention de risque psychosociaux.

Quand la médiation n’est pas recommandée

La médiation ne représente pas une réponse universelle efficace à toutes les situations. Chaque cas doit d’abord être abordé avec la plus grande modestie de la part du médiateur qui devra connaître ses limites et respecter les conditions que le code déontologique exige. Celle du volontariat en fait partie. La médiation «imposée» n’a pas de sens.

Une autre contre-indication est celle où l’une des parties reconnues comme victime (harcèlement sexuel, mobbing, etc...) qui est un non-respect de la loi et pour qui les actes du «harceleur» n’ont pas été sanctionnés. La médiation ne se substitue pas au juge.

La médiation n’est pas recommandée non plus lorsque l’émotion (la peur du licenciement, par exemple) est trop forte et ne laisse plus de place à l’élaboration psychique et la possibilité de verbaliser.

Enfin, la contre-indication majeure reste celle où il existe un mécanisme de lien pervers – très bien maîtrisé par le fameux pervers narcissique – où le risque est trop grand de voir qu’il manipule le dispositif de médiation, le médiateur et in fine, la victime qui verra se renforcer encore davantage son sentiment d’être sous emprise. Il est de la responsabilité du médiateur professionnel d’accepter, ou pas, la médiation.

 

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Michel Paillard est médiateur FSM assermenté. Spécialiste de la Gestion de la Santé au Travail et des risques psycho-sociaux, il est le directeur Health Care et co-founder de la société Umanize. Contact: michel. paillard@umanize.ch

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