Conseils pratiques

L’art de la médiation: mise en pratique et déroulement

Une fois l’indication d’une médiation posée, elle pourra être mise en route: préparation du terrain, identification du problème, esquisse des solutions et choix de l’option finale pour sortir de l’impasse.

Dans nos précédents articles, nous avons vu comment le conflit faisait partie intégrante des relations humaines et comment nous pouvions en identifier les différents indicateurs d’aggravation. Bien que n’étant pas la seule technique d’intervention, la médiation, comme mode de résolution de conflit, est présentée comme un dispositif simple à mettre en place dans les entreprises, peu coûteux et rapidement évaluable. Dans ce dernier volet, nous aborderons comment concrètement mettre en place une médiation, son déroulement et ce que nous pouvons en attendre.

La préparation

Tout d’abord, il s’agit de traiter la demande avec le mandataire, bien souvent le responsable RH, à des fins de clarification et d’évaluation. Il existe des situations où la médiation arrive trop tard, bien souvent parce que le conflit s’est radicalisé entraînant des dommages collatéraux dans d’autres services et/ ou que des démarches juridiques sont déjà entamées. Dans ce contexte, il convient de ne pas «vendre de la médiation» à tout prix, mais plutôt d’aider l’entreprise à envisager d’autres alternatives. Toutefois, lorsque l’indication est posée2, il s’agit de définir le cadre, notamment les principes déontologiques de confidentialité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance. C’est également à ce moment que le nombre de séances et leur durée possible ainsi que le coût seront discutés. Bien entendu, à moins que les parties en aient convenu ensemble, le mandataire n’aura pas de compte rendu de ce qui se passe lors de la médiation.

Ces principes sont clairement explicités au mandataire et, par la suite, aux personnes médiées. Ils garantissent la sécurité indispensable pour la mise en place du dispositif de la médiation. Ils doivent être également acceptés librement par tous sur la base du volontariat et d’engagement des médiés dans le processus.

Les séances

Une fois les modalités définies, le cadre posé et les règles minimales à respecter en séance, la médiation proprement dite peut commencer.

Tout d’abord, il est important de rencontrer les protagonistes dans un entretien individuel. Les buts étant d’expliciter ce qu’est la médiation, à quoi elle répond et ce qu’ils peuvent en attendre. Elle permet de se préparer à la «rencontre de l’autre», à son altérité. Ces entretiens permettent également de s’assurer que chacun est en capacité de participer au processus, ce qui est de la responsabilité du médiateur.

Les séances conjointes de médiation peuvent suivre un processus dont nous vous proposons une modélisation faisant référence à celle de Thomas Fiutak (Erès, 2009) qu’il expose dans son ouvrage «le médiateur dans l’arène». Quatre phases y sont décrites: le quoi, le pourquoi, le «et si» et enfin le comment finalement.

Le quoi est la 1ère étape d’identification du problème où chacun, de sa place, expose sa manière de voir la situation. A ce stade, chacun peut se retrouver dans la chronologie du conflit. La narration individuelle permet d’être entendu par l’autre et permet au fur et à mesure du questionnement du médiateur de co-construire une histoire commune: celle de leur désaccord.

Le pourquoi et surtout le «en quoi est-ce un problème pour vous»? Cette étape permet de reconnaître la question centrale du conflit: les besoins non satisfaits de chacun. Pour y parvenir, une des techniques utilisées est celle de la Communication Non Violente (CNV) modélisée par Marshal Rosenberg. Il s’agit de demander de faire la description des faits de la manière la plus objective possible et de ce que cela a provoqué comme sentiments ou émotions que nous considérons, à ce stade, comme le signalement d’un besoin non satisfait. Cette étape charnière où l’expression des émotions est la plus forte permet l’identification du besoin. Autrement dit: derrière tout reproche fait à l’autre, il y a une demande de satisfaction d’un besoin personnel légitime et sain non satisfait.

Le «et si» est l’étape où les parties réfléchissent ensemble aux différentes solutions possibles et acceptables pour chacun. C’est un moment de créativité où toutes les options doivent être envisagées, même les plus fantaisistes, sans jugement, en toute liberté puisque la solution choisie ne sera décidée qu’à l’étape suivante. L’arrivée dans cette phase signale que chacun est d’accord de se tourner dorénavant vers le futur et d’envisager une autre manière de faire. On voit bien là l’idée d’un processus où l’élaboration de solutions concrètes à mettre en place ne peut se faire qu’après avoir traversé les phases précédentes.

La phase du comment finalement permet de choisir l’une des options perçues comme la plus satisfaisante pour chacun. L’esprit qui sous-tend le choix de la «meilleure» solution est celui de la collaboration et non plus de l’intérêt individuel. Les étapes précédentes auront servi à la reconnaissance mutuelle des besoins de chacun et permettent la mise en place d’un accord qui se veut pérenne. Au besoin, c’est également à ce moment là qu’est décidée la communication qui sera faite à la direction, au service, aux collègues.

La médiation incarne complètement l’esprit moderne de notre époque. Dans son approche humaniste, elle devient un outil performant de prévention des risques psychosociaux au service de l’un des défis majeurs de nos entreprises: celui de la communication entre les êtres humains et du développement de leur qualité relationnelle.

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Michel Paillard est médiateur FSM assermenté. Spécialiste de la Gestion de la Santé au Travail et des risques psycho-sociaux, il est le directeur Health Care et co-founder de la société Umanize. Contact: michel. paillard@umanize.ch

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