Recherche

«Le leadership du laisser-faire est un signe de maturité de l’organisation»

Dans le cadre de son Master RH effectué aux Universités de Genève, Lausanne, Neuchâtel et Fribourg, Nathalie Vernaz a écrit un mémoire sur les outils et les techniques qui influencent les styles de leadership dans une PME industrielle de Suisse romande.

Votre étude montre que les cadres supérieurs recourent à un leadership transformationnel, alors que les cadres de proximité plutôt à un leadership transactionnel. Pourquoi ces différences d'approches selon les niveaux hiérarchiques?
Nathalie Vernaz: On peut ainsi supposer que l’expérience acquise pour franchir les échelons de la hiérarchie ainsi que les divers programmes et formations en leadership mis en place pour les managers des plus hautes fonctions et, partant, la connaissance des comportements attendus et d’un nombre important d’outils, contribuent à un développement supérieur et donc des notes plus hautes pour le leadership transformationnel. Par ailleurs, c’est généralement dans ces niveaux hiérarchiques que sont réalisés les travaux en lien avec la définition de la vision et des valeurs; des ingrédients par définition du leadership transformationnel. L’enquête a montré que les managers qui se situent au plus bas dans la hiérarchie et qui opèrent plus dans un mode transactionnel, adoptent une approche instrumentale et ont tendance à se limiter à l’usage des outils dits de management ou de gestion en place dans l’organisation tels que les outils de planification et les outils traditionnels de gestion de la performance, avec fixation d’objectifs et reconnaissance de la performance par l’attribution d’inventive.

Votre étude montre qu'il y a une corrélation positive entre le leadership transformationnel et une série d'outils. Quels sont ces outils et comment aident-ils les managers?
Ce sont les outils dits de leadership. Par opposition aux outils dits de management ou de gestion qui sont des outils orientés tâches. Les outils dits de leadership s’apparentent à des processus humains. Chaque outil est composé d’étapes distinctes, pensées pour approfondir les relations et aller chercher plus loin au fond de soi, en faisant appel à son intellect, son intuition, ses émotions et son esprit. Ces outils sont conçus pour pousser la réflexion et aller au-delà du visible ou de l’évident. Contrairement à des machines, qui répètent sans fin la même tâche, les humains sont soumis à des émotions, des sensations, des souvenirs, des rêves ... qui en font des êtres uniques très différents les uns des autres et dont les comportements varient en fonction des situations. Il s’agit donc de trouver le bon processus humain qui soutienne la bonne activité. Dans ce type d’outils, on trouve notamment les outils d’innovation ou de génération d’idées, de facilitation, de création d’une vision ou encore de construction d’équipe et de communication. Parmi les nombreux outils de facilitation, on peut citer les fameuses questions de check-in et de check-out posées en début et en fin de réunion et destinées à créer un contexte et à permettre aux participants de bien entrer dans la réunion, puis de boucler la boucle avant de se séparer. Enfin, pour la création d’équipe, on retrouve tous les différents exercices et activités plus ou moins ludiques de team building.

Vous montrez aussi qu'un style de leadership dit du «laisser-faire» a des conséquences néfastes. Pourquoi?
Dans mon étude, les évaluateurs relèvent au sujet des dirigeants qui présentent les scores les plus élevés en «laisser-faire» des difficultés à traduire les concepts en actions claires, un manque d’implication dans la gestion de conflit, insuffisamment de visibilité sur le terrain, peu d’implication dans l’opérationnel du service, trop de consensus les amenant à ne pas trancher vis-à-vis d’autres services notamment et des difficulté à «exiger» des collaborateurs. A contrario, ce style de leadership peut être efficace lorsque les membres du groupe sont hautement qualifiés et capables de travailler et de prendre des décisions seuls. On approche ici la notion d’empowerment. Se basant sur cette théorie, on pourrait considérer le style de leadership laisser-faire comme un indicateur de maturité de l’organisation.

commenter 0 commentaires HR Cosmos

Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

Plus d'articles de Marc Benninger