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«L'équipe est parfois démunie face aux besoins d'un apprenant»

Sara Lopes et Caroline Morganti ont rédigé un mémoire sur «L'impact du personnel en institution préscolaire dans la construction identitaire des apprenants·es socio-éducatifs·ves (ASE)» dans le cadre leur MAS, respectivement en RH et en gestion des carrières, aux universités de Genève, Lausanne, Neuchâtel et Fribourg. 

Quel est le résultat principal de votre mémoire?

Caroline Morganti: Notre recherche, menée auprès de cinq institutions préscolaires, a permis de mettre en évidence le rôle joué par l’équipe éducative, le formateur, le directeur et l’intendant dans la construction identitaire des apprenants (1) ASE, mais également d’observer les stratégies qu’ils utilisent et les actions qu’ils entreprennent lorsqu’ils rencontrent des difficultés dans le cadre de leur activité professionnelle durant leur formation. Le rôle du formateur est évidemment important, mais une partie non négligeable de l’encadrement est prise en charge par les membres de l’équipe éducative.

Sara Lopes: Le rôle du formateur est de veiller à ce que l’apprenant remplisse les objectifs définis en amont et de créer des conditions favorables à l’apprentissage. Comme l’équipe observe l’évolution de l’apprenant en direct, elle a un impact fort sur le transfert des savoirs au quotidien et elle occupe une place essentielle dans le bon déroulement de la formation. En outre, l’apprentissage est une activité sociale dans le sens où l’apprenant va se construire au fil du temps, selon ses expériences et ses interactions avec autrui. Par ailleurs, le climat au sein de l’équipe va également impacter la qualité de la formation.

Concrètement, comment l’apprenant utilise-t-il ce réseau comme ressource?

SL: Il existe deux types de liens, tous deux exerçant une influence sur le quotidien des collaborateurs et, par conséquent, sur les interactions des apprenants avec leurs collègues: les liens formels préétablis par l’employeur, c’est-à-dire l’organigramme sur lequel l’apprenant n’a pas d’influence, et les liens informels qui s’établissent sans qu’il y ait une volonté de l’institution de les voir apparaître; c’est sur les liens informels que l’apprenant peut agir. Nous avons pu observer que l’apprenant va déployer, selon les difficultés rencontrées, différentes stratégies en créant et/ou en entretenant des liens avec des collègues, plus ou moins forts, en fonction de ses besoins.

CM: Cela signifie qu’outre la socialisation et le plaisir d’être ensemble, le réseautage social va permettre de favoriser l’apprentissage, en entretenant des liens forts ou étroits auprès des collègues directs et/ou à l’extérieur du groupe de l’apprenant, en fonction des ressources dont celui-ci a besoin, telles que des conseils, du soutien, des informations et des connaissances. C’est ce que l’on nomme le «capital social».

Quelles conclusions pratiques tirez-vous de ces enseignements?

CM: Nous recommandons de sensibiliser les équipes aux besoins d’un apprenant et de leur donner les moyens de mieux appréhender leur rôle dans la formation de l’apprenant. Elles font face à des jeunes qui sortent de l’école et qui ne connaissent pas les codes du milieu professionnel et se sentent parfois démunies face aux besoins de l’apprenant.

SL: Nous conseillons également d’investir dans la formation des formateurs. Ceux-ci devraient pouvoir bénéficier d’une formation plus approfondie qui viendrait compléter la formation obligatoire de 40 heures. Des séances de supervision leur permettraient aussi d’entamer une démarche de développement personnel liée à leur statut de formateur. 

(1) Le terme apprenants désigne l’ensemble des apprentis·es ASE des trois ans d’apprentissage, y compris les stagiaires préalables qui effectuent un an de stage avant de commencer leur CFC.

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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