Remettre le travail au centre

«Un travail bien fait est un travail qui fait du bien»

Cette citation du philosophe allemand Martin Ebeling était au centre d’une journée thématique organisée par le réseau syllogos (consultants en développement organisationnel salutogène) en janvier 2024 à Lausanne. Tour d’horizon des impacts contextuels et organisationnels et managériaux sur le travail bien fait.

Comment permettre un travail qui fait du bien? Une cinquantaine de participants (DRH, hauts fonctionnaires, dirigeants et chercheurs) ont tenté d’y répondre avec une intervention de Samuel Bendahan, maître d’enseignement en comportement organisationnel à l’Université de Lausanne et conseiller national (PS). Synthèse.

Pression normative et réglementaire

Une organisation, privée ou publique, évolue dans un contexte socio-culturel, politique, légal-réglementaire, économique, médiatique, technologique, écologique et sanitaire. Cette influence du contexte se traduit notamment par une multiplication des normes et des contraintes législatives qui empêchent de faire un travail de qualité. Cette régulation de l’État est là pour garantir un minimum de justice sociale (salaire minimum, protection de la santé des travailleurs et des consommateurs) a expliqué Samuel Bendahan. Les normes ISO sont aussi des garanties de qualité et des conditions pour entrer sur certains marchés. En tant que consultant, dirigeant, professionnel, politicien, chercheur et finalement comme citoyen d’une démocratie directe, nous n’avons pas simplement à subir les contextes, mais avons aussi la possibilité de les influencer, comme l’a rappellé Edoardo Ghidelli, partenaire du réseau syllogos.

Injonctions paradoxales

En entreprise, ces pressions réglementaires sont vécues comme des injonctions paradoxales, a noté la psychologue du travail Anny Wahlen, partenaire du réseau syllogos (voir aussi son interview ici). L’enjeu est de trouver un équilibre entre un minimum de régulation intelligente et cette exigence normative asphyxiante. Ici, pas de solution simple. Une piste: organiser des tables rondes avec les parties prenantes pour trouver des équilibres, a proposé Sophia Dini, déléguée à l’économie et à l’innovation du Département de l’économie et de la formation de l’État du Valais.

Rendement et ressenti personnel

L’influence du contexte se ressent également par la pression exercée par les actionnaires. Le conseil d’administration, qui représente les actionnaires, fixe des objectifs de rendement et délègue l’opérationnel aux dirigeants·es. Cette pression économique est parfois difficile à vivre, ont indiqué plusieurs participants. Un administrateur ne comprend pas toujours les conséquences pratiques d’une décision et vice-et-versa. Ici, pas de solution simple non plus. Une piste: quand un manager doit annoncer une restructuration ou une décision économique, il ou elle peut parler de son ressenti personnel tout en cherchant des solutions. L’un n’exclut pas l’autre.

L’organisation dictée par l’activité

Les nouvelles formes d’organisation du travail (plus agiles et horizontales) ont des effets contradictoires sur le travail bien fait. Elles permettent plus de participation et une plus grande flexibilité. Elles sont parfois instrumentalisées pour restructurer et réduire les coûts en supprimant les niveaux hiérarchiques. Pour Sibylle Heunert Doulfakar, du réseau syllogos, «l’organisation du travail devrait toujours être dictée par l’activité. Quelles sont les tâches à réaliser et comment allons-nous nous organiser collectivement pour les réaliser?»

Courage et vulnérabilité

Quelle est la posture du manager pour permettre un travail qui fait du bien? Il ou elle doit être un visionnaire qui communique clairement et régulièrement sur le cap et le sens. Sa deuxième priorité devrait être la motivation intrinsèque (beaucoup de feedback et de reconnaissance). Enfin, selon Jean-Pierre Heiniger, partenaire du réseau syllogos, s’entourer de personnes plus compétentes que lui (savoir ce qu’il ne sait pas) et faire preuve de courage et de vulnérabilité. Cette posture managériale contraste donc avec la figure du leader qui nous est présentée dans les discours politiques et au cinéma, a pointé Sylvain Delouvée, chercheur en psychologie sociale, à l’Université de Rennes. Le leader charismatique qui ne dort que cinq heures par nuit et qui a des solutions à tout est une figure du passé.

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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