Portrait

Une femme d’action et de parole au service de la mixité en organisation

Bâtisseuse de l’égalité, Françoise Piron, ingénieur de formation, souhaite accompagner les femmes pendant leur carrière professionnelle. En créant l’association Pacte en 2002, elle leur offre un réseau, des programmes de mentorat et plusieurs conseils pour aider les femmes cadres à s’élever dans les organisations tout en restant fidèles à leurs valeurs. 

 

Parlementer ne suffit pas, il faut agir pour faire avancer une cause! C’est ainsi que Françoise Piron travaille à la promotion des femmes depuis des années. La directrice de Pacte (www.pacte.ch), une association professionnelle à but non lucratif, insuffle son énergie pour encourager les femmes au cours de leur carrière professionnelle. 

Depuis huit ans, elle soutient celles qui sont confrontées à des choix entre carrière et famille. Françoise Piron ne se voile pas la face. Elle connaît le terrain, car elle sait ce que c’est que de concilier vie de famille et carrière. Elle vit seule avec ses trois enfants tout en travaillant à plein temps.

Grâce à son expérience personnelle et à sa pratique professionnelle, la jeune femme conseille ainsi toutes celles qui se retrouvent à un carrefour de vie suite à la naissance d’un enfant par exemple. Les cas sont nombreux, car près d’un quart d’entre elles arrêtent de travailler lors d’une première naissance. Il peut aussi s’agir d’une personne qui souhaite faire évoluer sa carrière, ou encore envisager une réorientation professionnelle. Dynamique et chaleureuse, la directrice de Pacte aide ses consœurs à mieux cerner leurs compétences professionnelles. 

Née en Suisse d’une mère iranienne et d’un père belge, la Lausannoise reconnaît qu’elle adore communiquer et échanger, elle aime aller au-devant des autres. Parfois, il s’agit de soutenir une femme qui vient consulter à l’association Pacte et ensuite de l’accompagner individuellement dans sa démarche lorsqu’elle souhaite faire évoluer une carrière professionnelle quelle qu’en soit la raison. 

Pacte suit les femmes dans les moments clés de leur trajectoire dans le monde du travail: réorientation professionnelle, transition de carrière, ou encore création d’entreprise. Certains hommes, notamment des pères au foyer ou des personnes qui souhaitent réduire leur temps de travail, commencent aussi à s’adresser à Pacte pour les mêmes raisons. 

D’autres fois, il s’agit d’aider une entreprise qui cherche à prendre des mesures pour ses collaboratrices. Comment promouvoir les talents féminins, les identifier et les recruter? Quel plan d’action envisager pour introduire la mixité à tous les niveaux hiérarchiques? Les formatrices de Pacte se déplacent sur le terrain et proposent des outils concrets, ainsi qu’une série de formations ciblées destinées aux entreprises. 

«Nous constatons que les femmes peinent souvent à se mettre en avant. Nous les sensibilisons à leur manière d’aborder un nouveau poste dans une société. Quand nous nous adressons à une entreprise en direct, nous commençons par rendre attentif les cadres supérieurs afin que l’information redescende ensuite vers tous les collaborateurs. Il ne faut pas uniquement sensibiliser les ressources humaines, mais aussi les autres secteurs de l’entreprise comme la production, les finances, l’administration», observe Françoise Piron

Très tôt, elle travaille sur les chantiers comme ingénieur civi

Des idées, ce n’est pas ce qui manque à Françoise Piron. Après des études d’ingénieur en état civil à l’EPFL, elle est confrontée d’emblée à un univers professionnel plutôt masculin. Très tôt, elle travaille sur les chantiers pour exercer son métier. Elle y expérimente la spécificité féminine dans une société en majorité composée d’hommes. 

Dans un premier temps, les femmes ne sont pas légion à l’école polytechnique à cette époque, ensuite l’industrie de la construction est plutôt peuplée d’éléments masculins. Ce qu’elle apprécie dans sa profession? Elle aime construire, bâtir. Une aptitude qu’elle va conserver constamment tout au long de sa trajectoire professionnelle comme un fil rouge. 

Après avoir exercé comme ingénieur, la jeune femme a amorcé un revirement suite à la crise de la construction et la naissance de son fils. Dans une vie professionnelle, un changement peut en effet se produire lorsque le marché de l’emploi se durcit, en cas d’accident ou de problème de santé, en cas de déménagements ou d’évolution de sa vie privée. 

La carrière de Françoise Piron représente un bel exemple de réorientation professionnelle. En 1994, elle débute alors comme déléguée à l’égalité de l’EPFL en créant le premier bureau. Elle se charge de promouvoir les métiers techniques auprès des filles dans les écoles. 

En 2002, elle prend un nouveau virage lorsqu’elle se lance dans l’aventure Pacte en envisageant le job comme une activité accessoire à son vrai métier. «La nouvelle législation sur l’égalité ne suffit pas, car il manque encore beaucoup de choses à mettre en application sur le terrain où il faut encore poser de nombreux relais entre le canton et le terrain. 

Même si les bureaux de l’égalité œuvrent déjà de manière importante en la matière», relève Françoise Piron. Très vite, son goût pour mener à bien des projets lui permet de transformer Pacte en une PME. Elle renonce dès ce moment-là à son métier d’ingénieur. Sans pour autant oublier de faire ce qu’elle a toujours aimé: construire des projets, réaliser des concepts. 

Pratique et efficace, la jeune femme agit en véritable chef d’entreprise, apte à cultiver son côté indépendant tout en étant parfaitement capable d’évoluer au sein d’une équipe. Un rôle qui lui permet une flexibilité totale. Un élément qu’elle privilégie pour concilier au mieux sa vie professionnelle et sa vie privée. «L’équilibre entre famille et travail est une priorité pour moi. Je rencontre beaucoup trop de gens qui souffrent sur leur lieu de travail. Près d’un tiers des femmes qui nous consultent ont des problèmes de santé au travail», lance l Lausannoise. «Les femmes doivent oser rêver. Mais de manière réaliste toujours.»

«PotentiElles»: un cursus en emploi qui met en avant l'émotionnel féminin

Aujourd’hui, Pacte emploie une directrice, salariée à plein temps et trois autres collaboratrices à temps partiel. L’association fonctionne avec des subsides qu’elle reçoit de la Confédération, de la Loterie Romande et des dons divers. Elle affiche un budget annuel de plus d’un demi million de francs. Elle compte 300 membres individuels et une trentaine en collectif. 

Depuis sa création, Pacte se développe en Romandie. Très active sur le canton Vaud, elle prend gentiment son essor sur Genève. Sur le marché du travail, les femmes sont de mieux en mieux formées. Malgré cela, elles restent en minorité dans les postes à responsabilités. Pacte souhaite donc faire évoluer les cultures d’entreprise pour créer un terrain favorable aux femmes en activité. 

Elle contribue ainsi à assurer la mixité dans les entreprises et à définir les compétences de chacun en lien avec ses aspirations. Pour faire avancer les carrières féminines, l’association propose des formations issues du programme de mentorat soutenu par le Bureau fédéral de l’égalité entre hommes et femmes au moyen des aides financières prévues par la loi sur l’égalité. 

Parmi ces mesures concrètes, elle lance cet automne une nouvelle formule: «PotentiElles manager» qui prend en considération l’émotionnel d’une femme compte tenu de son parcours de vie. Le cursus en emploi s’adresse aussi bien aux entreprises souhaitant renforcer les compétences managériales des femmes cadres et promouvoir la relève en interne qu’aux femmes qui souhaitent développer leurs compétences de responsables et progresser ainsi dans leur carrière professionnelle

Un service d'écoute pour les femmes qualifiées mais souvent isolées

Par ailleurs, Pacte propose aussi un service de consultation, CarriElles, qui offre écoute et conseils à une catégorie de femmes qualifiées, mais souvent isolées. Ce lieu d’accueil leur propose de trouver des outils et des ressources pour rebondir vers de nouveaux projets professionnels. 

Comme les athlètes qui doivent se préparer à une reconversion professionnelle le jour où leur performance fait défaut, chaque individu est susceptible d’entamer une nouvelle carrière. 

Un conseil pour la fin? «Dans notre société, la question concerne désormais tout le monde, car les trajectoires professionnelles ne sont pas continues sur un parcours de vie. Pour éviter de se retrouver sur le carreau le jour où les choses bougent, une solution est de s’intéresser à d’autres choses que son travail et de rester ouvert à d’autres domaines. 

Ou encore cultiver son réseau car rester cloisonné dans un seul milieu professionnel constitue un risque si l’on doit se réorienter complètement. Si l’on applique ce conseil aux femmes, il en ressort qu’elles ont tout intérêt à ne pas se couper du monde lorsqu’elles ont des enfants. Garder un pied dans le marché du travail évite un décalage lorsque l’activité professionnelle reprend.»

Françoise Piron en 20 secondes 

Un plaisir? Le partage.
Une corvée? Le repassage.
Un livre? "Neige" de Maxence Fermine
Un plat? Une grillade conviviale
Une boisson? Un vrai café.
Un objet fétiche? Un galet symbole de confiance en la vie.
Le meilleur conseil reçu? Penser à soi, ne pas s'oublier.

 

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Patricia Meunier est journaliste indépendante en Suisse romande. Elle collabore avec HR Today depuis 2010.

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