Conseils pratiques

Egalité sur le gril

La liberté contractuelle est l’un des fondements du droit du travail. Les parties bénéficient de cette liberté pour la conclusion du contrat de travail, la fixation du salaire et la résiliation des rapports de travail. Toutefois, cette liberté n’est pas sans limite puisqu’elle doit respecter l’égalité de traitement.

Le principe de l’égalité de traitement interdit à l’employeur de placer un employé dans une situation moins favorable à celle des autres collaborateurs et ce sans motifs objectifs. Les cas de figure dans lesquels l’égalité de traitement doit être respectée sont divers et variés.

Egalité entre femmes et hommes

L’article 3 de la Loi sur l’égalité entre femmes et hommes (LEg) interdit la discrimination des travailleurs en raison de leur sexe, notamment en se fondant sur leur état civil, leur situation familiale

ou leur grossesse. L’interdiction de la discrimination s’applique à l’embauche, à la rémunération, à la promotion, au cahier des charges, voire à la résiliation des rapports de travail.

Discrimination à l’embauche

En vertu de la liberté contractuelle, l’employeur peut décider librement qui il veut engager. Toutefois, il y a discrimination lorsque l’employeur refuse d’embaucher une personne en raison de son sexe et sans motifs justificatifs. Il est discriminatoire d’exclure les candidatures féminines pour un poste de direction de projet ou de refuser d’engager une femme car elle souhaite avoir des enfants. Il est également discriminatoire de n’accepter que les candidatures de femmes pour un poste de secrétaire ou d’hôtesse d’accueil.

Les motifs objectifs sont admis de manière restrictive. Il est admissible de réserver à une femme un poste d’assistante sociale dans un foyer d’accueil pour femmes victimes de violences conjugales. Il est en effet important pour les personnes ayant besoin d’aide de pouvoir recevoir des conseils et du soutien psychologique par des personnes du même sexe. Le critère du sexe est possible pour des postes de comédiens ou de chanteurs, car ils ne peuvent, par nature, être occupés que par une personne d’un sexe donné.

L’employeur ne peut traiter des données personnelles que dans la mesure où elles ont un lien avec le poste de travail. Il n’est pas en droit de poser des questions sur un projet de mariage ou d’enfants. Une question sur une éventuelle grossesse n’est admissible que dans les cas où la candidate ne peut d’emblée pas effectuer le travail en raison de son état, notamment lorsque le travail en question nécessite certaines aptitudes physiques. Tel n’est pas le cas lorsqu’il s’agit d’un travail de bureau par exemple.

S’il y a discrimination lors d’une embauche au sens de la LEg, l’employeur pourrait être astreint à payer une indemnité d’une valeur maximale de trois mois de salaire. Toutefois, la preuve de la discrimination à leur embauche sera souvent difficile à amener.

Discrimination salariale

En droit suisse, employeur et collaborateur fixent librement le montant du salaire. Toutefois, l’article 8 alinéa 3 de la Constitution fédérale pose une restriction à la liberté contractuelle. Cette disposition stipule que l’homme et la femme ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale. L’article 3 LEg quant à lui prévoit une interdiction de discrimination entre femmes et hommes en matière de rémunération.

Il y a discrimination salariale lorsque, pour un travail de valeur égale, un employé reçoit un salaire moins élevé qu’un collègue du sexe opposé. La comparaison se fait avec le salaire d’au moins une personne, de fonction comparable et de l’autre sexe, dans la même entreprise.

La différence de salaire peut être justifiée par des critères objectifs tels que la formation, l’expérience professionnelle, l’ancienneté ou encore les connaissances linguistiques. Le critère appliqué par l’employeur doit répondre à un véritable besoin de l’entreprise et être proportionnel. Ainsi, dans une société qui désire s’étendre sur le marché suisse alémanique, un salaire plus élevé pour un employé qui, contrairement à sa collègue, parle parfaitement l’allemand peut être justifié. Toutefois, ce critère objectif ne suffit pas à justifier une différence de salaire de 50%.

L’article 6 LEg prévoit un allègement du fardeau de la preuve en faveur de l’employé. Lorsque le travailleur arrive à rendre vraisemblable qu’il est victime d’une discrimination salariale, il revient à l’employeur de prouver qu’il existe des critères objectifs qui justifient la différence de salaire. La jurisprudence considère qu’une discrimination est vraisemblable lorsque le salaire du travailleur est inférieur de 15 à 25% à celui d’un collègue de sexe opposé accomplissant le même travail.

Lorsqu’une discrimination salariale est avérée, l’employé bénéficie d’une action judiciaire en paiement de la différence de salaire (art. 5 al. 1 lettre d LEg).

Licenciement abusif

Certains motifs de résiliation peuvent être considérés comme abusifs lorsqu’ils sont inhérents à la personnalité de l’employé. Cette dernière englobe toutes les caractéristiques qui permettent d’individualiser une personne et qui sont dignes d’être protégées, soit notamment sexe, race, âge, grossesse, maladie, nationalité, homosexualité, religion et antécédents judiciaires. Un licenciement sera considéré comme abusif si l’employeur licencie le travailleur en raison de sa sexualité ou sa religion. Lorsque l’employeur congédie des employés parce qu’il les soupçonne de vol, en raison de leur couleur de peau, le licenciement est abusif.

Un licenciement sera considéré comme discriminatoire et abusif, au sens de la LEg, s’il est donné suite aux déclarations de l’employée de vouloir des enfants ou se marier. Un congé peut être considéré comme abusif lorsqu’il est donné car le travailleur fait valoir de bonne foi des prétentions résultant du contrat de travail. Tel est le cas notamment lorsqu’une jeune mère fait usage de son droit au congé d’allaitement prévu par l’article 35a LTr. De même, lorsque l’employée voit son contrat de travail résilié car elle s’est plainte de harcèlement sexuel subi sur son lieu de travail, le licenciement pourra être considéré comme abusif et discriminatoire. L’employé victime d’une résiliation abusive peut se voir octroyer par le juge une indemnité d’un montant maximal de six mois de salaire.

Egalité de traitement Suisse-UE

Selon l’article 9 alinéa 1 de l’Annexe I de l’accord sur la libre circulation des personnes (ALCP), un travailleur ressortissant européen ne peut être traité différemment des collaborateurs nationaux en raison de sa nationalité notamment en matière de rémunération. Cette interdiction de discrimination est directement applicable dans les rapports entre employeurs et employés. Cette disposition est de nature impérative et l’employé ne peut pas y renoncer. L’employeur ne peut pas verser un salaire moins élevé à un frontalier en invoquant son pouvoir d’achat plus élevé. Cette mesure est discriminatoire car elle se base uniquement sur le domicile du collaborateur ce qui a pour effet de toucher directement les ressortissants de l’UE/AELE. Elle est ainsi contraire à l’ALCP. De plus, la fluctuation du taux de change fait partie du risque d’entreprise. Une mesure de l’employeur qui fait supporter un tel risque à un employé est illicite au sens de l’article 324 CO. Le versement du salaire en euros aux frontaliers est une discrimination indirecte qui est prohibée par l’ALCP. Cependant, dans deux cas exceptionnels, le Tribunal fédéral a rejeté les prétentions de travailleurs frontaliers ayant reçu leur salaire en euros. Suite à de graves difficultés économiques dues à la crise du franc fort, les entreprises avaient décidé de payer les salaires des frontaliers en euros afin de sauvegarder leurs emplois.

Les deux entreprises ont payé le salaire en euros à un taux de change fictif, ce qui a entraîné une diminution notable de la rémunération des frontaliers par rapport aux ressortissants suisses. Les travailleurs avaient signé la modification du contrat. Ils avaient perçu leur salaire en euros pendant plusieurs années et ne l’ont contesté qu’après la résiliation de leur contrat de travail. Le Tribunal fédéral a considéré que, dans ces circonstances très particulières, il était abusif pour les employés d’exiger rétroactivement le paiement de la différence de salaire.

 

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