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«Le leadership explique 45 pour cent des variances de performances»

«Un leader ne sera jamais reconnu comme tel s’il ne l’est pas d’abord par les autres.» Robert Sandoz, DRH de SolvAxix, société informatique basée dans le Jura bernois, revient ici sur les principaux résultats de son Master RH. Une recherche originale sur le leadership puisqu’il est un des rares chercheurs à avoir interrogé des personnes en entreprise et en Europe. 

Robert Sandoz est responsable des ressources humaines de SolvAxis depuis le 1er janvier 2010. Il est titulaire d’un Master of Arts, en ethnologie, géographie, et linguistique et d’un MAS en gestion des ressources humaines et carrières, mention management humain, des Universités de Genève, Lausanne, Neuchâtel et Fribourg. 

Robert Sandoz a écrit un mémoire sur les «Théories implicites du leadership (ILT): personnalité et comportement du leader» sous la direction du professeur John Antonakis. Les ILT, concept introduit par Eden et Leviathan (1975) qui ont démontré que le ledership est dans les yeux de celui qui regarde, sont importantes, car elles jouent un rôle clé dans l’attribution du leadership à une personne par d’autres. 

Le responsable des ressources humaines a effectué son étude sur le terrain dans l’entreprise informatique SolvAxis. Sur les 124 questionnaires envoyés, 89 réponses ont été retenues. L’entreprise de Sonceboz (Jura bernois) apporte des solutions orientées ERP, BPM et CRM. Elle emploie actuellement 132 personnes. 

Pourquoi avez-vous choisi d’analyser le thème très connu du leadership? 

Robert Sandoz: Ce concept me fascine. Même si on a beaucoup écrit sur le sujet, il faut savoir que le leadership explique 45 pour cent de la variance de performances dans une entreprise. Il a donc un impact direct sur les résultats d’une société. Combien de conflits, d’incompréhensions entre leaders et employés, de managers engagés qui se révèlent de mauvais leaders, pourraient être évités. J’ai donc décidé d’approfondir l’analyse de la personnalité et du comportement du leader sous l’angle des théories implicites du leadership (ILT en anglais, soit de l’image qu’une personne a d’un leader en général), en considérant des employés d’origine différente de Suisse et de France. 

Le concept des ILT est important dans l’analyse de tout ce qui relève du leadership. Car dans le processus de perception, chacun observe et interprète le comportement de l’autre avec ses propres ILT et ensuite attribue ou non le leadership. En effet, le leadership est un processus de perception aussi, qui dépend de l’image prototypique que les employés ont du bon/mauvais leader. Un leader ne sera jamais reconnu comme tel s’il ne l’est pas d’abord par les autres; pour être leader, il doit d’abord être vu comme tel. 

Comment avez-vous procédé pour lancer votre recherche? 

Nous avons envoyé des questionnaires au personnel de SolvAxis pour mesurer leurs attentes quant au bon/mauvais leader, sous l’angle de sa personnalité et de ses comportements et avons examiné les corrélations statistiques qui en ressortaient. La question était: «Imaginez un leader idéal» ou «Imaginez un mauvais leader». L’originalité de cette étude réside dans le fait qu’elle a été réalisée en entreprise et en Europe, et non pas sur des étudiants ou des militaires et aux Etats-Unis comme cela se fait la plupart du temps. A travers différents tests de personnalité HEXACO et du test de leadership MLQ pour l’EFRLT, nous avons sondé notre public d’employés au sujet de la personnalité, du comportement et des résultats du bon et du mauvais leader. Le test de personnalité HEXACO, ainsi que la prise en compte du style de leadership instrumental (via le test MLQ pour l’EFRLT) n’avaient pas encore été mis en œuvre dans un tel contexte, à notre connaissance. 

Au final, quels résultats avez-vous mis en évidence avec votre mémoire? 

Les résultats sont globalement conformes à ceux que l’on retrouve dans la littérature, mais avec un lien fort entre la personnalité et le comportement du leader. Le bon et le mauvais leader s’opposent totalement: le bon leader est honnête, extraverti, agréable, consciencieux, ouvert à l’expérience et altruiste. L’aspect éthique/moral ressort clairement. Il est de style transformationnel, c’est-à-dire charismatique, motivant, stimulant; il est de style instrumental et facilite notamment le travail de ses subordonnés. Il pratique aussi les récompenses quand les résultats sont atteints. A l’opposé, le mauvais leader n’a pas ces qualités et pratique un style de gestion par exception, il n’intervient pas ou très peu ou trop tard. 

Selon votre étude, comment engager un bon leader? 

Le leadership réside plus dans le fait d’être vu comme un leader que dans les qualités mêmes de la personne. Ce qui fait qu’un leader est un leader, c’est la congruence entre ses comportements perçus et l’image (les ILT) qu’ont ses subordonnés du bon et du mauvais leader. Par exemple: si les subordonnés attendent un leader autoritaire et que ce dernier est agréable, les employés pourront le percevoir comme faible. Les RH peuvent agir à plusieurs niveaux: par exemple, il faut une congruence entre valeurs de l’organisation, ILT et styles de leadership pratiqués et désirés. 

Connaître ce que veut l’entreprise et le style de leadership attendu des employés constitue un critère fort en matière de recrutement ou de promotion. On peut utiliser des tests et des entretiens structurés. Au niveau de la formation ou du développement personnel aussi, car le leadership peut être appris dans une certaine mesure et les leaders peuvent adapter leurs comportements aux ILT de leurs subordonnés. L’entreprise a tout à gagner à prendre en compte les ILT dans ses processus RH.

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Patricia Meunier est journaliste indépendante en Suisse romande. Elle collabore avec HR Today depuis 2010.

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