Conseils pratiques

On fait la paix?

Des méthodes de gestion de conflits, il y en a à boire et à manger. En voici deux, en émergence, qui ont retenu notre attention. Elles sont complémentaires. La première puise sa force dans l’approche systémique et la seconde dans la méthode Imago. Pour chacune des deux, un spécialiste répond à nos questions. 

Gwenaël Faucher

 

Quels sont les fondements de l’approche AGC?

Gwenaël Faucher: La démarche AGC considère le conflit comme un système dans lequel des acteurs interagissent avec un environnement; leurs relations se développent selon un processus systématique, suivant un rapport de causalité depuis un facteur initial jusqu’à ses ultimes conséquences. Elle est donc complémentaire à des approches centrées sur l’acteur ou sur la communication. Le conflit serait ainsi un épisode logique d’un phénomène social. L’acteur n’est plus un coupable, mais un individu responsable et intégré à la résolution du différend.

 

À quoi ressemble concrètement le processus?

Dans un premier temps, l’animateur réunit les participants qui précisent librement leur vision de la situation (faits, analyses, émotions...). Les réponses sont notées sur des post-its qui seront collés sur un tableau. L’animateur investigue les réponses pour dégager des chaînes de causalité et établir une cartographie du système avec plusieurs axes et dimensions: besoins opérationnels, relationnels et émotionnels. Les incompréhensions sont identifiées et les complémentarités mises en exergue. En outre, chacun doit pouvoir s’exprimer et se sentir écouté. La synthèse, en back-office, fait ressortir les besoins et les reformule de manière neutre; elle sera corrigée et validée par l’ensemble des acteurs lors d’une nouvelle réunion.

 

Un cas pratique d’utilisation de la méthode?

Mon intervention la plus marquante s’est tenue dans une résidence médicalisée pour personnes âgées. Les tensions avaient déjà causé des accidents chez les patients et le risque de suicide était marqué chez les soignants. Le travail sur les chaînes de causalité a permis d’identifier un pic de turn-over survenu dix ans plus tôt chez les infirmiers, puis chez les managers. Ces changements ont produit une fragmentation des visions de la pratique et créé des groupes divergents, puis antagonistes et enfin conflictuels. Au lieu de dresser une liste de fautifs à renvoyer, nous avons déterminé quatre chantiers concrets. Nous avons par exemple mis en place des groupes de travail pour redéfinir les standards des gestes et des situations de soins. Passer de trente-six visions du métier à une, l’efficacité était garantie!

 
 

Pierre-André Pouly

 

Quels sont les fondements de l’approche Imago?

Pierre-André Pouly: Imago permet avant tout de visiter notre monde émotionnel, nos besoins profonds et ceux des autres. C’est un dialogue structuré qui garantit une place à chacun. C’est le contraire du dialogue de sourds, où chacun cherche à avoir raison ou à désigner un coupable. Lorsque le lien est rétabli, les solutions peuvent émerger. L’approche Imago se caractérise par une vision résolument positive des relations: le conflit est une opportunité de croissance. Ce modèle de thérapie relationnelle a été développé par Harville Hendrix et Helen Lakelly Hunt dans les années 80 et s’adressait en priorité aux couples. Il a évolué depuis pour s’adresser à des contextes non thérapeutiques et toucher les relations sur le plan général (p. ex. famille, écoles, associations, entreprises).

À quoi ressemble concrètement le processus?

Le facilitateur fait asseoir les participants en cercle ou en face à face, afin de garantir le contact visuel direct. Il impose un ordre et un temps de prise de parole. Ensuite, il conduit l’entretien au moyen d’amorces (débuts de phrases) que les participants sont invités à reprendre et à compléter librement, par exemple: «Dans la vision d’une collaboration pleinement satisfaisante, un élément important, pour moi, c’est...» À chaque phrase, un participant «fait le miroir»: «Je vous entends dire... Est-ce que c’est bien ça?» Après avoir partagé les émotions et les besoins de chacun, les tensions se dissolvent. Les participants peuvent commencer à rechercher des solutions: «Le prochain pas concret que nous pourrions faire, c’est...»

Un cas pratique d’utilisation de la méthode?

Le responsable régional d’une organisation de pasteurs de l’Église réformée voyait les membres de son comité se désinvestir peu à peu. Pendant deux journées, les pasteurs ont été invités à travailler tantôt en groupe tantôt en duo par l’entremise de dialogues Imago. Ils ont par exemple examiné des situations où ils se sont sentis à leur place - ou non - par rapport à leurs paroissiens. Ils ont également dialogué pour comprendre comment ils pourraient mieux s’entraider. Un participant soulignait: «J’ai beaucoup apprécié de ne plus être dans les débats, les arguments et les justifications. C’était important d’avoir le temps de véritablement s’écouter.» Le lien recréé, ils ont pu se remettre au travail motivés et confiants.

Gwenaël Faucher

Gwenaël Faucher est formateur-consultant en management de la relation sociale, spécialiste en analyse et gestion de conflits (AGC).

Pierre-André Pouly

Pierre-André Pouly est facilitateur Imago Professionnel et thérapeute de couples Imago.

 

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