Conseils pratiques

Remboursement des frais en cas de travail à domicile

Dans quelles conditions un employeur doit-il rembourser les frais des collaborateurs qui travaillent à domicile? Que dit le droit suisse et comment interpréter cette loi en temps de pandémie?

Dans une décision datée du 23 avril 2019 (1), le Tribunal fédéral s’est penché sur un litige dans lequel un employé demandait à son employeur de lui rembourser les frais liés à l’utilisation d’une pièce de son domicile privé comme bureau et archives.

Le Tribunal fédéral a jugé qu’une telle demande de remboursement de frais était valable et que le remboursement par l’employeur était obligatoire dans le cas où ce dernier ne fournissait pas à son employé un lieu de travail adéquat, et ce même si l’employé n’avait pas spécifiquement loué une pièce pour ses besoins professionnels.

Le travail à domicile devenant pratique courante et la pandémie que nous traversons actuellement forçant de nombreux employeurs à demander à leurs employés de travailler depuis chez eux, la question du remboursement des frais liés au travail à domicile est d’actualité.

Le remboursement des frais

En droit suisse (2), l’employeur doit, sauf convention contraire, fournir à l’employé les instruments et les matériaux dont celui-ci a besoin dans l’exécution de son travail. Si d’entente avec l’employeur, le travailleur fournit lui-même des instruments de travail ou des matériaux, il doit être indemnisé convenablement par son employeur, sauf accord ou usage contraire (3).

En outre, l’employeur doit également rembourser au travailleur tous les frais imposés par l’exécution du travail et, lorsque l’employé est occupé en dehors de son lieu de travail, les dépenses nécessaires pour son entretien. Un accord individuel, un contrat type de travail ou une convention collective peut prévoir que ces frais soient remboursés sous la forme d’une indemnité fixe (telle qu’une indemnité journalière, hebdomadaire ou mensuelle forfaitaire) à la condition que cette indemnité couvre tous les frais nécessaires. Toute convention prévoyant que le travailleur doit prendre en charge tout ou partie de ces dépenses nécessaires est nulle (4).

Travail à domicile

Dans le cadre du travail à domicile, les instruments de travail comprennent les objets utilisés ou consommés par l’employé lors de l’exécution du travail, tels que le local occupé (ou une partie de celui-ci), le mobilier (table, chaise, ordinateur, imprimante, téléphone) et les consommables (papier, encre, électricité, chauffage, etc.) ou encore Internet.

Dans l’hypothèse où l’employé est contraint de travailler à son domicile ou d’utiliser ses instruments personnels afin de réaliser son travail, par exemple si l’employeur ne lui fournit pas une place de travail adéquate ou les outils nécessaires, l’employeur devra rembourser les frais encourus par l’employé et ne pourra en aucun cas se soustraire à cette obligation, même avec l’accord du travailleur.

La situation est en revanche différente si l’employé travaille à domicile avec l’accord de l’employeur et utilise ses locaux et instruments personnels par convenance personnelle alors que cela n’est pas indispensable à la réalisation de son travail, comme c’est le cas d’un employé qui travaille par exemple un jour par semaine depuis son domicile. Dans ce cas-là, le travailleur ne peut demander à être défrayé que s’il n’en a pas été convenu autrement avec l’employeur.

Par conséquent l’employeur qui laisse œuvrer ses collaborateurs à domicile à bien plaire et sans préciser qu’il ne prendra pas en charge leurs frais, s’expose à devoir les dédommager rétroactivement par exemple pour leurs frais téléphoniques et informatiques ou encore pour l’utilisation de leurs locaux, ce qui peut s’avérer onéreux, en particulier si les employés concernés travaillent régulièrement à domicile depuis plusieurs années.

Il est donc essentiel, pour l’employeur qui souhaite permettre à ses collaborateurs de travailler à domicile sans prendre le risque de devoir les défrayer, de signer avec ces derniers un accord détaillé qui précisera notamment:

  • si le travail à domicile est une nécessité ou non,
  • si l’employeur prendra en charge les frais liés au travail à domicile accordé à bien plaire,
  • ainsi que la nature de ces frais
  • leur quotité et
  • la durée de leur prise en charge.

Quelques remarques additionnelles

Dans le cadre du travail à domicile, la relation de travail reste soumise aux mêmes règles que si l’employé travaillait dans les locaux de l’entreprise. Les directives internes de cette dernière ainsi que les règles applicables au temps de travail et à la protection de la santé des travailleurs restent également applicables.

Pour cette raison, il est important que l’employeur informe les employés sur ces réglementations et surveille le temps de travail en mettant en place, par exemple, un système de saisie du temps de travail afin d’éviter les réclamations d’heures supplémentaires de la part des employés travaillant à domicile.

En outre, il convient de prêter attention aux situations transfrontalières dans lesquelles l’employeur et le salarié ne sont pas basés dans le même pays. Dans ce cas, les dispositions impératives applicables en matière de contrôle du temps de travail en vigueur dans le pays où l’employé exerce son activité, peuvent potentiellement s’appliquer dans le cas où ledit employé travaille la plupart du temps dans son pays de résidence.

Cette situation peut également avoir un impact sur les obligations des deux parties en matière de sécurité sociale et de fiscalité. Il est donc impératif, dans le contexte du travail à domicile transfrontalier, que l’employeur examine les législations nationales applicables.

Le travail à domicile tendant à se développer et la législation du travail ne traitant pas en détail ses spécificités, il est donc important que l’employeur et le salarié s’entendent sur les modalités du travail à domicile afin d’éviter tout malentendu et tout problème juridique.

(1) 4A_533/2018
(2) Art. 327ss du Code des obligations (“CO”)
(3) Art. 327 CO
(4) Art. 327a CO

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Carol Tissot est avocate chez Lalive SA et Présidente au Tribunal des Prud’hommes de Genève.

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