Comment les RH peuvent-ils rester pertinents à l'ère de l'IA?

Christine Kuhn est professeure en gestion des ressources humaines à l'Institut de gestion du personnel et d'organisation (PMO) de la Haute école spécialisée du nord-ouest de la Suisse (FHNW).

«Les compétences en matière de développement organisationnel et de gestion du changement vont gagner en importance. Les RH participent activement à la transformation culturelle et accompagnent les transformations complexes telles que les réorganisations ou les nouvelles structures de gestion associées à l'IA. Dans ce contexte, la capacité à accompagner efficacement les cadres et les équipes est d'une importance cruciale, tout comme les compétences en matière de conseil, de coaching et de communication. 

Dans un paysage professionnel de plus en plus marqué par l'IA, les RH deviennent plus que jamais un partenaire stratégique de l'entreprise. Cela nécessite une compréhension approfondie de l'entreprise, des modèles commerciaux et des indicateurs clés de performance. Des compétences analytiques et numériques sont également davantage requises. Les professionnels des RH doivent être capables d'interpréter les données et de les remettre en question de manière critique. Ils doivent également être capables d'intégrer stratégiquement des outils numériques dans leurs processus, du recrutement à la fidélisation des collaborateurs en passant par la formation et le développement. 

Dans le même temps, l'orientation vers l'humain et la capacité de réflexion éthique sont essentielles, par exemple pour les questions de transparence, d'équité et de protection des données. Une utilisation responsable est cruciale, en particulier lorsqu'il s'agit d'IA et de données sensibles.

L'avenir réside dans la combinaison des compétences numériques et des atouts humains. La vérification et le développement permanents des compétences pertinentes pour l'avenir, tant au niveau des RH qu'au niveau de l'organisation dans son ensemble, ne sont donc pas un «plus», mais une condition préalable à la pertinence et au succès.»

Priska Burkard est cofondatrice et directrice générale de la start-up TechFace, qui promeut la diversité dans le secteur technologique.

«On pourrait s'attendre à ce que j’énumère une liste de compétences techniques hautement spécialisées en IA. Mais les compétences décisives sont plus accessibles qu'on ne le pense et peuvent être développées grâce à des outils de formation continue ciblés. 

La curiosité et le goût de l'expérimentation sont primordiaux. Les professionnels des ressources humaines doivent se former en continu en testant de manière pratique les nouveaux outils d'IA tels que ChatGPT ou les solutions spécifiques aux ressources humaines. Les formats d'apprentissage entre pairs, les laboratoires d'IA internes ou les courtes sessions «Lunch & Learn» au cours desquelles les collègues partagent leurs expériences ont fait leurs preuves. L'apprentissage par la pratique constitue la clé. 

Une réflexion stratégique sur la formation continue est tout aussi essentielle. Les RH doivent comprendre quels changements induits par l'IA créent de nouvelles exigences en matière de compétences. Quelles compétences deviennent obsolètes? Lesquelles doivent être développées? Cela nécessite la capacité d'élaborer des stratégies de formation continue tournées vers l'avenir, tant pour sa propre organisation que pour le marché externe des talents. Des formats tels que les ateliers d'analyse des tendances ou les laboratoires du futur aident à affiner cette perspective systémique.

Enfin, une compréhension fondamentale de l'IA est nécessaire. Elle peut être acquise grâce à des cours en ligne compacts, des webinaires ou des programmes de certification. Ces connaissances permettent aux RH de non seulement maîtriser elles-mêmes l'IA, mais aussi de concevoir et de mettre en œuvre de manière stratégique des formats d'apprentissage basés sur l'IA pour les employés.»

Ralf Ploner est consultant chez Avenir Consulting AG et fondateur de l'initiative skills.ch.

«Des tâches qui étaient réservées il y a peu aux humains peuvent aujourd'hui être prises en charge par l'IA. Les RH sont doublement touchées par cette évolution. D'une part, nos propres rôles sont redéfinis, avec des exigences de compétences clairement modifiées. D'autre part, nous devons considérer comme une évidence le fait de jouer un rôle majeur dans ce processus de transformation qui redéfinit l'avenir du travail.

Pour assumer cette responsabilité, nous devons développer des compétences afin de trouver des réponses à ces questions centrales:

• La nouvelle réalité: avons-nous vraiment compris ce que l'IA est déjà capable de faire aujourd'hui?

• Transformation stratégique de la main-d'œuvre: maîtrisons-nous les méthodes et les outils permettant d'identifier à un stade précoce les changements de compétences à venir et de les gérer activement?

• Conception de la collaboration entre l'homme et l'IA: comment concevons-nous les interfaces entre l'homme et la machine? Qui assume quelles tâches? Et comment le travail reste-t-il significatif?

• Écosystème d'apprentissage basé sur les compétences: comment promouvoir une compréhension de base de l'IA et permettre un apprentissage continu?

• Éthique: comment garantir la transparence, l'équité et la responsabilité?

Il est important de ne pas se laisser guider par la peur de l'avenir. Les êtres humains possèdent des atouts évidents que l'IA ne pourra pas remplacer dans un avenir prévisible. Nous devons donc les développer de manière ciblée:

• Capacité à penser de manière disruptive et créative

• Capacité d'adaptation à de nouvelles situations

• Intuition

• Empathie et chaleur humaine

• Capacité de jugement moral

Une compétence est particulièrement décisive: la curiosité pour ce qui est déjà réalisable aujourd'hui. On se trouve certainement sur la bonne voie lorsque l’on a envie d'essayer chaque jour de nouvelles choses avec l'IA dans sa vie quotidienne.»