Conseils pratiques

Compétences managériales et taux d’engagement sont liés

Un sondage de l’Université de Genève montre que seuls 20% des collaborateurs de Suisse romande ont des managers inspirants. Les RH disposent là d’un levier considérable d’amélioration de la productivité.

Un sondage réalisé par l’Université de Genève (UNIGE) en collaboration avec Le Temps et PME Magazine a révélé un gaspillage de productivité qui offre aux RH une opportunité majeure d’influencer la marche des affaires de leur entreprise. Ce sondage a en effet montré que seuls 20% des collaborateurs en Suisse romande ont un manager qui leur donne envie de donner le meilleur d’eux-mêmes.

Cela implique que 80% des collaborateurs sont moins engagés que ce qu’ils pourraient être s’ils avaient un manager qui suscite un réel engagement. Sachant que plus les collaborateurs sont engagés mieux ils travaillent, cet engagement limité (ou très faible pour 15% d’entre eux) se traduit par une perte de productivité.

L’ennui est que l’impact du manque d’engagement coûte très cher. En effet, une étude de PwC a mis en évidence que des collaborateurs engagés améliorent la productivité et les profits à concurrence de 35%. Comme c’est loin d’être négligeable, tout cadre doit devenir un leader, condition requise pour avoir des équipes engagées...

Pour savoir si la performance mesurée est optimale, il apparaît ainsi nécessaire de savoir si elle a été produite par des collaborateurs engagés ou non. S’ils ne l’étaient pas, cela signifie que s’ils l’avaient été la performance aurait été supérieure. Donc, mesurer la performance sans mesurer le niveau d’engagement des personnes qui la produisent, c’est se priver de l’instrument qui permet d’évaluer l’existence d’un potentiel d’optimisation.

Il y a engagement et engagement

Beaucoup d’entreprises croient mesurer l’engagement avec des enquêtes de climat (50 à 100 questions) qui mesurent en réalité trois des quatre composants de l’engagement, soit la motivation intrinsèque, l’engagement pour la cause ou l’activité et enfin l’engagement pour l’entreprise. Elles pensent aussi mesurer le quatrième type d’engagement: celui suscité par les managers (Eng-Man).

Malheureusement, la manière de le mesurer est tellement biaisée que cette partie de la mesure n’est pas fiable. Comme l’engagement suscité par les managers influence jusqu’à 70% de l’engagement total des collaborateurs, il prime sur tous les autres. Le sondage d’UNIGE s’est donc focalisé sur Eng-Man en montrant toutefois qu’il est en moyenne plus bas que l’engagement pour la cause ou l’entreprise. Cela ne fait pas honneur aux cadres.

Pour réduire les biais classiques qui faussent justement l’analyse des enquêtes traditionnelles de climat, le sondage d’UNIGE n’a pas essayé de déduire le niveau d’Eng-Man à partir d’indices comme le niveau d’autonomie accordé, le niveau d’écoute, etc. comme c’est le cas dans les enquêtes de climat qui ont principalement pour objectif de faire un diagnostic.

Le sondage a simplement posé trois questions qui portent sur le résultat obtenu plutôt que sur les moyens d’y arriver. Les répondants devaient dire à quel point leur manager leur donne envie de s’investir, à quel point ils le recommandent à des amis qui pourraient rejoindre leur équipe ou encore à quel point ils ont envie de continuer à être dirigés par ce manager. En assurant une confidentialité absolue, le sondage permettait de surcroît de savoir ce que pensent réellement les répondants sans la peur de représailles éventuelles, comme c’est souvent le cas dans les enquêtes de climat.

La raison d’être d’une manager

Le score d’engagement obtenu par une manager (1) est la mesure de sa capacité à faire ce qui est attendu d’elle, soit optimiser le niveau d’engagement de ses équipes, ce qui est une condition de la performance optimale. Sans cela, elle n’a simplement pas fait son travail. Gérer des ressources en organisant, planifiant ou en mettant en place des processus n’est qu’une partie du cahier des charges. Les managers doivent aussi avoir des collaboratrices engagées. Sans quoi, leur équipe est moins performante. Aucun processus ou planification ne peut compenser le déficit de performance dû au manque d’engagement.

L’avantage de la mesure du niveau d’Eng-Man est que ce score capture l’impact de l’ensemble des compétences en soft-skills de la manager. Toutes les recommandations d’un référentiel de compétences managériales visent in fine à avoir des collaboratrices engagées. Elles préconisent des comportements qui sont censés y contribuer, comme être à l’écoute, faire preuve d’exemplarité, donner des objectifs SMART, être disponible, etc.

Ces comportements sont certes vertueux, mais leur mise en œuvre ne garantit pas le résultat. Or, ce qui doit intéresser la direction et les RH, c’est le résultat. Comme la cadre est responsable de livrer l’engagement de ses équipes, c’est à elle qu’il appartient de faire son diagnostic. Pas aux RH. Mais celles-ci peuvent toutefois, sur demande, l’aider à le faire grâce à leur réel savoir-faire en matière de diagnostic.

Les managers manquent de clairvoyance

Le sondage d’UNIGE a toutefois mis en évidence un autre problème: les managers manquent de lucidité sur leur capacité à obtenir de l’engagement. Elles pensent obtenir un niveau d’engagement bien supérieur à celui que leurs subordonnées expriment. Comme la vérité sort de la bouche des... collaboratrices, il est impératif de mesurer leur opinion. Cet indicateur renseigne sur l’impact final de tous les comportements de leur manager.

Obtenir un bon score d’engagement est l’enjeu de chaque manager. Une fois le score connu, elle aura normalement envie de se poser la question du diagnostic et donc des raisons qui conduisent à ce score. La manager qui veut améliorer son leadership à l’avenir sera ainsi certainement demandeuse de diagnostic dans un deuxième temps. Connaissant son score d’engagement et donc l’impact de son comportement, elle recevra le diagnostic dans un tout autre état d’esprit. Commencer par le diagnostic et soi-disant déduire Eng-Man apparaît ainsi comme une erreur tactique et méthodologique.

L’expérience a toutefois montré qu’il n’y a pas de recette unique pour obtenir de l’engagement, mais qu’il y a des leviers sur lesquels une manager peut agir pour l’augmenter ou le diminuer.

Ce que le sondage a aussi mis en évidence est que le confinement a polarisé les choses: les bonnes managers avant la crise sanitaire ont obtenu un meilleur niveau d’engagement pendant le confinement alors que celles qui obtenaient peu d’engagement avant ont eu des collaboratrices encore moins engagées durant le confinement. Les mauvaises managers ont donc aggravé les effets de la crise. Conclusion RH: investir dans l’amélioration du score d’Eng-Man prépare mieux l’entreprise à affronter des crises et à augmenter la performance.

Comment tirer parti de ce trésor inexploité

Sachant qu’ignorer le score d’engagement aboutit à occulter un levier considérable d’optimisation, les RH devraient systématiser la mesure fiable du niveau d’engagement. EazyMirror.com est par exemple un logiciel freemium qui permet de le mesurer correctement, à bon compte, avec une confidentialité garantie.

Les RH devraient aussi proposer des formations pour apprendre aux cadres à optimiser le niveau d’engagement de leurs équipes. Elles pourraient accompagner les cadres qui veulent monter en puissance avec des dispositifs de mentoring, de coaching ou encore de diagnostic. Les RH pourraient enfin adapter certaines conditions cadres qui favorisent la maximisation du niveau d’engagement.

(1) Pour éviter l’écriture épicène difficilement lisible et par souci d’équité, l’emploi du féminin dans le texte à mi-parcours est délibéré. Ce parti-pris fait partie des multiples remises en question et changements de postures mentales suggérés par l’enseignement du Leadership équitable et bienveillant à l’Université de Genève.

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Dr. Raphaël H. Cohen est chef d’entreprise, Academic Fellow et Directeur du DAS in Entrepreneurial Leadership de l’Université de Genève. Contact: raphael.cohen@UNIGE.ch

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