Jeunes

«Écouter le terrain, c'est agir avant que l'organisation ne se fragilise»

Alors que les enjeux de santé mentale convergent dans les écoles comme dans les entreprises, la nécessité d'une réponse stratégique des directions et RH devient incontournable. L'analyse de Frédérique Rebetez, directrice d'établissement scolaire et experte en accompagnement organisationnel. 

Une enquête réalisée par l’OFS en 2022 démontre que la proportion de personnes ressentant du stress au travail a augmenté de 18% à 23% entre 2012 et 2022, ce qui a un impact direct sur le risque de burnout. Cette statistique met en exergue une réalité au sein des organisations, pour laquelle les RH doivent réfléchir à des mesures. Souvent abordé sous l’angle de l’entreprise, ce sujet touche également d’autres secteurs, tels que l’éducation. 

Directrice de l’établissement scolaire primaire et secondaire d’Aigle, Frédérique Rebetez a travaillé dans l’accompagnement des organisations et la formation d’adultes, intervenant auprès de managers et d’équipes en situation de crise ou de transition, ce qui lui permet d’apporter un regard croisé sur ces deux secteurs et d’éclairer leurs complémentarités. 

Quels sont les principaux facteurs qui affectent la santé mentale des enseignants et en quoi ces défis sont-ils comparables à ceux du monde de l’entreprise?

Frédérique Rebetez: Le métier de l’enseignement doit, en reflet à la société actuelle, relever de nombreux défis qui fragilisent la santé de notre personnel. Parmi ceux-ci, la diversité dans les classes s’impose comme un enjeu majeur pour le secteur de l’éducation. En effet, entre les élèves ayant des dyscalculies, dyslexies, dysorthographies, les élèves atteints d’un trouble du spectre autistique, les élèves porteurs d’un TDAH, ceux qui ont des problèmes de comportement, les élèves issus de la migration, allophones et ayant des parcours migratoires traumatisants, ou les élèves ayant une santé mentale fragile, enseigner et tenter d’atteindre les objectifs du PER (plan d’études romand) revient à la quadrature du cercle et épuise le corps enseignant. L’augmentation des incivilités ou du harcèlement est également source de pénibilité au travail. La question de l’inclusion ou du harcèlement, bien évidemment présente dans les entreprises, n’est pas forcément source d’épuisement dans toutes les organisations du travail. Ce n’est pas tant les sources affectant la santé mentale qui sont comparables entre le monde de l’entreprise et celui de l’école, mais l’importance accordée à prévenir sa fragilisation. 

Quelles initiatives concrètes avez-vous mises en place ou observées dans l’éducation pour soutenir le bien-être des équipes pédagogiques?

Les mesures mises en place visent à agir sur deux niveaux. D’une part, celles qui soutiennent les enseignant·es face à des situations d’élèves complexes, de manière à ce qu’ils ou elles ne se sentent pas seul·es: l’équipe pluriprofessionnelle (direction, psychologue, infirmière, éducateur) qui traite des situations d’élèves préoccupants, la consultation collaborative par l’équipe des psychologues, psychomotriciens, logopédistes ou des éducateurs sociaux scolaires, ou encore notre dispositif de coaching interne. D’autre part, nous pouvons agir auprès des élèves par des actions de prévention. Par exemple, nous avons mis en place un projet d’établissement visant à développer les compétences psychosociales des élèves. Ainsi, nous espérons qu’en permet- tant aux élèves d’apprendre à gérer leurs émotions, cela réduira les incivilités ou autres comportements irrespectueux. 

Existe-t-il des pratiques inspirées du monde de l’entreprise qui pourraient être bénéfiques dans le secteur éducatif?

La présence de coachs internes, depuis une quinzaine d’années dans les établissements scolaires, est une pratique inspirée du monde de l’entreprise. 

Comment les directeurs d’établissement peuvent-ils jouer un rôle de soutien efficace pour leurs équipes face aux enjeux de santé mentale, et en quoi cela rejoint-il les responsabilités des managers en entreprise? 

En tant que directrice, mon rôle est de soutenir les enseignant·es dans leur travail, en analysant les facteurs de risque, en mettant en place des dispositifs visant à les prévenir ou à agir, en écoutant et en prenant au sérieux les problématiques qu’ils et elles rencontrent, afin de tenter de trouver des solutions. Je suis convaincue qu’écouter le terrain, c’est agir avant que l’organisation ne se fragilise, une posture qui relève selon moi de compétences managériales que l’on retrouve dans toutes les organisations. 

commenter 0 commentaires HR Cosmos

Marine Rebetez est étudiante au sein du programme Team Academy (bachelor en économie d’entreprise) de la HES-SO Valais. Unique en Suisse, ce cursus est basé sur l’apprentissage par la pratique et par l’action. N’hésitez pas à la contacter sur LinkedIn. Ce texte a été relu par ChatGPT.

Plus d'articles de Marine Rebetez

Cela peut vous intéresser