Eclairage

Franc fort: des sociétés tessinoises n'hésitent pas à baisser les salaires

Dans le sud du Tessin, une douzaine d'entreprises ont décidé de baisser les salaires ou de les verser en euros pour contrer le franc fort, d'après des informations des syndicats. La société de transport Della Santa a, par exemple, alerté par SMS ses collaborateurs de son intention de les payer en devise européenne.

Bellinzone (ats) Ces adaptations salariales vers le bas et les versements en euros mettent en danger le niveau des salaires, avertissent les syndicats. Ils constituent une menace pour la consommation intérieure et un premier pas vers la crise économique, souligne Mathias Regotz, vice-président de Syna.

L'organisation syndicale ne s'oppose pas fondamentalement à des diminutions salariales. Mais elle insiste sur la transparence. Les représentants des employés doivent être informés. Ils doivent savoir si les baisses de revenus servent à garantir des postes ou si elles viennent soutenir les marges. De telles mesures nécessitent, en outre, un contrôle et doivent être limitées, estime le syndicat.

Absence de convention collective

Les régions frontalières sont tout particulièrement touchées par cette problématique. Le syndicat tessinois Organisation chrétienne-sociale tessinoise (Organizzazione Cristiano-Sociale Ticinese, OCST), a constaté que suite à l’abolition du taux plancher, entre 10 et 15% des employeurs du canton ont pris immédiatement des mesures pour baisser les salaires.

Il s'agit de firmes qui ne sont soumises à aucune convention collective de travail. Les employés touchés n'ont pas, ou très peu, pris part aux discussions à ce sujet, déplore Mathias Regotz. Le syndicaliste cite le cas d'une entreprise qui a abaissé rétroactivement les salaires à partir du premier janvier.

Suisses et frontaliers touchés

Il s'agit du groupe italien Fabbri, qui possède au Tessin un centre de production. Suite à la décision de la Banque nationale suisse (BNS) d'abolir le cours plancher, la firme active dans les machines de conditionnement alimentaire a réduit de 15% les revenus mensuels des travailleurs frontaliers et de 5% ceux des employés indigènes.

Ces modifications des contrats de travail ont été faites sur une base individuelle. Les représentants du personnel n'ont pas été informés. Ces changements sont valables pour une durée de six mois.

L'entreprise n'a pas pu recourir à des réductions horaires pour contrer le franc fort, car son carnet de commandes est plein, précise l'OCST. Le groupe, qui compte environ 500 salariés en Italie et en Suisse, n'a pas voulu s'exprimer sur le sujet à la demande de l'ats jeudi.

Fabbri est l'exemple parfait de l'application de l'article de crise ancré dans la convention collective de l'industrie des machines, indique Mathias Regotz. Cet article, tout comme l'introduction du chômage partiel, permet dans certains cas de sauvegarder l'emploi. Mais il prévoit des droits pour les employés, dont celui de prendre part aux discussions.

Pas interdit, méthode discutable

Della Santa, sis à Landquart (GR), a en revanche agi dans l'illégalité et de façon incompréhensible, dénoncent les syndicats. La firme a demandé à ses collaborateurs de lui fournir un numéro IBAN d'un compte en euros sur lequel serait désormais versé le salaire. Elle a informé ses salariés par SMS, comme les syndicats peuvent en attester.

Créé en 1978, la société de transport routier emploie près de 100 personnes, dont de nombreux frontaliers italiens.

"Etant donné que les salariés en provenance d'Italie obtiennent une hausse de 20% à salaire égale avec les Suisses, nous avons décidé d'établir de nouveaux contrats de travail avec un taux de change de 1,22 franc pour un euro", explique le directeur et propriétaire de la société, Romano Della Santa. Les employés profitent, en outre, des allocations familiales, qui leur sont versées en francs.

Près de la moitié du chiffre d'affaires de Della Santa s'effectue en euros. Le cours du change actuel constitue une menace pour la société, précise le directeur. Des suppressions de postes sont à craindre.

Verser les salaires en monnaie étrangère n'est pas illégal, selon une décision du tribunal tessinois rendue l'été passé. Mais la justice souligne que la convention de libre circulation ne permet pas de traiter un employé frontalier autrement qu'un salarié résident. Et cela vaut aussi pour la rémunération.

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