Santé

La politique du PIR

Le must, pour préparer le retour au travail d’un collaborateur malade ou accidenté, s’appelle PIR. Cet outil permet d’obtenir des données utiles pour l’employeur, sans trahir le secret médical.

PIR. Ces trois lettres sont utilisées dans le secteur de la construction pour désigner un matériau isolant rigide ou une palette individuelle roulante. Mais pour les RH, il s’agit de tout autre chose. Le PIR est un formulaire qui sert à établir un «profil d’intégration professionnelle axé sur les ressources».  En résumé, ce questionnaire permet de déterminer comment et dans quelle mesure un travailleur malade ou accidenté peut réintégrer l’entreprise.

Juridiquement, il incombe au médecin traitant de fournir un certificat pour confirmer le lien entre la diminution (ou la perte) de la capacité de travail et le problème de santé.  Il est parfois difficile d’établir cette corrélation (tableau clinique imprécis, présence de comorbidités, maladies chroniques…). Le plus souvent, l’incapacité de travail estimée se situe soit à 0%, soit à 100%. On peut par conséquent supposer qu’une quantité de nuances ne sont pas suffisamment reconnues. De plus, l’évaluation laisse l’employeur dans l’incertitude quant à l’évolution la plus probable de l’état de santé de l’intéressé. D’où l’utilité du PIR.

Une procédure simple

Tout d’abord, l’employeur remplit la partie du formulaire consacrée aux exigences du poste occupé par la personne concernée. Celle-ci se rend ensuite chez son médecin pour une évaluation de sa capacité de travail résiduelle. Une fois complété, le document retourne chez l’employeur et peur servir de base de discussion pour examiner les possibilités de réintégration. Les informations transmises à l’employeur concernent donc exclusivement l’employabilité. D’un intérêt indiscutable, cet outil souffre apparemment d’un manque de notoriété, car il est encore peu utilisé. Il convient de souligner que le succès de son application dépend de la qualité de la relation entre l’employé, l’employeur et le médecin traitant.

Or, chaque année, des milliers de personnes quittent le monde du travail suite à un accident ou à une maladie. Les conséquences financières sont lourdes. L’assurance invalidité affiche une dette de 10 milliards de francs et une perte d'exploitation atteignant plusieurs centaines de millions. Le think tank Avenir Suisse estime à 24 milliards de francs par an le coût total de la prise en charge des personnes handicapées (soins, réadaptation et rentes).

Téléchargeable sur internet, le PIR a été développé en 2017 par le portail de conseils aux employeurs Compasso, en collaboration l'Office fédéral des assurances sociales, l'Union patronale suisse, la Fédération des médecins suisses, la Société suisse de psychiatrie et de psychothérapie, l’Académie suisse de médecine psychosomatique et psychosociale, l’Association suisse des assureurs et la Swiss Insurance Medicine.

Un exemple de cas

Monsieur X. est un ouvrier d’entrepôt de 52 ans, employé à plein temps depuis 20 ans. Souffrant de douleurs lombaires qui lui ont valu de courtes absences dans le passé, il fait une rechute et retourne chez son médecin qui diagnostique des changements dégénératifs non spécifiques dans le bas de la colonne vertébrale. Il s’est rendu chez son médecin avec un PIR rempli par son employeur qui veut le garder.

D’après ce formulaire, le travail de Monsieur X. comporte la manutention de matériaux en position debout ou en marchant, la saisie de données en position debout, ainsi que la conduite de chariots élévateurs. Il déplace régulièrement des charges de 15 kg et manipule par moments des caisses dans un mouvement de torsion. Il est partiellement en contact avec des clients et doit parfois exécuter des commandes très rapidement.

Le médecin complète le PIR en une dizaine de minutes. Il atteste une capacité de travail de 0% à ce moment précis, avec une présence possible de quatre heures à performance réduite sur deux semaines (capacité de travail de 25%), puis de six heures pendant deux semaines (capacité de travail de 37,5%) et enfin une reprise de l’activité habituelle, à condition que le patient se rétablisse normalement. À l’expiration de l’attestation, Monsieur X était présent dans l’entreprise à plein temps, mais faisait encore de fréquentes pauses s’il devait déplacer des caisses à une cadence soutenue. Une capacité de travail de 70% a été convenue pour trois semaines supplémentaires, suivie d’un retour au travail à temps plein.

«Le PIR est un outil prometteur»

Trois questions à Frédéric Bracher, membre du Comité directeur de Compasso et COO Human Resources Swisscom.

L’efficacité du PIR est-elle déjà confirmée par l’expérience pratique?
Le PIR est définitivement un outil prometteur pour éviter les incapacités totales de travail sur une longue période et favoriser le retour partiel au travail quand c’est possible. Actuellement, 80% des certificats médicaux déclarent la personne apte ou inapte soit à 0%, soit à 100%. Il encourage également la communication entre l’employeur, l’employé et le médecin. Pour l’instant, ce sont surtout de grandes entreprises qui l’utilisent. Cet outil n'est pas suffisamment connu par les RH et les directions des PME, en particulier en Suisse romande par rapport à la Suisse alémanique.

Sur une échelle de 0 à 10, quel est votre niveau d’espoir que cet outil va être adopté et se populariser?
La réponse à cette question dépend en bonne partie de l’attitude des employeurs, car l'expérience pratique montre que la pertinence du PIR est meilleure lorsque son utilisation est déclenchée par l'employeur, plutôt que par un autre acteur du système. L’enjeu consiste donc à augmenter la connaissance de cet outil en diffusant des informations utiles. Si les employeurs connaissaient davantage le PIR et sa facilité d’utilisation, ils le mettraient davantage en pratique et feraient des expériences positives. Compasso va travailler d'arrache-pied en ce sens. Lorsque j'en parle, je constate que tous les acteurs concernés souhaitent la même chose: le retour aussi rapide que possible au travail - même à temps partiel - dans les meilleures conditions possibles. Le PIR favorise le dialogue en vue d'une solution "satisfait-satisfait".

Quel conseil donneriez-vous aux RH pour les aider à favoriser l’application de cet outil?
Ce serait d'essayer l’instrument avec quelques cas de collaborateurs en incapacité totale de travail depuis quelques semaines. Maintenant, si l'incapacité de travail est due à un conflit, le PIR n'est probablement pas l'instrument adéquat, puisque la résolution du conflit est le prérequis au retour au travail. Le PIR n'est pas la recette miracle et les RH doivent être en mesure d'évaluer, en dialoguant avec le collaborateur, si l'outil fait sens dans son cas. Le retour sur investissement est rapidement atteint, même si, sur deux ou trois PIR, une seule personne peut reprendre le travail plus rapidement.

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Typographe de premier métier, Francesca Sacco a publié son premier article à l’âge de 16 ans pour consacrer toute sa vie au journalisme. Elle obtient son titre professionnel en 1992, après une formation à l’Agence télégraphique suisse, à Berne. Depuis, elle travaille en indépendante pour une dizaine de journaux en Suisse, en France et en Belgique, avec une prédilection pour l’enquête.

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