Collaboration homme + machine

Le destin des humains et des machines est désormais lié

Là où les nouvelles technologies sont les plus utilisées se retrouvent aussi la prospérité
économique et les créations d’emplois. Dans ce nouvel environnement, les humains devront
entretenir une nouvelle alliance avec les machines. Explications.

Dans l’histoire, les révolutions industrielles se sont succédées avec à chaque fois des constantes: un essor de la mécanisation, puis de l’automatisation, l’augmentation des gains de productivité, l’inflation des qualifications demandées, la crainte de la disparition d’emplois au profit des machines. Avec la quatrième révolution industrielle, ces peurs sont encore fortement exacerbées, car jamais les machines, sous la forme de robots, mais aussi de l’intelligence artificielle, du Big Data, d’Internet ou de la réalité virtuelle n’ont été aussi perfectionnées, capables de traiter dans un temps record des milliers de données, d’assurer des tâches jusqu’ici dévolues à du personnel qualifié, que ce soit dans l’industrie, les services, la santé, l’éducation ou l’agriculture.

Là où les nouvelles technologies sont les plus utilisées se retrouvent aussi la prospérité économique et les créations d’emplois. Dans ce contexte, il est peut-être utile d’affirmer que les humains et les machines ont désormais un destin lié. Il n’existera pas de machines sans les humains, et l’efficacité de l’activité humaine sera de plus en plus dépendante des nouvelles technologies. Pour bien saisir cet enjeu, il faut commencer par rappeler précisément d’où viennent les machines.

Derrière les machines, la signature humaine

Quand les médias et les experts évoquent les nouvelles technologies et leur haut niveau de performance, ils présentent toujours les choses comme si les nouvelles technologies étaient réalisées par elles-mêmes sans intervention humaine. Lorsque l’on parle par exemple des prouesses des robots, on insiste sur leurs capacités à apprendre tout seul, sur leur autonomie, sur la précision de leurs gestes. Pourtant chaque fois que l’on vante les performances des nouvelles technologies il faudrait louer les efforts techniques de ceux qui les réalisent, de ceux qui les font fonctionner.

L’ère de la quatrième révolution industrielle est marquée par une valorisation de la performance des machines et non plus de ceux qui les fabriquent, les maintiennent, les encadrent. C’est une tendance forte, qu’il faut à chaque fois souligner. En réalité, lorsque l’on étudie les nouveaux métiers, on constate très bien que derrière les nouvelles technologies, il y a profusion de nouvelles activités humaines et une transformation de celles existantes, comme nous avons déjà eu l’occasion de le montrer.

Une nouvelle alliance au sein de l'entreprise

De même que le rôle des humains est occulté face aux performances des machines, de même les entreprises et le rôle que les salariés y jouent perdent de leur visibilité pouvant donner l’impression parfois que les entreprises – surtout dans le domaine industriel, mais pas seulement – ne fonctionnent bientôt plus que par des machines envahissantes, omniprésentes et exemptes de personnels.

Dans L’industrie 4.0, The Shapers, Xavier Comtesse montre sur la base d’exemples comment dans les entreprises les processus de gestion se caractérisent désormais par des systèmes de traitement de données, par une gestion analytique qui s’appuie sur des algorithmes, par une logistique dans le service client. Mais tout ceci, contrairement à ce que l’on pourrait penser, implique beaucoup de moyens, en termes de ressources humaines.

Ainsi, dans l’usine de demain, l’alliance entre l’homme et la machine aboutira à ce que l’ouvrier n’assumera plus la production d’un produit, mais qu’il restera en charge de la machine qui façonnera le produit comme le font de manière étonnante les imprimantes trois D. Les humains seront toujours présents mais leur rôle va changer et ils devront entretenir une nouvelle alliance avec les machines.

Un espace de collaboration 

C’est ce que mettent en évidence Paul Daugherty et James Wilson dans leur bestseller Human + Machine. Ils expliquent comment, au-delà de la simple automatisation des tâches, les nouvelles technologies sont en train de modifier profondément les processus de travail. C’est le défi des entreprises aujourd’hui: faire progresser ensemble l’homme et les machines. Les facteurs essentiels du succès de cet espace d’intelligence collaborative résident dans trois éléments.

D’une part dans la recherche de nouveaux processus de travail qui vont bien au-delà d’une simple automatisation des tâches; d’autre part dans la maîtrise par l’entreprise de ses données; enfin dans l’adaptation des compétences des employés, qui est l’une des clés de la réussite. Ceci passe en particulier par une compétence des collaborateurs à optimiser leur créativité et leur jugement. Cet espace homme-machine passe par des intervenants humains qui vont devoir être capables d’agir rapidement sur les opportunités qu’offrent les machines, en termes de réduction des coûts, d’alerte, de maintenance. Pour ce faire, les humains devront en permanence se former et actualiser leurs compétences.

Se former tout au long de la journée

En effet, cette alliance entre les humains et les machines, si elle veut se renforcer, va demander de la part du partenaire humain une adaptation constante. Dans les années 80, la durée moyenne de vie d’une compétence technique était de trente ans. Elle est aujourd’hui de 12 à 18 mois, et même de 6 à 12 mois dans le secteur informatique. Cette obsolescence des compétences va faire naître un nouveau concept en matière de formation: celui de la formation tout au long de la journée.

Il faut entendre par là que l’apprentissage va devenir un acte permanent. Avec la place des nouvelles technologies et la nécessité de s’adapter en permanence, la capacité pour les personnes d’acquérir un nouveau savoir aura plus de valeur que le savoir déjà acquis. C’est le passage de l’éducation des stocks à celui des flux qui va marquer désormais la relation entre l’humain et la machine. C’est l’ère des mises à jour.

Pour l’entreprise et sa gestion des ressources humaines, l’enjeu est considérable, car il s’agit ni plus ni moins de ne plus pouvoir séparer l’acte de travailler de celui d’apprendre. Les outils à disposition vont être nombreux pour faciliter cette adaptation: les MOOCS , les réseaux sociaux, les tutoriels, le Peer Learning, le Reverse mentoring, les Serious Games, les Fablabs pour n’en citer que quelques-uns. Pour les individus, la clé de l’employabilité devient le plaisir et la capacité d’apprendre, qui apporteront toutes les garanties pour que l’entreprise puisse continuer à se développer et que l’alliance humain-machine apporte toute son efficacité.

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Ancien directeur général de l’Office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue du Canton de Genève, Grégoire Evéquoz est consultant en prospective professionnelle. Il est aussi Président de la fondation FocusTech.

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