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Le segment de la relocation gagne des parts de marché en Suisse romande

Dans les cinq ans à venir, quelque 153 nouvelles sociétés, soit au total plus de deux mille emplois créés, vont venir s’établir en Suisse romande. Une aubaine pour le segment de la relocation. D’autant que les sociétés étrangères qui viennent s’établir en Romandie investissent lourdement dans ces services. Etat des lieux d’un marché en plein boom. 

 

Dans le marasme économique qui pointe son nez, certains secteurs semblent pourtant épargnés pas la crise. Parmi ceux-ci, le marché de la relocation. A première vue, cela constitue un étrange paradoxe. Alors que ces derniers mois, les promotions économiques de Suisse romande ont tour à tour dévoilé leurs chiffres, et notamment le nombre d’implantations de sociétés étrangères sur cette partie du territoire helvétique, les socié- tés de relocation, mandatées pour faciliter l’implantation de ces entreprises, se portent, elles, à merveille. A Genève, le service de promotion économique du canton du bout du lac a annoncé que la création de nouveaux emplois a été moins élevée en 2007 (821) qu’en 2006 (1340). Sur ces 821 postes créés, 570 sont des postes dus à l’implantation de sociétés étrangères (15). «La Suisse romande reste très attractive pour l’implantation de sociétés étrangères», a notamment expliqué Pierre-François Unger, conseiller d’Etat genevois en charge de l’économie et de la santé. Faisant écho à ses propos, le Development Economic Western Switzerland (DEWS), qui regroupe les cantons de Vaud, Valais, Neuchâtel et Jura, a expliqué que près de 153 sociétés étrangères se sont implantées dans ces cantons en 2007. 68 de ces installations – soit près d’une sur deux – proviennent directement du réseau établi par le DEWS (+ 33 pour cent par rapport à 2006), soit le meilleur exercice réalisé par cette association co-financée par les quatre cantons.

Plus de 2000 emplois créés dans les cinq ans à venir en Suisse romande

Toute promotion confondue, ces quelque cent cinquante-trois nouvelles implantations représentent au total plus de deux mille emplois créés dans les cinq ans à venir. Quant au can- ton de Fribourg, il n’est pas en reste. La Promotion économique fribourgeoise (PEF) a annoncé avoir contribué à l’implantation, ou à l’extension, de 39 sociétés (45 en 2006), dont 22 étrangères. Un tableau en demi-teinte donc. Mais en quoi consiste donc le travail d’une entreprise de relocation? Trouver un appartement et une école à l’éventuelle progéniture d’expatriés? «C’est l’image la plus répandue sur notre profession, sourit Sabine Baerlocher, directrice de la société active relocation et présidente de l’association Sara (Swiss association of relocation agents) qui fédère les entreprises de relocation. «Or, ces deux aspects ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Si trouver un appartement ou une maison est un aspect évidemment important, une multinationale n’engage pas une société de relocation pour faire visiter des logements. Avant même l’arrivée de l’expatrié, tout un travail en amont est mené par les entreprises de relocation, les questions administratives notamment, raconte Sabine Baerlocher.

Le défi est d’autant plus grand lorsque vous changez de pays

«Chez moi, tous mes collaborateurs ont un passé d’expatrié. Cela permet d’appréhender et de devancer au mieux les questions ou les embûches qui peuvent survenir à un expatrié lors d’un déménagement. D’ailleurs, on considère que pour un être humain, les situations les plus difficiles sont le décès d’un proche, un divorce et un déménagement. Pourquoi je vous donne cet élément de psychologie? Pour démontrer qu’une relocation ne se limite pas aux deux clichés évoqués précédemment. Pour toute personne, déménager est un choc et un défi, d’autant plus grand lorsque vous changez de pays, de culture, de langue.» Et c’est là que se situe la plus value des bonnes entreprises de relocation: offrir un service qui peut aller du plus simple à la prestation la plus complète. Comme la mise en place d’une hotline 24/24h, une forme de conciergerie de luxe, à laquelle l’expatrié peut s’adresser. Un service qui a évidemment un coût.» En Suisse romande, les entreprises de relocation sont légion. Rien qu’à Genève, on en dénombre une bonne trentaine. Toutes ne sont pourtant pas sur le même pied d’égalité ni de même compétence. Si les leaders mondiaux se taillent la part du lion, les sociétés à grandeur humaine ne sont pas en reste. Et ce sont souvent elles qui sont en pleine expansion. Leur avantage: offrir du sur mesure. Alors que les plus gros, considérés comme des «fast-food» de la relocation, mettent en avant le réseau mondial. David contre Goliath? «L’avantage des plus petites structures, c’est ce retour à la régionalisation, explique Sabine Baerlocher. Une très grosse structure n’aura pas la même connaissance fine du terrain.» Il est donc fréquent que des leaders mondiaux sous-traitent leur mandat aux sociétés locales. Avec plus ou moins de réussite. Certaines sociétés romandes ont même carrément renoncé à accepter ce type de mandat, où il n’est pas rare d’être payé à 180 jours. Impossible pour une PME de fonctionner. Si des sociétés étrangères s’installent en Suisse, c’est bien évidemment le plus souvent pour bénéficier d’avantages fiscaux. La plupart de ces entreprises ne lésinent pourtant pas à financer un «bon» déménagement. Les économies que ces sociétés réalisent fiscalement en s’installant en Suisse permettent de financer les relocations. Il se murmure qu’une entreprise internationale récemment implantée en Romandie aurait économisé 80 millions en impôts en venant en Suisse. Elle aurait déboursé une somme légèrement inférieure pour soigner l’intégration de son personnel. «C’est possible, estime Sabine Baerlocher. Les sociétés sont prêtes à mettre le prix car un cadre qui ne s’intègre pas – ou sa famille – et qui repart de Suisse, coûte extrêmement cher à sa société.» Un déménagement peut facilement coûter entre 300 000 et 500 000 francs pour une famille de quatre personnes. Tout compris. Pour des tops managers, la somme peut même frôler le million. Mais ce ne sont pas les honoraires des sociétés de relocation qui amènent à ces prix faramineux. «Je suis persuadée que si l’on choisit ce métier, c’est plus pour l’aspect enrichissant du contact humain que par appât du gain. Honnêtement, on gagne sa vie, mais on ne fait pas fortune dans la relocation.»

La relocation pâtit d’une mauvaise image auprès de la population

Au travers des entreprises qui viennent s’installer en Suisse romande, la relocation pâtit d’une mauvaise image auprès d’une partie de la population. «Pour certains, ces multinationales qui viennent s’installer ici acroissent la pénurie de logements, explique Anne-Claude Lambelet, responsable de la société «Anne-Claude Lambelet consulting». Ce n’est à mon sens pas tout à fait vrai. Et un mauvais procès. Genève manque cruellement de logements, nous le constatons tous les jours. Aux pouvoirs publics de faire en sorte qu’il s’en construise.» L’apport des expatriés serait même supérieur aux inconvénients. «Pour chaque poste créé par une société qui s’implante dans notre région, deux ou trois sont également créés pour des gens de la région. Sans oublier la création de richesse engendrée sur notre territoire par ces sociétés.» Les sociétés de relocation ne sont d’ailleurs pas les seules à tirer bénéfice de la venue de sociétés étrangères en Suisse. Toute une kyrielle d’autres entreprises bénéficient directement ou indirectement de l’arrivée d’expatriés. Courtiers en assurance, banques, plombiers, électriciens, avocats, magasins d’ameublement, designers, etc. sont régulièrement sollicités. Parmi elles, les écoles de langues. Comme Supercomm, qui a su intelligemment se profiler sur le segment des expatriés. Son créneau? Les cours de langue bien sûr, mais avec une formule «moitié-moitié». «Une partie se déroule en classe et une autre dehors, en situation de vie de tout les jours, explique Cyrille Pinget directeur commercial de Supercomm. Nos participants sont le plus souvent des conjointes ou conjoints d’expatriés qui veulent une intégration rapide, et c’est tout à leur honneur.» Profil de ce cours particulier? «Par groupe de 6 à 10 personnes, nous proposons des visites in situ: découvrir le vin chez un vigneron, déguster du chocolat chez un artisan. Et croyez-moi, ça plaît.» A tel point, que l’école Supercomm de Lausanne va également proposer ce cours à la rentrée prochaine. Pour l’avenir, les défis de la relocation sont multiples. Et notamment un travail accru avec les promotions économiques. Les acteurs de relocation souhaiteraient que les services de la promotion économique s’investissent encore plus activement dans la pérennisation des sociétés étrangères installées sur le sol suisse. «Je tiens à souligner que les promotions économiques font extrêmement bien leur travail, explique Anne-Claude Lambelet. Nous travaillons main dans la main et cette collaboration est essentielle. Mais leur travail est aujourd’hui de faire venir des entreprises. A nous tous de faire en sorte qu’elles se sentent bien chez nous et qu’elles y restent.» Mais où se situe donc le fameux paradoxe évoqué en préambule? Celui qui veut que les sociétés de relocation soient en pleine croissance, alors que moins d’entreprises étrangères s’installent en Suisse romande. «L’explication est simple, raconte Anne-Claude Lambelet. On a tendance à oublier que le flux d’arrivants est constant. Si on prend l’exemple d’une grande société qui a fait venir 1000 employés à Genève, des gens partent d’autres arrivent de manière très régulière et il n’est pas rare qu’un cadre qui est venu de Londres pour travailler à Lausanne reparte quelques années plus tard pour Singapour.»

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