Droit et travail

Les embûches soulevées par le télétravail

Comment le droit du travail régit le télétravail en Suisse? Tour de plusieurs points sensibles: horaires, enregistrement du temps de travail, protection de la santé, frais et confidentialité.

En temps normal, la mise en place du télétravail dépend du bon vouloir de l’employeur. Dans le cadre de la crise du COVID-19, le télétravail a été fortement recommandé par les autorités dans le but de ralentir la propagation de la maladie. Depuis le 18 janvier 2021 jusqu’au 31 mars 2021, il a été rendu obligatoire pour autant que la nature de l’activité le permette et que cela soit possible, sans efforts disproportionnés.

Horaires de travail

Il arrive que l’employé se laisse aller à des horaires décousus et à rallonge quand il télétravaille. Il prend parfois une pause de midi disproportionnée ou en profite pour aller chercher ses enfants à l’école.

L’employé doit respecter les horaires de travail fixés par l’employeur et les temps de repos et de pauses obligatoires prévus par la Loi sur le travail. Le travail le dimanche ou la nuit reste interdit, sauf autorisation des autorités cantonales compétentes.

Le collaborateur doit être disponible durant les heures de bureau, pour effectuer son travail, appeler des clients ou d’autres collaborateurs.

La durée maximale de la semaine de travail est de 45 heures, sauf heures supplémentaires exigées par l’employeur. Le travail doit s’inscrire dans un intervalle maximum de 14 heures, pauses incluses.

Le temps de repos quotidien est de 11 heures entre chaque journée de travail. Le travail est interrompu par des pauses d’au moins 15 minutes si la journée dure plus de 5 heures et demie, 30 minutes si elle dure plus de 7 heures et une heure si elle dure plus de 9 heures.

Il est ainsi interdit pour un employé de travailler tard le soir, le dimanche ou de ne pas prendre de pauses pour rattraper le temps libre qu’il s’est accordé durant les heures de travail.

Enregistrement du temps de travail

Afin de s’assurer que le collaborateur respecte les temps de repos et les pauses, l’employeur reste tenu d’enregistrer son temps de travail.

L’employé pourra enregistrer son temps de travail par le biais d’une connexion à distance au système d’enregistrement du temps de travail de l’entreprise. À défaut, il est soumis à l’enregistrement systématique de ses heures de travail et devra tenir un décompte de ses heures de travail effectives, temps de repos et pauses égales ou supérieures à 30 minutes.

Risques de burnout

Le télétravail n’est pas sans risques pour la santé psychique des employés. Loin des collègues et supérieurs, les collaborateurs peuvent rapidement se sentir isolés. L’absence d’instructions et le bouleversement de l’organisation du travail induisent souvent une perte de repères pour l’employé.

Noyé sous les dossiers avec des enfants à gérer, le collaborateur peut se retrouver surmené. Dans les cas graves, il peut avoir le sentiment d’être épuisé et incapable de faire face à ses obligations professionnelles. Il entre alors dans la spirale du burnout.

Conformément aux articles 328 CO, 6 LTr et 82 LAA, l’employeur est tenu de prendre toutes les mesures pour atténuer les risques de burnout. Cette obligation vaut également pour le télétravail, même si ces mesures peuvent être plus difficiles à cerner et à mettre en place.

L’organisation de réunions virtuelles, des contacts téléphoniques et des instructions claires peuvent contribuer à lutter contre le burnout. L’employeur doit impérativement s’assurer que ses collaborateurs respectent les temps de repos et de pause et qu’ils ne travaillent pas la nuit ou le dimanche.

Ergonomie

Le télétravail n’est pas sans risque pour la santé physique du collaborateur. En effet, l’employé ne bénéficie pas toujours d’une chaise de bureau adéquate qui ménage son dos ou d’une pièce qui réponde aux normes de sécurité et d’hygiène fixées par l’Ordonnance 3 relative à la loi sur le travail.

L’employeur doit veiller à ce que les postes de travail soient ergonomiques et ne portent pas atteinte à la santé de l’employé. Cette obligation de veiller à la santé du collaborateur ne cesse pas en télétravail. L’employeur doit s’assurer qu’il dispose du matériel et du mobilier adéquats pour ne pas compromettre sa santé.

Frais forfaitaires

L’employeur doit rembourser à l’employé tous les frais liés à l’exécution du travail (art. 327a CO), notamment les frais de déplacement, de représentation et de repas d’affaires. Lorsque l’employé est amené à voyager régulièrement dans le cadre de son travail, il reçoit en règle générale une indemnité forfaitaire pour ses frais de déplacement ou de représentation. Dans la mesure où il travaille à domicile, le collaborateur ne subit plus ces frais et n’a pas le droit à cette indemnité forfaitaire.

Frais liés au télétravail

En principe, le remboursement des frais professionnels est identique, que l’employé travaille au sein de l’entreprise ou à son domicile. Il présente toutefois des spécificités dans le cadre du télétravail.

Lorsqu’il travaille à domicile, le collaborateur est amené à utiliser son ordinateur, sa connexion internet et consacrer une pièce de son logement au télétravail. Bien souvent, cela n’engendre pas de frais supplémentaires pour le collaborateur qui met simplement à disposition son matériel et sa connexion privés.

L’employeur ne doit rembourser que les frais supplémentaires engendrés par le télétravail, tels que les frais d’appels à l’étranger, de papier ou d’encre pour l’imprimante.

Conformément à la décision du Conseil fédéral du 13 janvier 2021, dans la mesure où le télétravail n’est une mesure que temporaire, l’employeur n’a aucune obligation de participer aux frais fixes que l’employé supporte habituellement, tels que les frais de loyer, d’abonnement internet ou de téléphone.

Confidentialité

Lors du télétravail, l’employé est amené à traiter des données de l’entreprise, de clients ou de fournisseurs à son domicile. Il existe un risque accru d’accès par des tiers non autorisés, de perte ou de vol des données.

L’employeur doit impérativement conclure une convention avec l’employé pour garantir la sécurité des données de l’entreprise. Elle devra prévoir que ces données seront gardées dans une pièce fermée à clé et les données informatiques sécurisées par un mot de passe.

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Marianne Favre Moreillon, spécialisée en droit du travail, est Directrice et Fondatrice du cabinet juridique DroitActif à Lausanne. 

Lien: www.droitactif.ch

 
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