Conseils pratiques

Les émotions: entre charge psychologique et épanouissement

Une faible latitude décisionnelle et une forte charge psychologique au travail auront un impact sur la santé. Des émotions positives permettent de réguler ces facteurs.

Nombreuses sont les études scientifiques qui ont démontré le lien entre le stress professionnel et la santé. Des liens entre l’état psychologique et la réponse physiologique de l’organisme ont été théoriquement élaborés et empiriquement validés (1).

Un facteur déterminant le niveau du stress a été dégagé: la relation entre la latitude décisionnelle (marge de manœuvre, étendue des compétences utilisées) et la charge psychologique du poste de travail (rythme, intensité, perturbations). Les personnes ayant une forte charge psychologique et une faible latitude décisionnelle se trouvent dans la catégorie des «stressés» risquant de tomber malades ou perturbées dans leur fonctionnement professionnel (2). Des centaines d’études l’ont confirmé.

Or tous les stressés ne tombent pas malades. Une forte charge psychologique n’est pas toujours ressentie comme une surcharge, et une faible latitude décisionnelle n’est pas forcément ressentie négativement.

Epanouissement professionnel

Dans ce contexte, le Professeur Klaus Scherer a émis l’hypothèse que les émotions jouent le rôle de médiateur entre les conditions de travail et l’épanouissement professionnel. Selon Scherer, l’épanouissement professionnel et le bien-être au travail seraient atteints lorsque la fréquence des émotions positives dépasse celle des émotions négatives c’est-à-dire un bilan émotionnel.

Nous nous sommes alors posé la question: Y aurait-il un lien entre le bilan émotionnel et la santé? Les émotions sont-elles alors le chaînon manquant? Comment le mesurer?

Notre étude «Karasek’s Demand / Control Model, Emotions and Health»(3) élaborée par la sous-signée en collaboration avec Pierre Jacot (CEP) répond à cette question. Elle a été réalisée en 2010 sur 1204 employés des secteurs public et parapublic vaudois.

Les résultats sont sans appel: le bilan émotionnel (la différence entre la somme des émotions positives – la somme des émotions négatives) joue le rôle du médiateur. Les analyses statistiques de médiation ont été réalisées en collaboration avec le Prof. Didier Grandjean (Université de Genève) et les résultats ont été présentés à la Conférence scientifique annuelle de la Société Américaine de Médecine Psychosomatique. Ils confirment que le bilan émotionnel est significativement lié à la santé et au bien-être psychologique.

Si l’aile verte du «papillon» est plus grande que l’autre, les conditions émotionnelles sont favorables à la santé, au bien-être psychologique et à l’épanouissement professionnel.

Pour promouvoir la santé et l’épanouissement professionnel, il serait donc utile et nécessaire d’agir en amont: évaluer le «bilan émotionnel» d’abord et élaborer des mesures adéquates en fonction des résultats. Ainsi chacun peut se rendre compte si son bilan émotionnel favorise ou pas sa santé et son bien-être au travail.

En effet, la santé psychique, (épuisement émotionnel), et le stress sont des axes prioritaires de la stratégie à long terme de Promotion Santé Suisse. Leur rapport «Indicateurs de la santé psychique et du stress dans la population active en Suisse»(4) indique que les entreprises suisses subissent des pertes de production d’environ cinq milliards – dues à l’absentéisme et au présentéisme.

 

(1) Marmot, Michael & Wilkinson, Richard. (2000). Eds. Social determinants of health, Oxford University Press,. Publication de l’OMS: Social deter- minants of health http://who.dk.healthy-cities/determ.htm

(2) Karasek, R.A. & Theorell, T. (1996). Healthy work: stress, productivity and the reconstruction of working life. New York: Basic Books

(3) Zei Pollermann B. (2010): Karasek’s Demand/Control model, emotions and Health. 68th ANNUAL SCIENTIFIC MEETING MARCH 10 – 13, 2010, Proceedings , page 108.

(4) Le rapport 2014 à 2016 «Indicateurs de la santé psychique et du stress dans la population active en Suisse»

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Branka Zei Pollermann est docteure en psychologie et directrice de Vox Institute à Genève.

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