L'intelligence artificielle au travail : entre risques et frustrations
Habitués à utiliser l’IA durant leurs études, les jeunes sont parfois surpris de voir ces pratiques interdites, voire strictement encadrées par les directives de leur premier employeur. Voici nos suggestions pour trouver des solutions communes.
Illustration: Steve Johnson / Unsplash
L’IA est de plus en plus présente dans les entreprises indépendamment de la volonté des cadres et même de certains employés. Or d’aucuns refusent son utilisation, par volonté, par ignorance du potentiel de l’IA ou par habitude. Le fait que des employés souvent plus âgés continuent de répéter des tâches chronographes et sans valeur ajoutée crée de la frustration chez les jeunes générations. De l’autre côté, l’utilisation sans consentement de l’IA peut entraîner un non-respect de certaines règles éthiques liées à la confidentialité et peut soumettre les entreprises à des risques de fuites de données. Face à une dualité de plus en plus marquée, il existe toutefois des pistes pour appréhender la transition vers l’utilisation maîtrisée et adaptée de l’intelligence artificielle...
Entre utopie académique et réalité professionnelle
Imaginez un jeune diplômé, enthousiaste et plein d’attentes, décrocher son premier emploi et s’envoler vers le début d’une longue carrière professionnelle. Quelle n’est pas sa surprise lorsque ses habitudes et ses réflexes d’utilisation de l’intelligence artificielle acquis au fil de ses années de formation se voient balayés et rendus caducs par les directives de son nouvel employeur. La réalité du travail face à l’utopie universitaire, pourraient rétorquer certains. Or il faut considérer l’intelligence artificielle non pas comme une sorcellerie nouvelle dont nous ignorons encore tous les tenants et aboutissants, mais plutôt comme un secrétaire personnel, adapté à réaliser des tâches fastidieuses à notre place. Imaginez plutôt un grand directeur ou un ambassadeur se voir privé de sa secrétaire lors d’un changement de poste. Sa frustration serait d’autant plus marquée, et pourtant facilement compréhensible par ses pairs et ses supérieurs. L’intelligence artificielle est encore récente et semble mal perçue par une grande partie du monde professionnel. La solution: une sensibilisation et des formations sur l’utilité et l’utilisation de l’IA.
Le phénomène du shadow AI
L’utilisation de l’IA en entreprise peut également jouer des tours. C’est ce qu’on appelle le shadow AI, une pratique très répandue dans les entreprises. Elle consiste à utiliser l’intelligence artificielle sans l’accord de son supérieur. Selon une étude du Boston Consulting Group (BCG) publiée en juin 2025, 53% des sondés disent utiliser l’IA sans l’accord de leur employeur. Face à des interdictions venant des supérieurs, le collaborateur se retrouve face à un dilemme: gagner du temps en déléguant des tâches répétitives à l’intelligence artificielle ou ne pas utiliser l’outil au risque de prendre plus de temps, ou pire, d’être moins performant que certains collègues qui, eux, pratiquent le shadow AI.
Le problème: son utilisation secrète et sans accord peut engendrer des risques et des zones de flous pour une entreprise. Les utilisateurs de l’IA ne sont que rarement sensibilisés au risque d’une utilisation imprudente qui peut engendrer des fuites de données et poser des problèmes quant à leur confidentialité. Pour pallier ce problème, il est du rôle de l’employeur d’éclaircir cette zone de flou en sensibilisant les employés aux risques, mais aussi en clarifiant les cas dans lesquels l’IA est autorisée. Une transparence entre l’employeur et l’employé est donc nécessaire pour éviter tout problème, tel celui de Samsung en 2023, lorsque des employés avaient accidentellement divulgué des informations confidentielles (code source, documents internes) en utilisant ChatGPT (Forbes).
Les problématiques liées à l’IA, tant du point de vue de l’employé que de l’employeur, semblent converger toutes deux vers une solution commune: la sensibilisation et le dialogue. La transition vers l’utilisation quotidienne de l’IA dans presque tous les secteurs du tertiaire est inévitable et il est donc impératif de l’appréhender le mieux possible afin d’éviter toute frustration ou danger pour les collaborateurs et les entreprises. Organiser des séminaires de formation sur l’IA, des discussions ouvertes entre collaborateurs et cadres, et finalement communiquer ouvertement sur les problématiques rencontrées au quotidien, n’est de loin pas un grand pas parmi les nombreux cours et formations continues déjà présentes en entreprise. En fin de compte, il s’agit d’avancer, pas à pas, vers un avenir qui nous semble inconnu, mais dont nous sommes les forgerons.
*Thibaud Jacquod et Luca Maglia sont Étudiants au sein du programme Team Academy (Bachelor en économie d’entreprise), unique en suisse, à la HES-SO Valais/Wallis. N’hésitez pas à contacter les auteurs sur LinkedIn.