Droit et travail

Paiement des jours fériés: le droit international prime

Les employés payés à l’heure ou à la journée peuvent prétendre au paiement du salaire des jours fériés bien que la loi sur le travail ne règle pas cette question. C’est du moins cette opinion qui ressort d’un nouveau commentaire de la loi sur le travail. L’auteur se prévaut de l’effet dérogatoire des conventions internationales.

Le paiement du salaire des jours fériés désignés tels par les cantons illustre l’influence du droit international sur la jurisprudence en Suisse. En l’espèce, il s’agit des jours fériés assimilés aux dimanches et pour lesquels vaut aussi l’interdiction de travailler le dimanche. Mis à part le 1er août, inscrit dans la Constitution fédérale, l’année peut compter au plus huit autres jours fériés, désignés tels par chaque canton. Cependant, la législation fédérale n’a prescrit aucune obligation de payer le salaire des jours fériés et les cantons ne peuvent pas non plus l’instituer (Loi sur le travail, art. 20a, commentaire n. 17). Mais l’obligation de payer le salaire découle presque uniquement des conventions collectives de travail. Lorsque la question n’a pas été réglée, les employés payés au mois sont payés aussi pour les jours fériés.

Dans la pratique, la question du paiement des huit jours fériés désignés par les cantons ne concerne donc que des employés payés à l’heure, à la journée ou en régie. Dans ce domaine il n’existe pas de prescriptions fédérales relatives au paiement du salaire de sorte que le droit international s’applique. En l’espèce, c’est le traité international sur les droits économiques, sociaux et culturels (traité ONU I) : il est en vigueur en Suisse depuis 1992. Le Tribunal fédéral a déclaré que les dispositions de ce traité avaient une portée programmatique. Cela signifie qu’elles s’adressent au législateur et qu’en principe elles ne forment pas des droits subjectifs en faveur des particuliers qui ne peuvent donc pas les faire valoir en justice. (ATF 125 III 281). Toutefois, le Tribunal fédéral a admis que certaines dispositions pouvaient avoir une application immédiate. Cela vaut notamment pour l’art. 8 al. 1 lit. a du traité qui règle le droit de créer des syndicats et celui de pouvoir y adhérer librement.

Pour décider qu’une disposition est applicable immédiatement (self-executive), il faut examiner si la règle énoncée dans le traité est suffisamment claire et précise pour fonder une décision judiciaire dans le cas d’espèce. L’art. 7 lit. a du traité de l’ONU reconnaît le droit de chacun à des conditions de travail justes et favorables. Cela implique des pauses de travail, du temps libre, des congés payés réguliers ainsi que l’indemnisation des jours fériés officiels.

A ma connaissance, une seule décision de justice, soit celle de la Cour d’appel de Genève (JAR 2003, 281) a déclaré directement applicable l’art. 7 lit. a du traité de l’ONU, admettant l’obligation de payer le salaire pour des employés à l’heure lorsque leur temps de travail coïncide avec un jour férié. En revanche, la Cour d’appel du Tessin a refusé d’admettre le paiement de jours fériés à des salariés à l’heure si ce paiement n’avait pas été convenu. Cette décision date de 1995: le traité de l’ONU était alors applicable en Suisse (JAR 1996. 149).

Les dispositions du traité de l’ONU sont-elles assez précises et claires pour fonder, sans autre réglementation étatique, des décisions judiciaires? C’est en tout cas l’opinion des commentateurs du contrat de travail susmentionné.

Selon ces auteurs, les travailleurs à l’heure, à la journée ou en régie peuvent réclamer une rémunération pour les jours fériés légaux. En cas de divergence légale, le droit international l’emporte sur le droit national (commentaire ad art. 20 a, N19, de la loi sur le travail). Une majorité d’auteurs partagent l’opinion que l’art. 7 lit. a du traité de l’ONU a le caractère d’une disposition de «self-executing». Cette opinion va certainement influencer la jurisprudence suisse. En pratique, il faut en déduire que tous les employés devront être payés le jour férié fédéral et les 8 jours fériés désignés tels par les cantons. 

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Texte: Gregor Ruh

Gregor Ruh est spécialiste des questions de droit et travail. Il est responsable de ce secteur chez www.arbeitsrecht.ch

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