Droit du travail

Plan social: les nouvelles obligations légales

L’obligation de négocier un plan social concerne les entreprises employant habituellement au moins 250 travail­leurs, lorsqu’elles entendent résilier le contrat d’au moins 30 travailleurs dans un délai de 30 jours pour des motifs de gestion non inhérents à leur personne.

En vigueur depuis le 1er janvier 2014, les art. 335h à 335k du Code des obligations (CO) imposent désormais, en droit privé, l’obligation de négocier un plan social en cas de licenciement collectif. Ces nouvelles prescriptions légales figurent au nombre de celles auxquelles il ne peut être dérogé (1).
L’un des objectifs avoués est «d’adapter le droit à l’évolution des mœurs écono­miques». En effet, «alors que les managers ont le plus souvent droit à des indemnités de départ contractuelles, les autres tra­vailleurs (...) repartent – généralement – les mains vides en cas de perte de leur emploi» (2).
 

Que contient un plan social?

Le plan social est «une convention par laquelle l’employeur et les travailleurs fixent les moyens d’éviter les licencie­ments, d’en limiter le nombre ou d’en atté­nuer les conséquences» (art. 335h al. 1 CO).
Ces «moyens» peuvent revêtir différentes formes. Le Message mentionne ainsi la mise en place de délais de congé plus courts pour les tra­vailleurs que pour l’employeur, des cours de re­conversion payés, un service de placement, la compensation du salaire en cas d’affectation à un autre poste, une contribution aux frais de déplacement pour se rendre à un nouveau poste de travail, la possibilité de conti­nuer à disposer d’un logement de ser­vice, le droit à une indemnité de licenci­ement, le droit à une retraite anticipée, des presta­tions pour les cas de rigueur, des gratifications, et d’autres prestations comparables (3).
Si toute forme de discrimination entre les travail­leurs est prohibée, le plan social peut cependant prévoir valablement que les travailleurs qui refuseraient une proposition de poste de travail approprié au sein de l’entreprise, ou du groupe, ne recevront pas d’indemnité, ou qu’une indemnité réduite. Il peut aussi restreindre le droit à une indemnité aux seuls travailleurs qui n’auront pas retrouvé un emploi avant la fin du délai de congé (4).
 

Quelles sont les entreprises concernées?


L’art. 335i al. 1 CO stipule que ne sont assujetties à l’obligation de négocier un plan social que les entreprises employant ha­bituellement au moins 250 travailleurs, lorsqu’elles entendent résilier le contrat d’au moins 30 travailleurs dans un délai de 30 jours pour des motifs de gestion non inhérents à leur personne. Pour prévenir toute tentation de «sau­cissonnage», il est aussi prévu que les licenciements qui sont étalés dans le temps, mais dictés par les mêmes motifs, devront être additionnés (art. 335i al. 2 CO).
En sus du critère relatif à la taille de l’entreprise (au moins 250 tra­vailleurs), la loi pose d’emblée deux autres limites: d’une part, les reven­dications des travailleurs ou de leurs représentants ne doivent pas «met­tre en danger l’existence de l’entreprise» (art. 335h al. 2 CO), de sorte qu’il faudra veiller à ce que les coûts du plan social ne compromettent ni l’existence de l’entreprise ni les em­plois restants (5), bannissant ainsi toute exigence excessive et/ou contre­-productive (6); d’autre part, l’obligation de négocier ne vaut pas lorsque l’entreprise est en situation d’insolvabilité (faillite ou concordat – art. 335k CO), car elle n’a alors bien souvent plus les ressources financières né­cessaires pour mettre en œuvre un plan social, sauf à mettre en péril aussi les intérêts de ses au­tres créanciers (7).
 

Qui négocie le plan social?

L’art. 335i al. 3 CO prévoit que l’employeur lié par une convention collective de travail doit né­gocier avec les associations de travailleurs qui sont parties de cette convention; à défaut de con­vention, l’employeur doit négocier avec la repré­sentation des travailleurs et, s’il n’y en a pas, di­rectement avec les travailleurs eux­-mêmes, soit tous les travailleurs de l’entreprise, et pas unique­ment ceux qui pourraient être concernés par le licenciement collectif envisagé (8).
Les associations de travailleurs, les représen­tants des travailleurs ou les travailleurs peuvent se faire assister lors des négociations par des ex­perts, ces derniers étant alors tenus de garder le secret envers les personnes étrangères à l’entreprise (art. 335i al. 4 CO).
 

Et en cas de désaccord?

En cas d’échec des négociations, le plan social sera établi de façon définitive par un tribunal ar­bitral (art. 335j CO), qui devra, lui aussi, s’assurer que le plan social qu’il pourrait imposer aux par­ties ne contienne aucune exigence excessive et contre­-productive pouvant mettre en péril l’existence même de l’entreprise et/ou les emplois restants.
L’instance d’arbitrage peut être un office can­tonal de conciliation ou, si l’employeur est lié par une convention collective de travail, l’organisme paritaire désigné par celle-­ci. Mais il peut s’agir aussi d’une instance ad hoc ou d’une personne de confiance.
 
1 Art. 361 al. 1 (art. 335k) et 362 al. 1 CO (art. 335i et 335j CO).
2 Message relatif à une modification de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (droit de l’assainissement), FF 2010 (cité ci-après: Message), 5911.
3 Message, 5912. 4 Message, 5912. 5 Message, 5881.
6 Message, 5912, qui précise également que pour ce qui a trait aux ressources financières susceptibles de permettre le financement du plan social, le régime légal n’impose pas aux entreprises de créer le substrat financier correspondant, par exemple par des provisions ou un fonds d’entreprise ou de branche, régional ou national.
7 Sur les motifs justifiant cette exclusion, voir Message, 5881 et 5915. Voir aussi le nouvel art. 333b CO, qui stipule que «lorsque l’entreprise ou une partie de celle-ci est transférée à un tiers durant un sursis concordataire, dans le cadre d’une faillite ou dans celui d’un concordat par abandon d’actifs, les rapports de travail passent à l’acquéreur avec tous les droits et les obligations qui en découlent pour autant que ce transfert ait été convenu avec l’acquéreur et que le travailleur ne s’y oppose pas». Sur cette disposition, voir Message, 5909-5910.
8 Message, 5914.

 

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Philippe Carruzzo est avocat à Genève, où il pratique le droit du travail depuis plus de 15 ans. carruzzo@cclaw.ch Il vient de publier aux Editions Schulthess: «Le contrat individuel de travail – Commentaire des articles 319 à 341 du Code des obligations» 661 pages, CHF 189.– Commandes: Téléfax 044 200 29 58 livres@schulthess.com 

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