La chronique

Pour s'éventer des théories managériales

Où donc naissent les théories managériales? De quelle fécondité? D’une réflexion solitaire ou d’un vécu collectif? D’un congrès ou d’une fin de soirée? D’une étude universitaire ou d’une expérience pratique? Quelle paternité à ces approches? Je m’interroge sur la naissance de celles que l’on qualifie 30 ans plus tard de bullshit management, comme de celles qui restent source d’inspiration.

Dans cette jungle de vérités plus ou moins absolues, je propose de mettre en image un équilibrage des forces. Je n’oserais affirmer une paternité, 20 minutes d’extase intellectuelle... 20 ans de soucis de mise en œuvre.

Je pourrais assumer une maternité, la lente croissance d’une approche incarnée dans le vécu. Dans un bureau au cœur d’un îlot de chaleur lausannois, lors d’un été caniculaire, devait s’expliciter un management à même de faire évoluer une culture d’entreprise vers une forme plus organisée d’une part, et des dynamiques collaboratives renouvelées d’autre part. Et c’est ainsi que naquit le management en éventail, à la recherche d’un peu de fraîcheur dans une surchauffe liée à la densité des changements autant qu’aux hausses du thermomètre.

Holacratie pour l’engagement au service d’un tout, bienveillance pour l’ambiance d’équipe, procédures pour une gestion qualité, vision pour une orientation client réfléchie, et direction pour assumer la palette de responsabilités finales, comment réunir tous ces aspects dans un style managérial affirmé? Pression des délais légaux, ambitions de renouvellement, intégration des feedbacks externes, des évolutions sociétales, viennent s’imprimer en filigrane. Comment feriez-vous avec ce grand sac rempli d’exigences? Certains tentent le management en accordéon, en faisant l’un à côté de l’autre, déployant tantôt un aspect, tantôt l’autre, au fil des jours et des semaines. Louable, mais peu lisible, voire instable pour le collaborateur.

L’approche en éventail permet de décliner deux dimensions, horizontale et verticale, pour utiliser les termes connus. En horizontal, l’éventail se déploie pour rendre visible son motif. Les différents brins s’articulent, à équidistance, pour faire voir la réalisation commune. Ici s’illustre la culture de collaboration, transverse, au travers des différents métiers, de l’interdisciplinarité, entre des équipes et missions fort diverses. Ces liens presque invisibles, trop vite absents, mais essentiels, font la satisfaction du client. Procédures structurées et collaborations humaines sont nécessaires à parts égales, dans ce déploiement de l’activité.

Voilà une mission fort ambitieuse, on sait le monde du travail miné de tensions, entre territoires métiers, entre collaborations interpersonnelles. On sait le risque que l’éventail se retrouve sous tension, déséquilibré, chiffonné, voire déchiré. C’est pourquoi l’éventail se construit autour de ce qui est appelé le clou ou la rivure. Ce point d’attache central permet, selon les lois des vecteurs de force physique, d’équilibrer le système en redirigeant certaines forces horizontales sur un axe vertical.

Les attentes, craintes, conflits et autres aléas du monde du travail se répartissent ainsi sur deux axes, celui des collègues et celui de la Direction. Celui-ci permet d’éviter les déchirements, la dislocation, définissant le champ d’action et de déploiement. Il sécurise psychologiquement, et limite l’usure, en matière de santé au travail. La Direction impulse des forces, des orientations, et récupère d’autres forces, des tensions, des inspirations.

Ce n’est pas de tout repos, et dans les matériaux qui composent l’éventail, la rivure est en métal. Souvent, les éventails se composent également d’une première partie renforcée, en ivoire, en bois, plus rigide. Dans cette image, ce seront les membres de la Direction. Confrontés aux mêmes forces, ils ont une mission particulière de collaboration équilibrée pour assurer le déploiement de l’éventail. Faire équipe en Direction est un facteur clé de succès.

Le management en éventail est celui qui permet au dirigeant de s’éventer, de déléguer, de partager les responsabilités, tout en veillant à l’unité, aux responsabilités finales, et faisant resplendir le produit. Il donne un rôle, une place, d’importance égale, à chaque collaborateur. Tous participent de son déploiement. La richesse de chacun et de l’intelligence collective permettent de peindre ensemble le motif qui orne l’éventail.

commenter 0 commentaires HR Cosmos

Ariane de Rham est aujourd’hui Directrice de l’ESSIL, école supérieure formant les éducateurs sociaux à Lausanne. Son profil est pluriel. Après une première carrière en tant que pasteure, elle a effectué une formation en gestion d’entreprise. Depuis, elle développe et met en place les outils de management et RH les plus divers, les projets stratégiques de développement et les outils pratiques. Elle a travaillé pour les Oeuvres sociales de l’Armée du Salut, pour la Fondation Le Repuis et pour la Fondation Jeunesse et Famille.

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