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SOS! Le partenariat social suisse est en détresse
Ma petite entreprise ne connaît pas la grève! Voici ce qu’aurait pu être la version suisse de la célèbre chanson d’Alain Baschung. Et si cette paix du travail vivait ses dernières heures? Analyse.
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Photo: 123RF
2015, Frankenshock, l’année du choc du franc fort. Dans les entreprises, les conséquences n’ont pas tardé à se faire sentir allant de licenciements collectifs assortis ou non de délocalisation de la production, au chômage partiel et à l’augmentation du temps de travail sans compensation financière. Toutes ces mesures ont été mises en place rapidement et souvent avec la compréhension voire l’adhésion du personnel des entreprises visées. C’est le résultat du partenariat social «made in Switzerland».
Cependant, je crois qu’il est en danger de durcissement et qu’il vaut la peine d’en prendre soin. Mais d’abord quel est donc le secret bien gardé et tant envié du partenariat social suisse? En droit suisse, le partenariat social comporte essentiellement 2 volets: les conventions collectives négociées entre entreprises et syndicats et la représentation du personnel au sein des entreprises d’au moins 50 travailleurs.
Les deux ingrédients du succès social suisse
Cependant, suivant le SECO, en 2012, le taux de couverture des CCT est aux alentours de 49 % de l’ensemble des travailleurs. Ceci signifie que moins de 1 travailleur sur 2 est actuellement au bénéfice d’une convention collective. Suivant la statistique 2013 de la Confédération, les entreprises de moins de 50 personnes représentent 98,5% de l’ensemble des entreprises, soit 554 910 sur un total de 563 178. Sans faire d’étude statistique, on peut affirmer que le nombre de commissions du personnel est infinitésimal en comparaison du nombre d’entreprises.
Comment le définir alors? Deux facteurs me semblent essentiels: le premier est la caractéristique des entreprises en Suisse: 98,5 % de celles-ci ont moins de 50 travailleurs. Dans ce type d’organisation, tout le monde se connaît et se côtoie journellement, du patron à l’apprenti. Ces petites entreprises forment un tissu local et cantonal, à la fois organisation économique et communauté. Le deuxième est le pragmatisme et l’esprit communautaire lié au 1er facteur qui régit le fonctionnement de ces entreprises. Ces 2 facteurs économico-sociologiques sont les fondements du succès social de la Suisse.
Des attaques de plus en plus insidieuses
Mais aujourd’hui, les entreprises suisses sont attaquées par une croissance anémique au niveau européen et mondial renforcée par le franc fort. Le pragmatisme est remis en cause par l’incertitude liée à de nombreuses initiatives populaires de droite ou de gauche visant à régler des problèmes complexes par des solutions simplistes. De plus, l’attraction en Suisse de nombreuses sociétés internationales qui ne s’inscrivent que peu dans la logique communautaire décrite ci-dessus et tendent à appliquer les règles dans l’esprit de leur pays d’origine, ne fait que renforcer le danger pour le partenariat social.
Et cerise sur le gâteau, si je peux dire, la vague récente de reprise d’entreprises fleurons suisses par des sociétés étrangères (Syngenta, Sika, Nobel Biocare) qui s’accélère, ne risque pas d’améliorer cette situation. D’autant plus que le caractère libéral du droit social suisse ne protège que peu le travailleur et donne une grande marge de manœuvre à l’employeur, certainement en comparaison avec les droits sociaux d’autres pays européens. Bref, les temps changent!
Pourquoi les employeurs en Suisse devraient-ils prendre particulièrement soin du partenariat social? La 1ère chose qui vient à l’esprit est évidemment le temps et l’argent perdu en discussions, conflits et grèves qui n’améliorent pas la situation des entreprises concernées. Mais il y a quelque chose de plus important dans le partenariat social suisse qui mérite d’être préservé: la confiance. Un durcissement de partenariat social équivaudrait à une perte de confiance des travailleurs. Aujourd’hui, les entreprises demandent des travailleurs motivés, prenant des initiatives... Vous seriez motivés à travailler pour un employeur en qui vous n’avez plus confiance? Moi pas!