Paris (ats/reu/afp) Quelque 200'000 personnes selon les syndicats, 70'000 selon la police, ont battu le pavé pour exiger le retrait d'un texte qui suscite depuis plus de trois mois une contestation inédite pour un gouvernement de gauche.
A Paris, le défilé a eu lieu "dans des conditions optimales", sans casse ni heurts, s'est félicité le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve. Contrairement aux autres défilés très tendus, "il n'y a pas eu une grenade lacrymogène de lancée (...) pas un blessé", a-t-il ajouté.
Mais en soirée, une centaine de personnes ont brisé les vitres du siège du syndicat CFDT, qui ne participe pas à la mobilisation contre la loi. En lettres rouges, les manifestants ont inscrit sur la façade: "C'est fini de trahir".
"La police est intervenue pour disperser cette manifestation sauvage", a confirmé une source policière. "Un blessé avec plaie à la tête" a été constaté "parmi les casseurs rue saint-Maur", selon une autre source policière. A 22h00, neuf personnes avaient été interpellées au cours de ce rassemblement, a précisé cette même source.
Fouilles
Lors du dernier défilé dans la capitale, le 14 juin, des centaines d'individus, souvent cagoulés, avaient violemment pris à partie les policiers, faisant une trentaine de blessés dans leurs rangs, et avaient endommagé des banques, des commerces et même la façade vitrée d'un hôpital pour enfants.
Pour éviter une répétition de ces violences, le gouvernement avait d'abord demandé aux syndicats d'organiser un rassemblement statique, puis interdit le cortège, avant finalement de l'autoriser sous conditions strictes.
La manifestation a donc pris des airs inédits, sur un parcours resserré de 1,6km formant une boucle. La police, présente en nombre avec 2000 fonctionnaires mobilisés, a filtré les accès, procédant à des palpations et à des fouilles sur les participants.
Avant même le départ du cortège, elle a interpellé une centaine de manifestants, notamment parce qu'elles étaient en possession d'objets pouvant servir de projectiles.
Parcours critiqué
"Faire une manifestation dans un manège (...) c'est à la fois drolatique et méprisant", a critiqué l'ancienne ministre écologiste Cécile Duflot présente dans le cortège. Des slogans contre le parti socialiste, au pouvoir: "tout le monde déteste le PS!" sortaient de la foule.
La tentative du gouvernement d'interdire le défilé était dans tous les esprits. "On est dans un pays de libertés, on doit avoir le droit de s'exprimer, sinon on est en dictature. Ça m'a poussé à venir manifester aujourd'hui", témoignait Christophe Le Roy, 45 ans, employé dans un grand groupe français.
L'émoi était le même dans les cortèges d'autres villes. À Toulouse (sud-ouest), un cercueil en carton indiquait: "ci-gît la démocratie". "C'est totalement indigne d'un gouvernement dans une démocratie", estimait Daniel Jagline, 54 ans, en recherche d'emploi à Rennes (ouest). Cette ville à forte tradition contestataire est la seule à avoir subi des dégradations jeudi, avec de nombreuses vitrines brisées.
Valls mis en cause
Les syndicats à la tête de la fronde, CGT et FO, ont concentré leurs critiques sur le Premier ministre Manuel Valls, accusé d'avoir joué les pompiers pyromanes par son intransigeance. "A chaque fois qu'on essaie d'apaiser les choses, le Premier ministre remet de l'huile sur le feu", lui a ainsi reproché Philippe Martinez, numéro un de la CGT
De son côté, le président François Hollande a réaffirmé que l'exécutif irait "jusqu'au bout" sur son projet de réforme du code du travail. Le texte est actuellement en débat au Parlement.
Très impopulaire à moins d'un an de l'élection présidentielle, le gouvernement socialiste explique vouloir combattre avec son texte un chômage endémique, en facilitant les embauches. Les détracteurs du projet jugent au contraire qu'il va accroître la précarité au travail.
Policiers épuisés
Le 31 mars a connu l'une des plus fortes mobilisations avec près de 390'000 personnes recensées par les autorités dans 250 villes. Depuis, la mobilisation est inégale mais les opposants ne désarment pas. Ils prévoient une autre manifestation, qui est pour l'instant autorisée.
Parallèlement, des grèves ont touché les secteurs des transports, de l'énergie et du ramassage des ordures. Ce qui a provoqué un moment la pagaille et laissé une mauvaise image à la veille de l'Euro-2016 de football.
Dans ce contexte, les policiers, très sollicités depuis les attentats djihadistes de 2015 et pour sécuriser la compétition, se disent épuisés. Ils avaient plaidé pour un report de la manifestation.