Paris (ats/afp) Dans ses réquisitions datées du 22 juin, le parquet a également demandé un procès pour harcèlement moral de deux autres dirigeants de l'opérateur de télécommunications français devenu Orange, Louis-Pierre Wenes, ex-numéro 2, et Olivier Barberot, ex-responsable des ressources humaines, ainsi que de quatre cadres pour complicité, a indiqué jeudi à l'AFP une source judiciaire.
Dans ses réquisitions, le parquet reproche à France Télécom, après sept ans d'enquête sur cette vague de suicides, d'avoir mis en place dès 2007 par des "agissements répétés" une politique d'entreprise qui a eu pour effet de "déstabiliser" les employés et de "créer un climat professionnel anxiogène" dans un contexte de restructuration délicate, selon une source proche de l'enquête.
Engagé dans le délicat virage de la privatisation et des nouvelles technologies, le groupe voulait supprimer 22'000 postes entre 2006 et 2008 et procéder à 10'000 changements de métier.
Près de 40 victimes citées
Face aux enquêteurs, France Télécom et certains cadres ont nié l'existence d'objectifs de réduction d'effectifs, évoquant de simples "indications", et présenté la restructuration comme une opération de sauvetage, sans lien avec la dégradation du climat social.
Aux yeux du ministère public, les témoignages et documents internes passés au crible montrent au contraire que les objectifs de mobilités et de réduction des effectifs étaient devenus une fin en soi, quels que soient les moyens pour y parvenir: incitations répétées au départ, mobilités forcées, surcharge ou absence de travail, réorganisations tous azimuts...
Trente-neuf salariés victimes sont notamment cités sur la période 2006-2011: 19 se sont suicidés, 12 ont tenté de mettre fin à leurs jours, et 8 ont sombré en dépression ou été contraints à un arrêt de travail. Selon les syndicats et la direction, 35 personnes s'étaient donné la mort en 2008 et 2009.
Les plaignants y voient la conséquence d'un "système" pour pousser les salariés au départ dans un contexte d'ouverture à la concurrence, après que l'Etat français est devenu actionnaire minoritaire en 2004.
Départ du PDG
"Les maladresses de langage de Didier Lombard ont offert une opportunité de faire un procès fondé sur le harcèlement qui ne repose sur aucun élément sérieux", estime au contraire l'avocat de l'ancien PDG, Jean Veil.
"En 2007, je ferai les départs d'une façon ou d'une autre, par la fenêtre ou par la porte", avait lâché Didier Lombard en 2006 devant des cadres de France Télécom.
Didier Lombard avait quitté la direction opérationnelle du groupe en mars 2010, fragilisé par le scandale et une "énorme bourde", de son propre aveu, lorsqu'il avait évoqué "une mode du suicide".
Au juge d'instruction de trancher
France Télécom a été la première entreprise du CAC 40 à avoir été mise en examen pour harcèlement moral. Un procès amènerait la justice à trancher la première affaire de harcèlement à grande échelle dans une entreprise de cette taille.
Il appartient désormais au juge d'instruction de suivre ou non ces réquisitions en ordonnant un procès ou en prononçant un non-lieu.