Berne (ats) Les organes de contrôle ont vérifié le respect des conditions de travail et de salaire auprès d'environ 45'000 entreprises et 175'000 personnes. Le volume des contrôles a ainsi augmenté de 10% par rapport à 2014, selon le rapport annuel du Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO), présenté à la presse à Berne. La part des sociétés en infraction est cependant restée stable.
"Il n'y a pas d'érosion systématique des conditions de travail en Suisse avec la libre circulation des personnes", a relevé Boris Zürcher, chef de la Direction du travail du SECO, soulignant que depuis la mise en place des mesures d'accompagnement en 2004, les contrôles ont augmenté quantitativement et qualitativement.
Entreprises avec CCT
Les commissions paritaires (employeurs et employés) ont contrôlé le respect des CCT déclarées de force obligatoire au niveau fédéral auprès de 10'614 employeurs suisses. Elles ont soupçonné une infraction aux dispositions salariales au sein de 3083 entreprises, soit un taux de 29%, identique à celui de l'année 2014.
Il est question d'infractions soupçonnées, car les contrôles sur place ne permettent pas toujours de juger immédiatement de la présence ou non d'une infraction, a rappelé Boris Zürcher.
De plus, les inspections ciblant particulièrement les branches où le risque d'infractions est le plus élevé, ce pourcentage n'est pas représentatif de l'ensemble du marché du travail suisse, a fait valoir Peter Gasser, chef du centre de prestations Libre circulation des personnes et Relations du travail au SECO.
Entreprises sans CCT
Sur les 8833 entreprises non soumises à une convention collective de travail contrôlées, une sous-enchère par rapport aux salaires usuels a été constatée dans 979 sociétés. Le taux d'infraction (11%) est en légère hausse par rapport à l'année précédente (10%).
Dans la moitié des cas, des procédures de conciliation ont abouti au paiement a posteriori de la différence de salaire. Mais les organes de contrôle (commissions tripartites: employeurs, employés, Etat) "n'engagent pas systématiquement des procédures de conciliation avec des entreprises suisses", précise le rapport du SECO.
Pour Nico Lutz, membre du comité directeur du syndicat Unia, il faut veiller à ce que des salaires suisses soient payés en Suisse. "Nous devons augmenter fortement le nombre de contrôles, dans les entreprises détachant des travailleurs comme dans les entreprises suisses", plaide-t-il. Et l'accès aux postes de travail ne doit pas être entravé.
Les commissions paritaires et tripartites ont en outre vérifié les conditions de travail et de salaires de 30'325 travailleurs détachés auprès de 12'397 sociétés: près du quart des entreprises (24%) de détachement sont en infraction ou soupçonnées de l'être. Et parmi les 7391 travailleurs indépendants qui ont été contrôlés, 418 se sont révélés en situation d'indépendance fictive, soit 5,5%.
Tessin et Genève visés
Les organes d'exécution des mesures d'accompagnement ont effectué des contrôles dans toutes les branches, avant tout dans les secteurs du second-oeuvre, de l'industrie manufacturière, de l'hôtellerie-restauration et du commerce. Les contrôles ont été menés dans toutes les régions de Suisse.
Un accent a cependant été mis sur les cantons de Genève et du Tessin. Dans ces deux cantons, le taux d'infractions est légèrement supérieur à la moyenne nationale.
"Les mesures d'accompagnement ont fait leurs preuves en tant qu'instrument de lutte contre les effets indésirables de l'accord sur la libre circulation des personnes sur les conditions de travail et de salaire suisses", écrit le SECO.
"Dans la majorité des cas, les conditions de travail et de salaire applicables en Suisse sont respectées par les entreprises contrôlées". Malgré la satisfaction des autorités, les syndicats estiment qu'il faut renforcer les contrôles.
Les syndicats en veulent plus, les patrons refusent
Pour les syndicats, le rapport du SECO montre toute l'importance des mesures de protection. Les contrôles doivent même être renforcés. Les patrons en revanche estiment que les mesures actuelles sont suffisantes.
Lors de leurs contrôles, les inspecteurs du travail découvrent régulièrement des infractions, constate l'Union syndicale suisse (USS). Dans les branches qui fixent des salaires minimums obligatoires, les employeurs fautifs peuvent être amenés à rendre des comptes en payant des amendes. Dans les branches sans salaires minimums, ce n'est pas possible.
Que le nombre des infractions ait augmenté ces derniers temps est particulièrement inquiétant. Les branches comme l'horticulture, le commerce de détail et la sécurité sont spécialement concernées.
Sanctions plus dures
Pour Unia, des instruments supplémentaires s'imposent pour combattre efficacement le dumping salarial, comme des contrôles plus nombreux et des sanctions plus dures pour réprimer les abus. Le syndicat évoque également un registre des entreprises correctes.
De son côté, Travail.Suisse souligne que les procédures de conciliation chez les employeurs suisses n'ont abouti que dans 50% des cas, alors que le taux de réussite était encore de 69% en 2013. Pour lutter contre le dumping salarial, il faut faciliter les conditions d'extension des conventions collectives de travail et s'assurer que les sanctions prononcées soient exécutées.
Le patronat voit les choses autrement: les conditions de travail et de rémunération usuelles en Suisse sont généralement respectées et les infractions efficacement combattues, constate l'Union patronale suisse. Un durcissement supplémentaire des mesures d'accompagnement ne se justifie donc pas et ne serait que pure tracasserie.
Mesures à optimiser au besoin
L'Union patronale dénonce tout particulièrement le prolongement préventif de contrats types de travail sans possibilité de prouver une sous-enchère salariale répétée. Elle insiste sur la nécessité de s'en tenir aux mesures existantes tout en les optimisant au besoin, notamment en professionnalisant le travail des organes d'exécution.
Pour la Société suisse des entrepreneurs (SSE), les "intenses" activités de contrôle déployées sur les chantiers depuis plusieurs années s'avèrent de plus en plus efficaces.
Le rapport est d'autant plus positif que les cas suspects relevés ne font pas la différence entre les violations graves et les bagatelles. Toutefois, la SSE demande au SECO de classifier à l'avenir les infractions selon leur degré de gravité, ce qui garantira une meilleure transparence.