Quand l’intelligence émotionnelle redéfinit les RH
Près de septante professionnels des ressources humaines se sont réunis ce mardi 15 avril à l’invitation de l’Ifage pour réfléchir à une question centrale: comment intégrer l’intelligence émotionnelle dans les stratégies RH et les processus de transformation organisationnelle?

Les participants de la table ronde (de gauche à droite): Eric Spielmann (Ville de Lancy), Jarmila Castelli (Ifage), Armand Brice Kouadio (Haute École ARC) et Soizic Le Clère (Ecole internationale de Genève). La discussion a été animée par Igaël Derrida (Fondation Saphir). (Photo: Romeo Warden)
Peut-on innover sans émotions? Près de septante professionnels RH ont planché sur ce sujet lors d’une soirée organisée par la Fondation pour la formation des adultes (Ifage) à Genève. L’événement a débuté par trois ateliers participatifs. Le premier a exploré l’approche «People & Culture», qui invite à repenser les RH sous l’angle de l’engagement, de l’agilité et de l’innovation. Fini les fiches de poste figées, place à des processus plus souples, dès les premiers contacts avec les candidats.
Le deuxième atelier s’est attaqué aux outils de pilotage. Et si l’on remplaçait les traditionnels KPI (Key Performance Indicators) par des KBI (Key Behavioural Indicators)? Avec l’objectif de mieux capter les signaux faibles qui peuvent menacer une organisation dans un environnement toujours plus instable. Enfin, le troisième atelier a analysé comment l’intelligence émotionnelle peut renforcer la cohésion d’équipe et la prise de décision.
Après ces échanges en petits groupes, une table ronde a réuni Soizic Le Clère (École internationale de Genève), Armand Brice Kouadio (Haute École ARC), Jarmila Castelli (Ifage) et Eric Spielmann (Ville de Lancy). Animée par Igaël Derrida (Fondation Saphir), la discussion a porté sur le rôle que peut jouer l’intelligence émotionnelle dans la transformation des ressources humaines. Tous les intervenants ont souligné l’importance de valoriser cette capacité à comprendre et à gérer les émotions. Elle doit faire partie des critères d’évaluation, des pratiques managériales, voire figurer dans les cahiers des charges des collaborateurs.
Expériences de terrain
Pour Jarmila Castelli, l’intelligence émotionnelle est aujourd’hui un levier essentiel pour développer la créativité. À l’Ifage, cela permet notamment de faire émerger de nouvelles offres de formations. Un comité «innovation» et une équipe dédiée au bien-être ont été mis en place pour structurer cette dynamique. L’intelligence émotionnelle peut aussi être utile pour percevoir les non-dits, ou encore servir de soutien aux responsables RH eux-mêmes.
Soizic Le Clère, directrice People & Culture de l'École internationale de Genève, a raconté son arrivée dans une structure de 1200 collaborateurs. La création de son poste a permis d’intégrer les ressources humaines à la direction générale, avec l’objectif de développer une approche «flourishing», qui vise à l’épanouissement des collaborateurs. Elle a remarqué l’importance que la direction de l’entreprise porte cette vision.
À la Ville de Lancy, même point de départ: pas de service RH formel avant l’arrivée d’Eric Spielmann il y a deux ans. Avant de déployer et mettre en œuvre une politique RH, il a fallu consolider les fondations (règlement, cahiers des charges) et retravailler le statut du personnel. Une démarche toujours en cours, longue et fastidieuse, mais qui a porté ses fruits grâce à l’écoute et la prise en compte des retours des équipes. Le responsable RH a également souligné l’intérêt de définir la politique RH dans un document. Cela permet d’ancrer noir sur blanc la culture de l’organisation, servir de repère, et transformer les intentions en actions concrètes.
L’effet Ikea appliqué aux RH
Armand Brice Kouadio a identifié trois grandes tendances de transformation RH: la maîtrise des données et des outils numériques, une flexibilisation toujours plus grande (au-delà du simple télétravail), ainsi qu’un retour aux fondamentaux, avec un recentrage sur l’individu et les émotions. «Une stratégie RH pertinente doit répondre à deux grandes questions: Quel est notre ADN? Où allons-nous ?, a résumé le professeur de gestion des ressources humaines de la Haute École ARC. L’enjeu est de réussir à aligner culture d’entreprise et vision stratégique.»
À cet égard, Igaël Derrida a évoqué «l’effet Ikea», ce biais cognitif qui provoque un sentiment de satisfaction lorsque l’on construit soi-même un meuble, même imparfaitement. Un principe aussi valable en matière de transformation RH: plus les collaborateurs sont impliqués dans la démarche, plus ils s’y reconnaissent et s’y engagent.