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Comment surmonter les nouveaux défis du recrutement en ligne

Alors que le volume des annonces dans la presse écrite baisse, le marché de l’emploi en ligne ne s’est jamais aussi bien porté. Au point d’être devenu un phénomène incontournable pour les directeurs de ressources humaines. Avec de nouveaux enjeux. Enquête sur ces nouvelles méthodes et tour d’horizon du marché suisse. 

Du papier vers le virtuel. Les recruteurs suisses romands recourent toujours plus aux portails d'emplois pour recruter leurs ressources humaines. En Suisse, le marché de l'emploi en ligne ne s'est jamais aussi bien porté qu'au cours du 2e trimestre de cette année. Instrument de mesure du phénomène, l'indice jobpilot, réalisé par la HES de Soleure Suisse Nord-Ouest et l'Université de Zurich sur mandat de monster.ch, s'est hissé en juillet à un nouveau niveau record à 206 points, deux points de plus qu'entre janvier et mars. Selon les secteurs d'activité, le groupe des professions des soins corporels, du nettoyage et de l'économie domestique a connu la plus forte progression (+296 points). Les métiers des transports, de l'entreposage, de la sécurité, du marketing, de la publicité et des relations publiques ont aussi été très demandés. En revanche, le nombre d'annonces placées dans les médias écrits a sensiblement baissé. Le groupe Edipresse a notamment enregistré des pertes de plus de 10 millions de francs pour l'année en cours. Les raisons de la chute de la publicité dans les médias écrits sont nombreuses et «le bond en avant des portails d'emploi est à mettre en relation avec la taille relativement modeste du secteur», précise l'indice jobpilote. 

En moyenne, une annonce sur un portail d'emploi coûte 500 francs

Dans le secteur des ressources humaines, dont le recrutement est considéré comme un service clé, la tendance du recrutement en ligne a considérablement modifié les processus de recherche de candidatures. «Les portails d'emplois sont devenus incontournables», assure Christophe Andreae, de jrmc & associés à Lausanne, un cabinet de recrutement spécialisé dans l'informatique et l'ingénierie. Joëlle Lovey, responsable du recrutement du groupe L'Oréal en Suisse, estime que 75 pour cent de tous leurs engagements s'effectuent par ce biais. «Nous avons d'excellents résultats. Et cette solution est également très avantageuse au niveau du prix», poursuit-elle. En moyenne, une annonce sur un portail d'emploi (job board, en anglais) coûte environ 500 francs. Par comparaison, une bonne annonce dans le quotidien 24 Heures se paie environ 3500 francs. Moins coûteuses qu'une annonce papier, les annonces virtuelles sont également devenues très intéressantes sur le plan de l'efficacité. 

En période de haute conjoncture, la grande difficulté des recruteurs est de mettre la main sur un nombre suffisant de candidatures. Cette pénurie concerne surtout les cadres et les postes spécialisés. Grâce aux possibilités de réseautage importantes offertes par Internet, les portails d'emplois développent des bassins de candidatures de plus en plus larges. «En plus de notre réseau suisse, nous faisons partie du réseau the-network.com, qui regroupe plus de 36 portails leaders dans 70 pays à travers le monde», relève Lionel Pasquali, responsable du marché suisse romand chez jobs.ch, dont les créateurs Matthias Zimmermann et Thomas Sterchi sont également les éditeurs d'HR Today. L'autre moyen d'agrandir sa base de données est d'augmenter sa visibilité sur les marchés suisses et étrangers. Mais ces campagnes marketing coûtent cher et sont donc réservées aux grands portails d'emplois de Suisse (jobup.chjobs.chmonster.chtopjobs.chjobscout.ch et  jobwinner.ch). 

A l'inverse, les postes à moindre valeur ajoutée provoquent souvent un raz-de-marée de dossiers de postulation qu'il faut ensuite trier à grands frais. «Comme l'informatique a considérablement facilité le processus, les candidats envoient leurs CV et lettre de motivation beaucoup plus facilement, remarque Joëlle Lovey. C'est à nous de faire le tri». Dans une interview au quotidien Le Temps, Dimitri Djordjèvic, directeur chez Mercuri Uval, cabinet de conseil en ressources humaines et en recrutement de cadres, assure recevoir «parfois plus de 1000 dossiers par poste». 

Pour surmonter cet obstacle, les grands portails de recrutement en ligne offrent tous des outils pour trier les candidatures. Sur le site de jobup.ch, leader en Suisse romande, la fonction jobmailer permet d'envoyer à chaque candidat la liste des postes qui correspondent à son profil. Chez jobs.ch, numéro un sur le plan suisse, la fonction «jobs.push» permet d'optimiser les résultats d'une publication. Ce système se charge d'envoyer exclusivement chaque annonce publiée aux candidats  correspondant au profil et qui sont inscrits sur la base de données. 

La gestion des candidatures devient toujours plus sélective

Une autre crainte assez répandue auprès des recruteurs est de recevoir des centaines de candidatures «exotiques», envoyées d'Inde ou d'Afrique. Cette lacune du système a cependant été relativement bien comblée par des filtres au niveau des adresses IP et des avertissements au sujet des exigences suisses en termes de permis de travail. Et il existe d'autres moyens pour filtrer les candidatures parasites. En France, le portail du groupe Carrefour propose aux postulants un questionnaire de présélection. Dont les résultats déterminent la suite à donner à la candidature. La tendance va donc vers un recrutement de plus en plus interactif via le web. Le site du groupe L'Oréal organise par exemple des «business games». Les meilleurs joueurs sont ensuite recrutés. 

Mais embaucher ses candidats via son propre site est un avantage réservé aux multinationales qui ont les moyens de s'offrir des portails performants. Pour les autres, la tendance est clairement de s'associer aux portails déjà existants. Selon l'indice jobpilot, si les bourses d'emplois sur internet ont continué de croître, les sites des entreprises ont enregistré un recul. 

La gestion des candidatures virtuelles est également déterminante. Car oublier de répondre à un chercheur d'emploi, même virtuel, peut avoir de sérieuses conséquences en termes d'image. Chez jobs.ch, la gestion des candidatures a été confiée à la société Umantis, spécialisée dans les processus de recrutement IT. C'est aussi dans ce créneau que vient de se lancer la société lausannoise jobtic.ch, dont les premiers contrats ont été signés au mois d'avril. La start-up, créée par Marcel Fustier (35 ans) et Alexandre Bertrand (30 ans), se profile comme un business partner des recruteurs. «En plus de l'accès à notre fonds de candidatures, nous proposons des outils pour aider à la gestion des dossiers, avec le stockage, l'envoi des courriers et le planning des entretiens», détaille Marcel Fustier. La société mise également sur l'aspect low-cost de son service. Un abonnement annuel pour une PME coûte environ 12000 francs. Il ajoute: «C'est beaucoup moins cher que d'avoir son propre processus de recrutement en work-flow». Jobtic met également en ligne des dossiers thématiques RH en format électronique pour attirer des visiteurs et augmenter sa visibilité. A noter que le portail jobs.ch cherche également à augmenter sa visibilité en Suisse romande. Une équipe dédiée au marché romand s'est installée à Lausanne en juin dernier. 

Les nouveaux publics cibles presse écrite et on-line

Recruter son personnel via Internet a également créé des nouveaux modes de fonctionnement. «Des études ont montré que la durée de vie d'une annonce virtuelle va rarement au-delà de deux semaines. C'est très important de reformuler ou de préciser une annonce après ce laps de temps», indique Christophe Andreae. Le modus operandi en termes de public cible est également différent. Dans la presse écrite, les recruteurs placent souvent une même annonce dans le 24 Heures du jeudi et dans Le Temps du vendredi. Le nombre de lecteurs qui consomment les deux médias étant relativement faible. Ce qui n'est pas le cas de l'Internet où il suffit de poster une annonce sur un des grands sites d'emplois. Le candidat fera lui-même le tour des principaux portails très facilement. 

Mais faut-il encore placer ses annonces dans les journaux? «Si je choisis le print, ce sera dans les gratuits Le Matin Bleu et 20 Minutes, afin d'avoir un maximum de visibilité, répond Joëlle Lovey de L'Oréal. Pour les postes de dirigeants de haut vol, les annonces papier restent prioritaires», poursuit-elle. Les garanties de confidentialité sont beaucoup plus grandes. D'autre part, pour un cadre d'une cinquantaine d'années, le rapport au papier est encore très fort. Une annonce dans Le Temps, la NZZ et le Tages Anzeiger du samedi est encore très bien cotée. Christophe Andreae précise: «Les annonces papier sont également excellentes pour la visibilité des entreprises. Le lecteur qui tourne les pages de son journal remarquera quelles sont les entreprises qui recrutent, ce qui est compris comme un signe de bonne santé».

 

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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