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Des pistes pour affûter la gestion RH des PME
La gestion des ressources humaines dans les petites entreprises est caractérisée par des contraintes de temps et de moyens, un esprit créatif et l'influence du propriétaire. Tour d'horizon de quelques modèles théoriques faciles à implémenter et qui vont aider un(e) responsable RH à soutenir l'activité.

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Dans une PME, il faut être capable d’aller vite sans commettre de grosses bourdes. Cette réactivité est une question de survie et les erreurs peuvent être fatales. En Suisse, 99% des entreprises sont des PME de 250 collaborateurs ou moins. Elles sont à la fois le moteur de notre économie et difficiles à saisir, tant les activités et les tailles peuvent varier. Dans le détail, il y a plus d’un demi-million de micro-entreprises (de 1 à 9 employés), un peu plus de 50 000 entreprises de taille moyenne (de 10 à 50 employés) et près de 10 000 grandes entreprises (de 50 à 250). Voici un état des lieux des spécificités RH de ces PME avec des modèles théoriques et des outils pour professionnaliser les pratiques.
Réactivité et proximité
La première caractéristique de la GRH en PME est le manque de moyens et la pression du temps. La conduite de l’activité et la satisfaction du client externe priment sur tout le reste. Longtemps assu rée par la femme du patron, les tâches RH prioritaires sont le paiement des salaires, la gestion des absences et la conformité légale (protection de la santé et sécurité des collaborateurs selon les directives de chaque secteur d’activité). Ce cœur de métier RH est non-négociable et exige de la réactivité. Faute de moyens, le ou la responsable RH doit faire preuve de créativité en bricolant parfois des solutions avec des bouts de ficelles. Cela évite en revanche de lourds investissements dans des usines à gaz RH, que l’on retrouve dans les grandes organisations (dispositif de gestion de la relève). La proximité entre la direction et les collaborateurs est une autre spécificité des PME. Cette culture familiale, souvent incarnée dans la figure du propriétaire, est appréciée. Tout le monde se connaît et la communication est directe et empreinte d’humanité (mais aussi teintée par l’humeur du patron).
Recrutement et absences
La contrainte géographique est une autre spécificité des PME. Petites par définition, ces entreprises doivent faire avec les ressources économiques et sociales de leur région. Cela pose des défis en termes de recrutement. L’entreprise de construction d’un village reculé des Préalpes fribourgeoises aura accès à un bassin de talents minuscule. La pénurie de main-d’œuvre qualifiée est un autre défi majeur. Conséquence: difficile de régater avec les grands acteurs du marché quand vos locaux sont situés dans un no man’s land en termes de services et de divertissements. En plus de ce défi de l’embauche, la gestion des absences est clé. L’impact d’une personne malade sera beaucoup plus forte sur le reste de l’équipe dans une PME.
Prévenir plutôt que guérir
L’enjeu principal de la GRH en PME est donc de professionnaliser les pratiques avec peu de moyens. Les leviers de cette gestion proactive des ressources humaines sont la culture d’entreprise, l’accompagnement de la direction et la collaboration avec des partenaires locaux comme les hautes écoles, les chambres de commerce, les sociétés de travail temporaire ou les associations professionnelles. Dans un manuel de GRH canadien destiné aux patrons de PME et aux managers (voir la référence ci-contre), les auteurs estiment que cette gestion proactive du personnel (prévoir les problèmes au lieu d’éteindre les incendies) devrait occuper 40% du temps de travail d’un directeur. Ce chiffre élevé exprime à quel point ces défis RH devraient être au cœur des préoccupations d’une direction générale.
Modèle simple pour la pratique
Les auteurs proposent aussi un modèle simple pour entrer dans l’action. Pour chaque enjeu RH, ils indiquent les connaissances essentielles à avoir, les rôles et les responsabilités de chacun, le soutien à attendre du RH et des partenaires externes, les fausses croyances et quelques outils simples à utiliser. Exemple avec le turnover. Connaissances de base: il faut distinguer le turnover volontaire (voulu par l’employé) et involontaire (voulu par l’employeur). Un turnover élevé peut indiquer un dysfonctionnement ou être un signal positif, lors d’une restructuration par exemple. Le soutien RH peut être statistique (les chiffres dans d’autres secteurs) ou analytique (comprendre les raisons). Un outil: les entretiens de départ. Bien menés, ces entretiens sont des mines d’informations sur l’ambiance au travail, la qualité du management ou la clarté des rôles et procédures.
Gérer les personnes difficiles
Un autre cas analysé est la gestion des personnes difficiles. Que dit le règlement du personnel, le droit du travail ou la convention collective? Quelles sont les étapes et la gradation des sanctions (1er entretien, plan d’action, suivi, 1er avertissement)? Quelques fausses croyances: la personne va s’améliorer d’elle-même ou l’inverse: inutile de perdre son temps, les personnes difficiles ne changent pas. Un outil: des modèles de lettres d’avertissement ou une check-list qui indique les étapes à suivre.
Un guide de GRH pour non-initiés
En Suisse romande, un livre utile pour un patron de PME a été publié en 2019 par trois professeurs de GRH (voir la référence ci-contre). Ce petit ouvrage de vulgarisation scientifique présente brièvement l’état des lieux de la littérature, soulève des points critiques et donne une série de conseils. Idéal pour un non-initié, ce guide pratique renseigne sur les fondamentaux suivants: l’embauche, l’évolution de carrière, la flexsécurité, l’évaluation de fin d’année, la rémunération à la performance, la motivation, la santé au travail ou la responsabilité sociétale.
Évolution du rapport au travail
Un exemple: l’évolution professionnelle. Aujourd’hui, le contrat psychologique entre employeur et employé a changé. La sécurité de l’emploi et le salaire ne suffisent plus pour fidéliser un employé. Les recherches montrent que les individus traversent un questionnement professionnel profond tous les 3 à 5 ans. Voici quelques pistes pour maintenir l’attractivité d’un emploi en PME: proposer une diversité de tâches; prévoir des rôles de spécialistes (formation, santé, bien-être digital); organiser le travail par projets ou proposer des congés sabbatiques non-rémunérés.
Comprendre l’autorité et le pouvoir
Le propriétaire d’une PME a une énorme influence sur cette culture et ces différents leviers RH. La collaboration entre le patron et le responsable RH est donc essentielle. Un bon moyen d’accompagner un dirigeant est de comprendre les enjeux business. Cela implique de se familiariser avec les enjeux de contexte, de pouvoir et de réseaux. Publié en 2025, l’ouvrage de deux coachs suisses romands (voir la référence ci-dessous) sera très utile à un RH qui veut soutenir son patron sur ces questions stratégiques. Le modèle se divise en trois volets: hard, soft et smart power. Nous vivons aujourd’hui dans un monde de la complexité. Complexité extérieure, liée à la mondialisation, aux évolutions réglementaires et technologiques et à une accélération des changements. Mais aussi complexité interne, avec des organisations par projets, matricielles, en cercles et l’arrivée des méthodes agiles avec un enchevêtrement de rôles et de responsabilités.
Hard power
Le hard power est lié à tous les éléments tangibles dans l’organisation. Le contexte, la technologie, les structures hiérarchiques, le marché, les produits, les budgets, l’innovation… Pour maîtriser le hard power, les auteurs proposent de réfléchir aux éléments suivants: quel est le contexte économique, l’ambition du patron, ses réseaux et les évolutions technologiques. De cette analyse, le responsable RH pourra proposer des solutions en termes de recrutement, de formation ou de design organisationnel.
Soft power
Le soft power concerne la manière d’exercer son pouvoir, le style de leadership et la dimension relationnelle et psychologique du pouvoir. Aujourd’hui, un dirigeant doit approfondir sa connaissance de soi, connaître ses forces et faiblesses et développer les différents registres de sa conduite: directif, participatif et observateur. Le directif est devant, prend des décisions et emmène les troupes avec lui. Posture utile en temps de crise ou en cas de difficulté. Le participatif est avec son équipe, il écoute, demande l’avis et sait utiliser l’intelligence collective pour définir ses objectifs et décider. L’observateur est derrière, il écoute et observe. Il laisse faire les équipes et vient les soutenir en cas de besoin.
Smart power
Enfin le smart power est peut-être le plus difficile à comprendre. C’est le pouvoir nécessaire dans un monde complexe et imprévisible. Il s’agit par exemple de comprendre la systémique d’une décision. Toutes les parties d’un système sont liées. Touchez à un élément et tout le système fonctionnera différemment. Il s’agit aussi d’accepter la rationalité limitée d’un dirigeant. Impossible de tout rationaliser avant de prendre une décision. Un patron, aussi vénéré soit-il, aura donc toujours des angles morts et des biais cognitifs. Au RH de le rendre attentif à ces limites.