On en parle

Faire du cinéma pour promouvoir les RH

De plus en plus d'entreprises investissent dans le film institutionnel. Et pour la première fois, un festival est ouvert aux entreprises suisses.

Au moment où vous lisez ces lignes, le plus grand festival français du film d’entreprises s’apprête à ouvrir ses portes dans le bassin d’Arcachon, pour deux jours de compétition et une remise des prix entre le 29 et le 30 juin. Pour la première fois en quatre ans d’existence, la compétition prend une dimension internationale, puisque les organisateurs l’ont ouverte aux entreprises suisses. Leur intention est d’en faire une référence européenne, avec actuellement 200 courts-métrages inscrits, 250 participants, 30 personnalités publiques dans le jury et 22 prix à la clé.

À l’ère du digital, la vidéo corporate est un média incontournable de toute entreprise. Avec des images de qualité, une pointe d’émotion et surtout beaucoup d’authenticité, elle met en lumière un savoir-faire unique en quelques minutes. L’utilisation de la vidéo de présentation d’entreprise permet de vous introduire auprès de nouveaux clients en révélant quelles sont vos valeurs et vos activités. Elle peut également être intégrée sur votre site Internet ou dans votre communication sur les réseaux sociaux. Les foires et salons sont également des lieux propices à la diffusion d’une vidéo promotionnelle de l’entreprise.

Des frères Lumière à Alain Resnais

On l’oublie ou l’ignore souvent, mais le premier film de l’Histoire du cinéma a été tourné dans une entreprise à des fins promotionnelles. Réalisé en 1895, il montrait la sortie d’usine des collaborateurs des frères Lumière, à Lyon. Ce court-métrage était une contre-offensive à concurrence au cinématographe par Kodak. Antoine Lumière et ses fils vont réaliser d’autres films promotionnels, notamment pour le champagne Mercier. Ainsi, le cinéma documentaire s’est tout d’abord mis au service des entreprises, dans l’ombre des œuvres de fiction. Les techniciens, les scénaristes et parfois même les réalisateurs étaient les mêmes – Alain Resnais a signé en 1958 un film pour le Groupe Péchiney, apprend-on dans l’ouvrage Entreprise et Cinéma, 100 ans d’images, de l’expert Georges Pessis.

D’ailleurs, on ne compte plus le nombre de stars du cinéma qui ont tourné dans un film parlant de travail. Souvenons-nous de Georges Clooney dans le film The Constant Gardener (2005), qui épingle les tests menés secrètement sur des cobayes humains par une firme pharmaceutique. Il reprend du service dans In the Air (2009), fresque grinçante de la sous-traitance des licenciements. Autre exemple: Leonardo DiCaprio. Il apparaît dans Blood Diamond (2007), dénonçant l’extraction illégale de diamants dans les zones de conflits africains pour financer des groupes armés. On le retrouve dans Le Loup de Wall Street de Martin Scorsese (2013), où il incarne le trader américain Jordan, qui s’était bâti un empire dans les années 80 grâce à une technique frauduleuse (pump and dump), qui consiste à promouvoir des stocks d’actions en bourse à un prix surévalué afin d’augmenter leur plus-value lors de la revente.

Ben Affleck, Tommy Lee Jones et Kevin Costner se font brusquement licencier dans The Company Men (2010), une satire du rêve américain écrite après la récession économique du début des années 90 par John Wells, qui a pioché dans les témoignages de son entourage. À la sortie du film, Ben Affleck a dit avoir compris que «perdre son emploi revient en quelque sorte pour un homme à perdre sa masculinité».

Une question de vie ou de mort

«Je constate une augmentation de la production cinématographique sur la vie d’entreprise et les nouvelles méthodes managériales», déclare Danièle Linhart, directrice de recherche émérite dans le domaine de l’évolution du travail au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), à Paris. «Il y a une dizaine d’années, le travail était rarement au cœur d’une intrigue. Aujourd’hui, c’est une thématique en soi. Probablement parce que le discours social a changé: on dit aux gens qu’ils peuvent s’épanouir dans leur vie professionnelle, que c’est l’endroit où leur valeur personnelle va se révéler.» Bref, le monde du travail est une source d’inspiration cinématographique. Pas besoin de remonter jusqu’aux Temps Modernes (1936) de Charlie Chaplin pour s’en rendre compte.

Souvent, l’histoire s’appuie sur des faits réels. Selon l’ergonome Sophie Prunier-Poulmaire, instigatrice du premier festival français de films sur la vie d’entreprise, ces longs métrages «ne donnent pas dans la caricature, et décrivent la réalité plus qu’ils ne la dénoncent». Intitulé Lumières sur le travail, cet événement s’est déroulé à Paris en 2010, en présence de Cédric Klapisch venu présenter Ma part du gâteau (2011), où Gilles Lelouch campe un trader sans états d’âme (1). Dans le genre hyperréaliste, citons également, tourné par les frères Dardenne, le portrait cru de Rosetta (2000), une jeune femme condamnée aux petits emplois sous-payés.

Quelques autres exemples qui ont marqué les esprits:

Le Couperet (2005). Candidat à l’embauche, José Garcia entreprend d’éliminer un à un tous ses rivaux avec un vieux Luger, le pistolet de la Waffen SS. Pour improbable qu’elle paraisse, cette histoire est venue à l’esprit de l’écrivain Donald E. Westlake lorsqu’une amie, cadre dans une banque, lui a raconté que les gens entraient parfois dans de grandes colères après un entretien de licenciement.

Ressources Humaines (1999). Dans cette œuvre qualifiée de «chef-d’œuvre» par de nombreux critiques, un manager RH comprend soudainement que le licenciement de son père faisait partie de la mission pour laquelle on vient de l’engager.

Inside Job (2011). Considéré comme le premier film abordant les causes de la crise financière qui a débuté après 2007, ce film a remporté l’Oscar du meilleur documentaire. «La dérégulation progressive du secteur financier a vu naître une industrie de plus en plus criminelle, mais peu de gens ont été envoyés derrière les barreaux», avait alors déclaré à la presse le réalisateur Charles H. Ferguson.

Corporate (2017). Après le suicide d’un salarié, une responsable RH est prise en tenailles entre sa direction impitoyable et l’inspection du travail. Un thriller pour dénoncer le vilain management.

Violence des échanges en milieu tempéré (2004). Un consultant débarque dans une usine pour la restructurer, afin de préparer discrètement un gros rachat. Son humanité en prend un coup.

The Assistant, de Kitty Green (2020). Inspiré de l’affaire Weinstein, ce brûlot narre la journée d’une assistante dans une boîte où la culture du silence règne pour couvrir un patron salace... et surtout sa place.

Et les vidéos?

Le succès planétaire des séries TV et des vidéos en ligne donne des idées aux entreprises. Au début des années 2000, les SIG avaient innové en créant une sitcom diffusée sur Léman Bleu. Intitulée Entre amis, elle jouait sur le succès de la série-culte Friends qui passait à la télévision à l’époque pour raconter les péripéties de quatre jeunes colocataires confrontés dans leur vie de tous les jours à des questions écologiques.

En Suisse romande, le marché est occupé par des sociétés de production généralistes et quelques agences de communication. Exemple réussi, le 118 a fait un lip dub (lire encadré) qui est resté dans les esprits (2). Il s’agit d’un clip musical réalisé en milieu professionnel, généralement dans les locaux de l’entreprise. Les collaborateurs chantent en playback et sont filmés en un long plan-séquence.

Le but est forcément promotionnel, mais pas seulement: en 2006, par exemple, le groupe métallurgique Arcelor a lancé une TV en ligne dans l’espoir de mobiliser les actionnaires contre son rachat par Mittal Steel Compagny. Décrite par la cellule de crise d’Arcelor comme «un site de combat pour défendre notre modèle de management», elle proposait de courts reportages façon journal télévisé, généralement tournés en usine. Mais elle n’empêchera pas l’OPA la même année.

(1) https://www.psychologue-mudaison.fr/blog/articles/lumieres-sur-le-trava…;

(2) https://www.youtube.com/watch?v=HAeRbjTtW8I 

Un peu de terminologie

Film d'entreprise. Court-métrage de quelques minutes commandé par une entreprise pour se présenter en interne ou en externe. Il peut être diffusé dans le cadre d’un événement, dans un hall d’accueil, dans un salon et/ou sur la page d’accueil du site web de l’entreprise.

Vidéo produit. Application phare de l’audiovisuel d’entreprise, puisque le but est de dynamiser les ventes. Le film, qui ne dépasse pas les deux minutes, est destiné à tourner en boucle dans les magasins.

Lip dub. Il s’agit d’un clip musical réalisé en milieu professionnel, généralement dans les locaux de l’entreprise. Les collaborateurs chantent en playback et sont filmés en un long plan-séquence. Le terme lip dub, de l’anglais lip, lèvre, et dubbing, doublage, signifie «doublage des lèvres» (par opposition au doublage de la voix).

Captation live. C’est l’enregistrement vidéo d’un spectacle ou d’une conférence, pour une diffusion en direct sur les réseaux. Cela donne la possibilité d’interagir avec votre communauté.

Mapping. Cette technologie multimédia permet de projeter des vidéos sur des grandes surfaces (p. ex. monument, bâtiment), pour un effet maximal sur le public.

Pour s’inscrire en dernière minute, dans la limite des places disponibles: https://thespotfestival.com/ ; info@thespotfestival.com

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Typographe de premier métier, Francesca Sacco a publié son premier article à l’âge de 16 ans pour consacrer toute sa vie au journalisme. Elle obtient son titre professionnel en 1992, après une formation à l’Agence télégraphique suisse, à Berne. Depuis, elle travaille en indépendante pour une dizaine de journaux en Suisse, en France et en Belgique, avec une prédilection pour l’enquête.

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