Innovation par le bas

Instaurer une culture du feedback en quatre points

Comment intégrer les retours des collaborateurs dans la stratégie d'une entreprise? Les conseils pratiques de deux experts du sujet.

La gestion de l’innovation et la mise en place de nouveaux processus relèvent en principe de la responsabilité de la direction et des ressources humaines. Mais les collaborateurs peuvent aussi être la source de précieux conseils pour le développement de l’organisation. Encore faut-il savoir enregistrer et analyser ces informations de manière adéquate. Panorama des étapes clés.

Développer une culture du dialogue

Favoriser une atmosphère qui encourage la communication et les échanges constitue un préalable indispensable pour tirer profit du feedback des collaborateurs. «De plus en plus d’entreprises s’intéressent au sujet, mais elles peinent à en bénéficier car elles n’ont pas implémenté la culture appropriée, explique Isabelle Agassiz, adjointe scientifique à la Haute Ecole d’Ingénierie et de Gestion du Canton de Vaud (HEIG-VD) et auteure de plusieurs articles sur la question. Cela implique l’existence d’un climat de confiance et d’ouverture et de faire en sorte que des échanges s’effectuent régulièrement, à tous niveaux hiérarchiques et sans réserves.»

Adopter une méthodologie

La mise en place de processus précis permet de répondre à un biais psychologique très répandu, dit Koen Breyne, fondateur du cabinet de conseil Drive2XL, basé à Gand (Belgique): «Les gens ont souvent peur d’exprimer leurs pensées lors d’une réunion de groupe, craignant qu’elles engendrent de la moquerie. La méthode développée par Philippe Byosiere (lire aussi ici) que nous employons lors de nos interventions est une manière d’y répondre: nous réunissons 100 à 150 personnes, qui sont chacune invitées à présenter une pensée. Celles-ci sont ensuite triées et classées par un comité d’expert. Cette première phase de validation favorise la confiance des participants et crée une dynamique positive pour les échanges ultérieurs.» Autre point à considérer: «Il faut essayer de garder un esprit ouvert par rapport à toutes les pensées exprimées, et ne pas uniquement considérer celles qui présentent un potentiel financier immédiat.»

Planifier des échanges réguliers

«À la place de l’évaluation annuelle individuelle classique, la HEIG-VD a développé un processus de gestion des prestations professionnelles collectives qui amène les équipes à s’évaluer puis à faire des propositions concrètes d‘amélioration en lien avec la réalisation de leur mission, la dynamique de leur équipe et le fonctionnement général de l’organisation». Selon Isabelle Agassiz, «si ce processus se déploie généralement de manière annuelle, la culture du feedback, dans une optique d’amélioration continue, doit se vivre au quotidien. Ainsi, prévoir un moment d’échange régulier, au sein de l’équipe, sur son fonctionnement et les pratiques de travail, par exemple une fois toutes les deux séances, participe à la fois à l’instauration d’une culture du feedback et à une meilleure prise en compte de ce qui fonctionne bien et moins bien dans le quotidien de l’entreprise. On peut aussi faire en sorte d’agender des séances ‘créatives’ plus spécifiques.»

Partager les résultats

Koen Breyne insiste sur l’importance de communiquer tout le temps et d’indiquer l’utilisation des pensées récoltées. «Se sentir impliqué dans un processus d’amélioration ou d’innovation crée un effet positif parmi les membres d’une organisation. Je me rappelle du cas d’une entreprise télécom, au sein de laquelle régnait une forte concurrence entre les anciens et les nouveaux salariés. La mise en place d’une nouvelle culture d’échanges a permis de créer un respect mutuel entre ces deux catégories d’employés.»

Les pensées qui deviennent de vraies idées peuvent être utilisées en interne, à propre utilisation, mais aussi en externe, lorsqu’on les partage avec un fournisseur ou un client. Ainsi, la culture d’innovation ne se limite pas nécessairement à son organisation, mais s’étend à son écosystème, en créant des partenariats, des joint-ventures, de nouveaux business. Au lieu de quitter l’entreprise pour créer sa propre start-up, l’originateur de la pensée reste dans la société. Ceci renforce la culture d’innovation en inspirant tous les employés présents et à engager.

Toutes les entreprises profitent de la réflexion collective associée à la culture du feedback, quelle que soit leur taille ou leur activité, relève Isabelle Agassiz, de la HEIG-VD. Cela s’explique par l’augmentation de l’interdépendance des métiers. «Nous travaillons en ce moment à mettre en place un processus de gestion des prestations professionnelles collectives au sein d’un service de conciergerie d’école dans une commune romande. A priori, on pourrait penser que cela est peu pertinent, vu qu’il s’agit d’un travail plutôt individuel. Mais notre expérience avec des métiers similaires nous a montré qu’il y a une réelle plus-va-lue à développer la communication et la réflexion commune autour de la mission de ce type de professions également. En amenant les personnes à remonter les problèmes constatés sur le terrain et à proposer des solutions qui font sens pour elles, cela agit positivement sur leur sentiment de reconnaissance et sur leur engagement au travail.»

Koen Breyne

Est le fondateur du cabinet de conseil Drive2XL, basé à Gand (Belgique).

Isabelle Agassiz

Est adjointe scientifique à la Haute Ecole d'Ingénierie et de Gestion du Canton de Vaud (HEIG-VD).

 

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Erik Freudenreich est le rédacteur responsable de la version française du site HR Today.

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