Chronique

«Je suis motivé»

Fort de son expérience de cadre dans un grand groupe bancaire, le D.R. Hache raconte les travers de la vie en entreprise avec une plume des plus acérées. Dans cette chronique, il passe au crible les motivations plus ou moins crédibles des candidats.

«Parlez-moi un peu de votre motivation pour rejoindre le groupe.» Un classique quasi obligatoire dans l'entretien de recrutement, incontournable mais tellement préparé à l'avance qu'on est obligé de l'analyser au troisième degré pour en tirer un quelconque jus. On croise ainsi quelques réponses qui vont nous pousser à catégoriser leurs auteurs par famille.

Les noyés: «Eh bien je pense moi personnellement que votre groupe est un très bon groupe et puis alors c'est très connu et très gros je veux dire il y a beaucoup de gens alors je pense que c'est le meilleur groupe et j'ai toujours voulu y rentrer et surtout je suis très motivé.» Répondre «je suis très motivé» à la question pourquoi êtes-vous motivé n'est pas utile et trop fréquent.

Les techniques: «J 'ai vu le 12 septembre 2008 dans l'Agefi en page 6 que votre groupe comptait racheter une filiale en Ouzbékistan dans les tente six mois à venir n'est-ce-pas, et je dois reconnaître que je suis très attiré par le développement à l'international et que je trouve que c'est très important d'être présent dans 83 pays comme c'est votre cas.» Ceux-là, ils ont au moins l'intérêt de s'être un peu renseignés sur le groupe avant de venir, même si les informations qu'ils vous renvoient sont trop particulières pour montrer une réelle motivation: en général vous n'êtes pas au courant vous même, et vous savez pertinemment que si le gars est embauché et mobile il demandera plus New York qu'Islamabad.

Les honnêtes (ahuris): «Ben j'en sais rien moi c'est plutôt une bonne boite non?» Oui c'est plutôt une bonne boîte et il y a plus de chance que ça le reste si tu n'y entres pas. La prochaine fois, travaille un peu ton dossier mon grand. La motivation pour intégrer une entreprise est un sujet complexe, car elle touche à l'affectif. Pour se maintenir en vie, le corps social de l'entreprise doit développer un ego très fort, un puissant sentiment identitaire qui va forcément rejaillir sur chacun de ses membres.

Flatter l'égo de l'entreprise

L'entreprise est avant tout une somme d'heures passée ensemble par un groupe spécifique d'humains, une histoire d'amour, même si on sait comment ça peut finir. Pour nous rejoindre, il faut nous aimer.

Que le candidat se soit préparé à servir la même soupe au corporate voisin le lendemain ne diminue en rien l'importance de ces préliminaires. L'entreprise possède un gros ego. Cet ego surdimensionné doit être flatté. Du «tout familial», on en arrive à la relation de séduction. Pour séduire il faut mettre en avant ses qualités et dire à l'autre qu'il est beau. Comment dire à un corporate de 200’000 personnes qu'il est beau? Il suffit de le connaître un minimum. De s'être intéressé à lui.

Je ne recommande pas les tentatives de séduction personnelles pendant l'entretien de recrutement, ça n'est pas le thème. Mais connaissez un minimum le groupe que vous visez. Passez une demi-heure sur internet à collecter quelques données de base, résultats de l'année passée, nombre de salariés, type d'activité. On ne vous jugera pas principalement là-dessus, mais entre deux candidats à compétences équivalentes, celui qui aura fait ses devoirs la veille sera mieux appréhendé.

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Ancien cadre de direction dans un grand groupe bancaire français, Le D.R. Hache est aujourd'hui coach certifié HEC et médiateur diplômé de l'Institut de Formation à la Négociation et la Médiation. Après avoir tenté d'accompagner l'organisation pendant trente ans en travaillant en son sein, il a décidé de marcher à ses côtés en s'occupant plus directement - et plus librement- des individus qui la composent.

Il peut être joint à l'adresse suivante: ledrhache@gmail.com

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