Santé au travail

Jeunes travailleurs: comment adapter la formation santé sécurité au travail?

L’arrivée des jeunes nés après 1995, souvent désignés sous le nom de «Génération Z», sur le marché de l’emploi ne constitue pas seulement un enjeu de GRH ou d’adaptation culturelle, elle représente également un défi majeur en matière de santé et de sécurité au travail (SST), tant cette génération bouscule les codes.

Les jeunes travailleurs, qu’ils soient apprentis, stagiaires ou jeunes diplômés, accupent une place stratégique dans le renouvellement des compétences au sein des entreprises. Pourtant, cette population reste l’une des plus exposées aux risques professionnels. Selon les données de la SUVA, les apprentis subissent 1,7 fois plus d’accidents que les travailleurs plus expérimentés. Plusieurs facteurs expliquent cette vulnérabilité: une expérience encore limitée, une connaissance partielle des dangers liés aux postes, une volonté de faire ses preuves, mais aussi, parfois, une forme d’audace ou d’inconscience.

Des attentes nouvelles et affirmées

La génération Z se distingue de ses prédécesseurs par ses aspirations et ses priorités. Elle accorde une importance forte au sens du travail, à la qualité de vie et au respect de sa santé mentale et physique. Les jeunes actifs sont souvent plus sensibles au stress, aux troubles musculosquelettiques, ainsi qu’à la surcharge cognitive, particulièrement dans les environnements tertiaires. Par ailleurs, ils attendent des entreprises transparence, authenticité et flexibilité, et sont familiers avec les outils numériques, qu’ils utilisent naturellement au quotidien. Les méthodes traditionnelles de sensibilisation à la SST doivent donc être repensées pour capter leur attention et répondre à leurs codes.

Repenser la prévention

La formation initiale, à travers les référentiels STPS (Sécurité au Travail et Protection de la Santé), intègre déjà les compétences attendues en matière de sécurité et de santé au travail. Mais ce socle doit être enrichi et complété en entreprise. Cinq grands axes peuvent y aider:

1. Une formation ciblée dès l’embauche 

Il est crucial de former immédiatement les jeunes aux risques spécifiques liés à leur fonction et à leur environnement de travail. Cette première étape conditionne leur prise de conscience et leur future attitude face au danger.

2. Un encadrement vigilant et bienveillant

Le rôle des maîtres d’apprentissage et tuteurs est déterminant. Ils doivent non seulement transmettre les gestes techniques, mais aussi repérer les signaux faibles (fatigue, anxiété, comportements à risque) et offrir un soutien adapté.

3. Des outils de prévention modernisés 

Pour toucher une génération ultra-connectée, les employeurs peuvent s’appuyer sur des formats innovants: vidéos immersives, modules d’e-learning, «serious games», applications mobiles ou réseaux sociaux internes. Des campagnes comme Safety Quest de Be Smart Work Safe, lancée à l’automne 2024, visent à intégrer la prévention de manière ludique et engageante dans le quotidien des jeunes.

4. Une approche lucide de la santé digitale 

Il ne s’agit pas d’imposer des interdits, mais d’accompagner vers un usage raisonnable des écrans, avec des pauses actives, une posture ergonomique, et une gestion intelligente du temps connecté.

5. Un espace de parole sur la santé mentale 

De plus en plus ouverts à discuter de leur bien-être psychologique, les jeunes attendent que les entreprises reconnaissent les enjeux liés au stress, au burnout ou à l’anxiété. Disposer de ressources internes (psychologues du travail, cellules d’écoute, dispositifs de médiation) devient indispensable.

Un cadre légal incontournable… mais pas suffisant 

La Loi sur le travail (LTr) et l’Ordonnance sur la prévention des accidents (OPA) posent des règles claires: les jeunes ne doivent pas être exposés à des tâches dangereuses sans protection adaptée, ni à des rythmes de travail inadaptés à leur âge. Mais si la législation trace le cadre, c’est bien l’engagement humain des entreprises qui en constitue le moteur. Investir dans la prévention, ce n’est pas seulement éviter les accidents: c’est aussi faire le pari du développement durable des compétences.

Miser sur le potentiel des jeunes

S’adapter à la génération Z, c’est reconnaître que cette jeunesse représente l’avenir de nos organisations. La SST devient ainsi un levier stratégique pour attirer, motiver et fidéliser les talents. Offrir un cadre de travail sain, sûr et stimulant, c’est bâtir les fondations d’une entreprise plus résiliente, plus innovante et plus humaine. En misant sur la prévention et le dialogue, les employeurs ne protègent pas seulement des individus, ils sécurisent l’avenir même de leur activité.

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Philippe Courrèges est consultant STPS chez Perenne Sàrl.

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